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troubles & des défordres qui agitent & déchirent les fociétés on apperçoit ces defordres, & an croit qu'ils font fans doute inévitables, puifqu'ils exiftent. Cependant les vices des hommes viennent des gouvernemens, car ce n'eft pas la nature qui les leur a donnés. Rendez les hommes heureux, & ils feront bons & ils chériront les loix. Signé, PÉTION.

OBS. Ce n'eft pas là le ftyle de nos anciens lieutenans de police & de la plupart de nos adminiftrateurs modernes. Le compte rendu de la conduite de ces meffieurs fuppoferoit d'autres principes; ce n'eft pas citoyen philofophe venu de Philadelphie qu'ils demandent des exemples applicables à notre continent.

à un

Le peuple de Paris doit des actions de graces à M. Pétion, pour n'avoir point défefpéré de la régénération de nos moeurs, & pour lui avoir marqué les égards qu'on doit à des hommes. En nous diffimulant en quoi principalement diffère la révolution de France de celle d'Amérique, fans doute que M. Pétion a voulu relever notre courage un peu abattu par quatre années de follicitudes & de facrifices, & au bout de quelles nous ne sommes guère plus avancés qu'au 13 juillet 1789. Sa modeftie l'a empêché de nous dire combien il est plus aifé d'établir une bonne police là-bas qu'ici & d'exercer les fonctions de maire à Philadelphie qu'à Paris. Au refte, ce n'eit pas la faute du peuple de cette dernière ville. Là-bas, à Philadelphie, il n'y a point de cour, par conféquent point de contagion fatale aux moeurs & à la liberté du pays; point de lifte civile, pour acheter des complices au chef de l'état, devenu le premier des confpirateurs. Le préfident du congrès n'a point, en vertu de la conftitution du pays, le droit de s'entourer d'une maison militaire, comme d'un rempart entre les citoyens & lui, derrière lequel, dans l'eccafion, il peut fe dérober aux regards accufateurs du peuple, & avec ce noyau de contre- révolutionnaires fe ménager la reffource d'entamer une guerre civile. A PhiJadelphie, la première mesure que propofa Washington à fes compatriotes pour foutenir leur indépendance envers & contre tous, ne fut point d'endoffer un uniforme, & par là de fe divifer en deux factions; celle des fansculottes & celle des citadins bien habillés: Washington

n'étoit point un homme de cour déguifant fon jeu fous un vernis de civifme, paffant tour à tour de la faveur du prince à celle du peuple, & dévoré de l'ambition d'être un maire du palais, redoutable à fon maître, s'il ne devenoit le protecteur abfolu du royaume. En Amérique, le rôle d'Arnold fut court & eut une fin peu encourageante pour fes imitateurs, & les habitans de Philadelphie n'eurent garde de fouffrir à leur tête, pendant les premières années de leur révolution, un magiftrat du tempérament de M. Bailly.

Le voyageur philofophe, confulté par M. Pétion, lui ́ a-t-il dit ce qu'on peut efpérer d'une certaine clafe de citoyens qui, tout en profitant du nouvel ordre de chofes, le calomnient & aigriffent le peuple défintéreffé qui n'en a pas tiré un auffi bon parti qu'eux? Lui at-il dit fi le maire & les officiers municipaux de Philadelphie furent jamais taxés d'athéisme pour avoir voulu foumettre les prêtres aux loix de la police? Se trouve-til à Philadelphie des hiftrions affez mauvais citoyens pour garder dans leur répertoire & jouer, felon la faifon, des pièces de théâtre remplies d'allufions favorables au règne des defpotes? S'y trouve-t-il des femmes, & même des hommes, capables d'applaudir, avec une indécente fureur, à l'encens qu'on y brûle d'une main fervile & mercenaire aux idôles de la cour? Les mots de maître de roi, de reine, y font ils prononcés avec plus de refpect & d'amour que ceux de patrie & de liberté?

