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chement rigoureux de nos ancien praticiens à un principe qu'ils n'entendaient pas.. La coutume de Mons veut, comme on a pu le remarquer par le texte transcrit cidessus, que, dans les devoirs de loi faits pour réaliser un acte portant aliénation du bien d'une femme, le mari affirme qu'il n'a plus rien dans toute l'étendue du chef-lieu, que l'acheteur et les juges affirment qu'ils ne savent pas le contraire, et que ces sermens vrais ou faux soient ainsi escrits ès lettriages de ce faisant mention, lesquels autrement ne seront de valeur.

La coutume de Valenciennes ne s'explique pas de même: elle n'exige que le serment du mari, et encore ne le rend-elle nécessaire à la validité de l'alienation, que lorsqu'il ne peut être prêté sans parjure, c'est-à-dire, quand le mari possède encore des biens dans le chef-lieu. Comme elle n'en dit pas davantage sur cet objet, nous ne croyons pas qu'on doive y ajouter la nécessité du serment de l'acheteur et de celui des juges, même dans le cas où le mari n'a plus rien: ces formalités sont, à la vérité, prescrites par une coutume voisine et semblable, sur ce point, à celle de Valenciennes; mais elles sont trop rigoureuses, trop éloignées du droit commun, nous osons même dire trop absurdes, pour qu'on puisse en regarder l'observation comme indispensable dans un pays où il n'y a point de loi expresse qui l'ordonne.

la première, elle semble n'avoir disposé comme elle l'a fait, que pour éclaircir les doutes que produisait celle-ci.

Cette question s'est présentée au parlement de Flandre, dans l'espèce suivante.

Jacques-Michel Gray emprunte de JeanBaptiste Proudehoux, en 1752, 1763 et 1765, différentes sommes dont il a besoin pour sa nourriture, celle de sa femme et de ses enfans. Broudehoux exige de lui un rapport à loi, pour sûreté de sa créance. Gray, pour le satisfaire, lui rapporte tous ses biens, et subsidiairement ceux de sa femme. Gray meurt. Ses biens sont vendus : leur produit ne suffit pas pour le remboursement des capitaux dus par la succession: Broudehoux fait saisir les biens de sa veuve, en vertu de l'hypothèque subsidiaire à laquelle ils sont soumis.

La veuve s'oppose à la saisie, et prétend que le rapport fait de ses biens, est nul, parcequ'aux termes de l'article dernier du chap. 12 de la coutume du chef lieu de Mons, un mari ne peut vendre, aliéner, ni charger les propres de sa femme, tant qu'il ait rente ou héritage de mainferme, dont il soit jouissant et possessant, venant de son patrimoine ou d'acquéts ès mètes du chef-lieu de Mons. Broudehoux répond :

«S'il s'agissait d'une hypothèque principale ou solidaire sur les biens de la femme, on concevrait la prétention de la veuve Gray. Mais

XI. Ce n'est pas la seule différence que il est question d'une hypothèque purement

cette matière nous offre entre la coutume de Mons et celle de Valenciennes. Voici une question sur laquelle on a jugé assez récemment qu'elles sont encore divisées.

Un mari qui a hypothéqué tous ses biens, pour sûreté d'une dette, et qui, par consé quent n'en a pas perdu la propriété, peut-il hypothéquer pareillement ceux de sa femme, en stipulant qu'ils ne pourront être saisis qu'après la pleine discussion des siens?

La coutume de Valenciennes décide qu'il le peut. Le mari, dit-elle, art. 55, « ne » pourra charger ni rapporter les héritages » et rentes de sa femme, ne fût qu'au préa»lable, il ait chargé ou rapporté tous ceux » qu'il aura. tant en ladite ville, banlieue, » que chef-lieu ».

La coutume de Mons n'a pas prévu la question; et de là naît celle de savoir si l'on doit suppléer à son silence par la disposition de la coutume de Valenciennes, non-seulement parcequ'elle en est voisine, mais encore par cequ'ayant été rédigée près d'un siècle après

subsidiaire: ses biens n'ont été rapportés qu'a près tous ceux de son mari, et pour le cas seulement où les biens de son mari ne suffiraient pas pour remplir ma créance. Or, dans ce cas, il est inconcevable comment elle peut se prévaloir de la disposition de la coutume du chef-lieu de Mons.

