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réunir dix-huit mille hommes à la gauche de la Haye-Sainte; le duc de Wellington n'avait plus de réserves à mettre en ligne, et à sept heures et demie, le corps prussien de Ziethen serait arrivé pour être entraîné par les fuyards. Ce plan d'attaque fut bien celui que suivit l'empereur Napoléon, mais un peu trop tard, puisqu'à sept heures et demie il ne porta en avant que quatre bataillons de la garde. Cependant tout devait l'engager à hâter le moment décisif. Bien que la cessation du mouvement hostile de Bülow prouvât que toutes ses troupes avaient été engagées, et semblât donner du poids à l'opinion que le maréchal Grouchy, dont on entendait le canon, avait arrêté le restant de l'armée prussienne, il était dans l'ordre des choses possibles que cela ne fût pas. Il se pouvait qu'une partie seulement de cette armée fût restée en présence du maréchal Grouchy, et qu'on vît arriver, d'un moment à l'autre, au moins un second corps prussien. Cette supposition pouvait prendre un degré de probabilité, par le retard même de Grouchy, qui aurait dû être vers deux heures à Saint-Lambert, et qui se battait loin de là à six. C'était donc dans le moment même de la reprise de Planchenoit et de l'occupation de Smohain, qu'il fallait faire l'attaque décisive, en faveur de laquelle Napoléon avait voulu courir les chances d'une attaque de flanc. On pouvait compter que dans tous les cas possibles, il se passerait près de deux heures avant que les Prussiens

ne fussent de nouveau maîtres de Planchenoit ; il n'en fallait pas tant pour remporter la victoire à Mont-Saint-Jean. Le retard de l'attaque donna à Ziethen le temps d'arriver, et le manque de cavalerie en réserve nous arracha la victoire des mains.

Nous ne pouvons pas nous dispenser de rapporter un passage des Considérations sur l'Art de la Guerre, relatif à la journée de Waterloo. «Le « 18, dit l'auteur, nous employons toute la mati« née, jusqu'à midi, à développer notre armée et << à la préparer au combat. Nous avions cinquantecinq mille combattans, non compris notre co«<lonne de droite, de trente-cinq mille hommes, qui, dès le matin, était partie de Gembloux « pour suivre la marche des Prussiens sur la route « de Wavre. Cette colonne, séparée du reste de « l'armée par la rivière fangeuse de la Dyle, resta près de Wavre, à près de trois lieues du champ « de bataille; éloignement fatal au succès de la

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journée! Le combat s'engage à midi au MontSaint-Jean, et nous sommes privés de ce corps « de trente mille hommes, que le général français << semble avoir oublié loin de lui par un aveugle«ment ou une présomption sans exemple: et «< cette colonne reste stupidement sur la rive « droite de la Dyle, au lieu d'accourir vers le bruit « du canon, pour prendre part à la bataille; au « lieu du moins de marcher vivement sur les traces « des Prussiens, qui passent la Dyle à Wavre et

« viennent renforcer l'armée anglaise. » On ne disconviendra pas que l'auteur de cet ouvrage ne soit plus abondant en épithètes qu'en raisonnemens, et qu'il ne saute à pieds joints par-dessus les faits, pour arriver à une opinion tranchante. Cette méthode est facile, mais elle semble convenir plus à un pamphlet qu'à un ouvrage, qui est annoncé comme scientifique; peut-être même la supériorité magistrale, dont s'est abstenu Frédéric II, qui pouvait cependant donner des leçons, convientelle peu à un militaire qui, n'ayant jamais commandé de troupes en ligne de bataille, doit ignorer bien des choses qui constituent le stratégicien savant, en pratique autant qu'en théorie. Au reste, nous n'avons cité ce passage que pour faire voir jusqu'à quel point le désir de briller et de faire valoir des opinions ou des systèmes nouveaux, peut être nuisible à la modération qui accompagne la vérité. Le lecteur aura déjà vu, par le récit que nous avons fait des événemens de cette journée, et qui est garanti par toutes les relations, même ennemies, que l'armée française n'a pas perdu la matinée du 18 en l'employant à se développer, et que le général en chef n'a pas oublié, par aveuglement ou par présomption, le corps du maréchal Grouchy. Le retard de ce dernier devant Wavre, et son éloignement, ont été véritablement une fatalité qui a amené la ruine de l'armée française. Nous reviendrons plus tard sur les causes de ce retard et de cet éloignement, que nous n'attri

buons cependant pas aussi généreusement que l'auteur...à la stupidité.

Nous ne dirons que peu de mots sur la conduite du duc de Wellington, à la bataille de Waterloo. La nécessité de hasarder le sort des armes avant d'abandonner Bruxelles, ne peut être révoquée en doute. La perte de cette capitale entraînait celle de la Belgique entière, et mettait les armées anglaise et prussienne dans une situation si périlleuse, qu'il ne leur restait d'autre parti, pour échapper à une destruction totale, que celui de repasser le Rhin en hâte. Déterminé à livrer une bataille, si les Prussiens pouvaient l'appuyer, Wellington n'avait plus que le champ de bataille à choisir. Ce ne pouvait pas être la position de Genappe, dont l'avantage ne pouvait pas être assez grand, , pour contre-balancer deux inconvéniens graves qu'entraînait une bataille livrée le 17. Le premier était l'éloignement de Wavre; le second était que l'armée prussienne ne pouvait pas être ralliée le 17, et avoir réparé le désordre insépa rable d'une retraite forcée, faite pendant la nuit. Il se décida donc pour la position de Mont-SaintJean, lorsqu'il eut reçu du maréchal Blücher l'assurance d'en être secouru. Cette position n'était pas bonne en elle-même, car elle couvrait mal le village de Mont-Saint-Jean, qui en est la clef; l'aile gauche, qui était en l'air, pouvait être forcée, même tournée, et cet événement, très-possible, nous rendait maîtres des débouchés de la forêt de

et

Soignes: c'était la seule retraite de l'armée anglaise, dans un moment où les pluies avaient rendu les chemins de traverse presque impraticables. Toute la force avait été portée vers l'aile droite, derrière laquelle quatre des six brigades du général Hill, avaient été placées en potence. Nous avons déjà vu qu'il avait conçu l'idée singulière que Napoléon voudrait attaquer ou même tourner l'aile droite anglaise c'est ce qui explique la seconde faute stratégique que fit Wellington, en détachant sur Hall un corps de dix-neuf mille hommes, sous les ordres du prince Frédéric d'Orange. Une fois cetté position prise, le duc de Wellington n'avait autre chose à faire que de tenir ferme en attendant les Prussiens; aucun mouvement stratégique ne lui était possible, même par son aile droite. S'il eut voulu profiter de la possession de Goumont, pour tenter de déboucher sur notre aile gauche, il ne faisait que hâter la défaite du centre de son armée aussi se tint-il toute la journée dans une position passive, opposant les carrés de son infanterie au feu de nos batteries et à nos attaques, et se contentant de faire avancer successivement les réserves, pour remplir les lacunes qui se formaient dans la ligne. Toutes les dispositions qu'il pouvait ordonner et qu'il ordonna, sont conçues dans la réponse qu'il fit à la division Picton, à la brigade Halkett, et à toutes les troupes dont on lui peignait l'affaiblissement : « Il faut qu'ils restent en place jusqu'au dernier homme. Son

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