Sage Pétion, ne dites plus qu'il eft des règles de conduite également applicables aux Français & aux Américains, à Philadelphie & à Paris. Vous auriez fait peutêtre là bas ce qu'y fit Francklin; mais Franeklin, à votre place, n'eût pas été plus heureux que vous. Vous dites: Inftruifez le peuple, rendez les hommes heureux, & ils feront bons, & ils cheriront les loix; mais il falloit ajouter:

Otez à la cour tous les moyens puiffans qu'elle conferve pour détruire à mefure l'ouvrage de la raifon pour arrêter les progrès de l'inftruction, & tenir le peuple à fa merci, comme par le paffé. Légiflateurs administrateurs, magiftrats, ne vous flattez point du fuccès, tant qu'à côté de vos fages établiffemens vous laifferez fubfifter un foyer de corruption; tant que la nation, confiante jufqu'à l'aveuglement, à l'exemple des habitans du mont Vétuve, dormira en toute sécurité,

ayant au milieu d'elle un volcan qui, d'un jour à l'autre, doit l'abîmer fous fes laves brûlantes. Après quelques années de combats, Philadelphie jouit en paix des fruits de fon indépendance, à l'abri des loix qu'elle s'eft données; mais c'eft que dans fes murs elle n'a point à fupporter le fcandale & les excès d'une cour. La cour & la liberté ne peuvent fubfifter enfemble dans le même pays; ce font deux plantes ennemies; il faut que l'une extirpe l'autre il n'y a jamais eu, il n'y aura jamais d'accommodement entre elles. Français ! quand vous aurez dif fipé ou détruit cette ligue impie & armée qui s'approche à grands pas, vos confeils de département fuilentils tous préfidés par des Washington, euffiez-vous des Francklin ou des Pétion à la tête de toutes vos municipalités, n'efpérez pas être jamais libres, jamais heu reux, tant que Louis XVI aura une lifte civile de 40 millions, & la nomination aux places les plus recherchées, tant que fa compagne, étrangère de cœur encore plus que de naiffance, s'obftinera à être l'autocratrice d'un peuple qui ne doit reconnoître d'autre fouveraine que la loi; en un mot, tant que nous fouffrirons, tant que nous alimenterons, tant que nous réchaufferons dans notre fein une cour ingrate par caractère, conftitutionnelle par hypocrifie, & contre-révolutionnaire habituellement & par le fait.

Etat des principaux dégâts occafionnés à Courtray par M. Jarry.

Faubourg de Lille. Quinze maifons & une grange brûlées. Une blanchifferie avec une petite campagne brûlées. Quatre cenfes brûlées. Une campagne brûlée & ravagée. Un moulin à huile & la maifon contiguë fort endommagés.

Faubourg de Tournay. Un moulin à vent avec la maison du meûnier brûlés. Une grande cenfe brûlée. Une maifon de plaifance avec fon jardin, & une maifon contiguë brûlées. Huit cenfes brûlées. Trois maisons avec écuries & dépendances, brûlées. Quarante maifons brûlées. Une campagne confidérable, brûlée & ravagée. Un moulin & la maiton du meûnier, brûlés.

Fa bourg de Saint-Jean. Dix-neuf maifons brûlées. Quatre campagnes brûlées & ravagées. Cinq jardins de plaifance brûlés & ravagés. Trois cabarets brulés. Un autre cabaret à moitié brûlé. Sept cents pièces de toile enlevées.,.

Le 14 juillet 17920

La fête commémorative du 14 juillet 1789 s'eft paffée fort paisiblement, contre l'attente de certaines perfonnes, & n'a rien offert de bien remarquable. Le roi, toujours ponctuel à l'heure, s'eft rendu, dès avant midi, à l'Ecole Militaire, accompagné de trois mille hommes de troupes, tant volontaires nationales que fuiffes, & gendarmes à pied & à cheval, pied & à cheval, & troupes de ligne. Aclocque s'y faifoit diftinguer par fa contenance fervile; il n'a point quitté le deffous du balcon où le roi & fa famille vint jouir du coup-d'œil des apprêts de la fête. Il fut applaudi; & c'eft alors, mais ce n'eft qu'alors, qu'il pur entendre crier devant lui vive le roi cri venoit de gens qui avoient des culottes.

