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L'interdiction de séjour pourra être renouvelée.

Art. 2. L'arrêté d'interdiction est pris par le préfet de police ou par le préfet du Rhône, et approuvé par le ministre de la police générale.

Il est notifié à l'individu qu'il concerne, avec sommation d'y obtempérer dans un délai déterminé.

Art. 3. Toute contravention à un arrêté d'interdiction sera punie d'un emprisonnement de huit jours à un mois.

Le tribunal pourra, en outre, placer les condamnés sous la surveillance de la haute police pendant un an au moins et cinq ans au plus.

En cas de récidive, la peine sera de deux mois à deux ans d'emprisonnement, et le condamné sera placé sous la surveillance de la haute police pendant un an au moins et cinq ans au plus (1). »

On ne peut, à la lecture de telles dispositions, se défendre d'un sentiment de tristesse, car il n'est pas besoin de longues méditations pour apercevoir immédiatement ce qu'elles ont de défectueux ou d'exorbitant. Sans reproduire, en effet, les justes critiques dont elles furent l'objet pendant la discussion, qui ne voit, au premier coup d'œil, qu'elles réduisent le rôle des tribunaux à sanctionner purement et simplement les décisions administratives dont l'erreur serait manifeste? Qu'elles ne s'inquiètent, en aucune façon, du principe tutélaire de la non-rétroactivité des lois, puisqu'elles atteignent des individus dont les condamnations

(1) Bulletin officiel 554, no 4206.

remonteraient à onze ans en arrière, qu'enfin elles semblent donner une nouvelle vie au délit de coalition qui, grâce à des modifications ultérieures, a presque entièrement disparu de nos Codes (1)? Et pourtant, il faut le reconnaître, cette loi, malgré ses dispositions restrictives, ne rencontrait partout, au sein du pays, qu'une immense approbation. Comme il avait applaudi naguère au décret du 8 décembre 1854, il trouvait bon qu'on le protégeât à l'avance contre les périls d'une anarchie qu'il croyait toujours menaçante : si bien que le Gouvernement, désireux de garder, en toutes choses, une sage réserve, avait plutôt à contenir qu'à stimuler l'opinion publique dont les entraînements, s'il eût eu l'imprudence de s'y livrer, l'auraient jeté dans la voie toujours périlleuse des réactions.

C'est bien le cas, devant un tel spectacle, de reproduire cette admirable peinture qu'a tracée, de notre caractère, un publiciste éminent enlevé trop tôt à la politique et aux lettres dont il était une des gloires les plus pures (2).

« Quand je considère, dit-il, cette nation en elle-même, » je la trouve plus extraordinaire qu'aucun des événements » de son histoire. En a-t-il jamais paru sur la terre une >> seule qui fût si remplie de contrastes et si extrême dans >> chacun de ses actes, plus conduite par des sensations, >> moins par des principes; faisant ainsi toujours plus mal » ou mieux qu'on ne s'y attendait, tantôt au-dessous du >> niveau commun de l'humanité, tantôt fort au-dessus;

(1) Loi du 25 mai 1864. (2) Alexis de Tocqueville,

un peuple tellement inaltérable dans ses principaux ins>> tincts, qu'on le reconnaît encore dans des portraits qui » ont été faits de lui il y a deux ou trois mille ans, et en » même temps tellement mobile dans ses pensées journa» lières et dans ses goûts, qu'il finit par se devenir un spec>>tacle inattendu à lui-même, et demeure souvent aussi >> surpris que les étrangers à la vue de ce qu'il vient de » faire; le plus casanier et le plus routinier de tous quand » on l'abandonne à lui-même, et, lorsqu'une fois on l'a » arraché, malgré lui, à son logis et à ses habitudes, prêt » à pousser jusqu'au bout du monde et à tout oser; indo>> cile par tempérament, et s'accommodant mieux toutefois » de l'empire arbitraire et même violent d'un prince, que >> du gouvernement régulier et libre des principaux » citoyens; aujourd'hui l'ennemi déclaré de toute obéis»sance, demain mettant à servir une sorte de passion >> que les nations les mieux douées pour la servitude ne >> peuvent atteindre; conduit par un fil tant que personne » ne résiste, ingouvernable dès que l'exemple de la résis>>tance est donné quelque part; trompant toujours ainsi » ses maîtres, qui le craignent ou trop ou trop peu; jamais » si libre qu'il faille désespérer de. l'asservir, ni assez >> asservi qu'il ne puisse encore briser le joug; apte à tout, >> mais n'excellant que dans la guerre; adorateur du ha»sard, de la force, du succès, de l'éclat et du bruit, plus » que de la vraie gloire; plus capable d'héroïsme que de » vertu, de génie que de bon sens, propre à concevoir >> d'immenses desseins plutôt qu'à parachever de grandes

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entreprises; la plus brillante et la plus dangereuse des >> nations de l'Europe, et la mieux faite pour y devenir tour» à-tour un objet d'admiration, de haine, de pitié, de ter» reur, mais jamais d'indifférence (1). >>

Je disais, en appréciant le décret du 8 décembre 1851, qu'il devrait être soumis à des modifications profondes. Mais, en ce qui touche la loi du 9 juillet 1852, j'ose émettre le vœu d'une abrogation pure et simple.

Que dans des temps mauvais, alors qu'une multitude en délire, pour emprunter le langage du poète :

« Livre les Dieux proscrits aux rires populaires
» Ou traîne dans la boue le buste des Césars (2);

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qu'à ces moments terribles on voile la statue de la Liberté, c'est une cruelle extrémité que la nécessité commande peutêtre et que justifie, sans doute, un intérêt suprême de conservation et de défense. Mais, quand l'ordre règne, quand les magistrats sont obéis, pourquoi laisser encore dans nos Codes les traces visibles de nos discordes et de nos malheurs? C'est l'heure, au contraire, du retour aux principes du droit commun qui, seuls mieux que toutes les lois d'exception, peuvent sauvegarder la société sans infliger au pays de douloureux sacrifices.

(1) L'Ancien régime et la Révolution, chapitre XX, p. 321 et 322. (2) Lamartine.

CHAPITRE III.

PAR LA LOI DU 13 MAI 1863 AU

DES RÉFORMES INTRODUITES
POINT DE VUE DE LA SURVEILLANCE DE LA HAUTE POLICE ET
DE L'ÉTAT ACTUEL DE LA JURISPRUDENCE EN CETTE MATIÈRE.

Dans la période de plus de trente années, qui s'écoula de 1832 à 1863 et notamment à partir de 1854, la moralité publique, suivant les documents officiels, s'était incontestablement abaissée si les grands crimes étaient devenus plus rares (1). La fraude s'introduisait plus souvent qu'autrefois dans le commerce; les denrées alimentaires, les boissons, les médicaments mêmes étaient falsifiés; on contrefaisait les marques de fabrique; des sociétés anonymes ou en commandite, sans capitaux et sans crédit réel, spéculaient, avec audace, sur les plus mauvaises passions

(1) « ..... Les délits contre les mœurs, les vols et les escroqueries, ont >> éprouvé une certaine augmentation..... >>

Extrait du Rapport sur l'administration de la justice criminelle en France, pendant l'année 1851. (Moniteur du 10 juillet 1853.)

(( .....

Les délits d'escroquerie, d'abus de confiance, de banqueroute simple, » ont augmenté constamment de 1853 à 1857. »

Extrait du Rapport pour l'année 1852 (Moniteur des 4, 9 et 10 oct. 1859.)

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