& ce

Dans les autres cérémonies nationales, la marche commence ordinairement par les derniers pouvoirs conftitués, en finiffant par l'affemblée nationale. On observa ici l'inverfe, & fans doute avec deffein. Comme le roi attendoit le paffage du corps législatif pour se joindre à lui, on voulut lui épargner apparemment la petite mortification d'être le témoin des applaudiffemens univerfels & fans fin qu'on fe fit un devoir de donner à M. Pẻtion. On tit donc marcher les députés d'abord; en forte que le roi étoit déjà parti pour l'autel fédératif, quand

corps municipal paifa fous les fenêtres de l'Ecole Militaire. Il n'y eut que Médicis - Antoinette & la cour qui effuyèrent la difgrace d'entendre louer un homme qu'elles déteftent. Le département venoit immédiatement après les magiftrats du peuple, mais en très-petit nombre; il equiva, non pas par-tout pourtant, les huées & les malédictions du peuple, trop occupé de fon maire pour penfer long-temps au directoire.

Cette fete devoit avoir pour principal ornement les volontaires accourus de tous les départemens. Le croirat-on? Ils furent à peine apperçus, parce qu'on avoit pris le foin perfide d'éviter de les raffembler en corps: on les fit marcher confondus dans les bataillons des fections refpectives fur lefquelles ils demeurent; ainfi voilà une mefure abfolument manquée.

Le roi montant à l'autel, les valets-de-pied le fuivoient, mais ils furent éconduits.

Une des épisodes de cette journée qui devoit être plus piquante, fut encore nulle. Il fut dit fur le pro No. 157. Tome 13

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gramme de la fête, que le président de l'affemblée nationale & le roi mettroient chacun, de fon côté, le feu à un arbre généalogique, chargé des écuffons des émigrés. On crut devoir épargner ce petit déboire à Louis feize. L'arbre fut incendié avant même que le roi parvint à l'autel féderatif.

La fête fut très-nombreufe, brillante & fraternelle mais infignifiante & fans énergie. Les décorations du champ de Mars étoient nouvelles. Sur le glacis qui le cerne, on avoit dreffé autant de tentes que de département, & devant chacun un mai, avec une flamme tricolore où on lifoit le nom du département; ce qui formoit un coup-d'œil charmant.

La pyramide élevée aux mânes des citoyens morts pour la patrie aux frontières, ne produifit pas un effet merveilleux.

La présence de M. Pétion calma beaucoup le peuple, qui paroiffoit avoir beaucoup de chofes fur le cœur; il ne lui échappa que quelques murmures très prononcés contre Louis XVI & fa digne moitié, mais qui n'eurent aucune fuite.

Le maire de Paris fut reconduit à fon hôtel par une foule de bons citoyens qui crioient, le long du chemin, vive Pétion, & qui l'écrivirent au dos de fa voiture. Quantité de gardes nationaux l'avoient fait lire fur leurs chapeaux & leurs enfeignes.

Nous donnerons les détails de cette fête dans le numéro prochain.

La fête des cononniers.

On appelle la fainte-barbe fur un vaiffeau le poste & la chambre du maître canonnier, & auffi le lieu où il renferme la poudre & les uftenfilles de fon artillerie. Qu'on nous demande quelle analogie il y a entre de la poudre à canon & une fainte-barbe, la fainte la plus près du Père Eternel, dit le peuple, c'eft ce que nous ignorons abfolument; heureufement ce n'eft pas un article de foi.

De temps immémorial en France, les canonniers de terre avoient auffi adopté pour leur patrone cette mère Sainte-Barbe. Ceux du bataillon des Filles-Saint-Thomas, qui malgré le nom qu'ils portent ont plus de patriotisme que de vénération pour le faint calendrier, propofent de changer le jour de leur fête, & de le tranfporter au 11 juillet, anniverfaire de 1789, époque à jamais heu

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