» Quelles ont été les vues de cette coutume, lorsqu'elle a défendu au mari de vendre ou d'hypothéquer les propres de sa femme, tant qu'il posséderait quelque chose de son chef? On peut les réduire à deux : la première, d'apporter un frein aux dépenses des maris, en voulant qu'ils en fussent les premières victimes; la seconde, d'empêcher que les hommes ne payassent leurs dettes avec le bien de leurs femmes, en conservant le leur, ou ne trouvassent des moyens indirects de se l'approprier; ce qui eût été assez facile dans un pays où il n'y a pas de récompense ni de remploi entre conjoints. Voilà les seuls motifs raisonnables qu'on peut prêter à la disposition de la coutume; ainsi, lorsqu'il se rencontre un cas auquel ils ne s'appliquent ni l'un ni l'au

tre, on peut assurer qu'il ne tombe point sous cette disposition.

» Or, tel est précisément le cas d'un rapport purement subsidiaire, accordé sur les biens de la femme. Le mari a pour ses dépenses le même frein, puisque ses biens sont les premiers qui doivent être vendus par ses créanciers; et il n'est pas possible qu'il conserve ses propres biens en vendant ceux de sa femme, puisque ceux de sa femme ne doivent être vendus qu'après les siens, et en cas seulement d'insuffisance ».

A ces raisonnemens, qu'on appuyait encore de l'art. 55 de la coutume de Valenciennes, la veuve Gray opposait le texte littéral de la coutume de Mons.

« A la bonne heure (disait-elle), la coutume de Valenciennes a permis au mari d'hypothéquer le bien de sa femme, après avoir hypothéqué tout le sien propre.

» Mais la coutume du chef-lieu de Mons en

a disposé différemment : elle a voulu qu'un mari ne pût, non-seulement vendre, non-seulement aliéner, mais même charger les héritages venant de par sa femme, tant qu'il posséderait quelque rente immobilière ou bien-fonds sous le chef-lieu. Son intention est clairement manifestée; et c'est pour nous une loi impérieuse ».

Sur ces raisons respectives, sentence du 1er avril 1773, par laquelle les mayeur et échevins d'Haumont et Boussières déclarent le rapport des biens de la veuve Gray nul et de nul effet; en conséquence, font main-levée de la saisie pratiquée sur ses biens par Broudehoux, et condamnent ce dernier aux dépens.

Appel au parlement de Flandre. Je vois, par une consultation imprimée, du 7 mars 1775, que d'habiles jurisconsultes de Douai ont trouvé cet appel bien fondé. Cependant, il n'a pas eu le succès que Broudehoux s'en promettait. Par arrêt rendu, au rapport de M. Remy des Jardins, la sentence a été confirmée. Mais le défenseur de Broudehoux m'a assuré que les opinions avaient été fort partagées, et que l'arrêt n'avait passé que d'une voix.

XII. La plus remarquable de toutes les différences qu'il y a entre les coutumes de Mons et de Valenciennes, par rapport à l'aliénation des propres des femmes, est celle-ci :

La coutume de Mons ne permet à un mari qui n'a plus de biens dans le chef-lieu, d'aliéner ceux de sa femme, que lorsqu'il a d'elle un ou plusieurs enfans: c'est ce qui résulte du

chap. 12, rapporté ci-dessus, aux mots ayant néanmoins enfans d'elle.

Mais la coutume de Valenciennes ne distingue point le cas où il y a des enfans, de celui où il n'y en a pas : dès que le mari a épuisé tout son patrimoine, elle lui permet indistinctement d'aliéner celui de sa femme.

L'ancienne coutume allait même plus loin: ce n'était que lorsqu'il y avait des enfans, qu'elle défendait au mari de toucher aux biens de sa femme avant d'avoir aliéné tous les siens : un mari qui n'avait pas d'enfans, pouvait conserver ses fonds, et vendre ceux de sa femme. C'est ce qui résultait de ces termes de l'art. 62, que « un mari ayant enfant lé»gitime, ne peut vendre les héritages de sa» dite femme, si longuement qu'il ait héri» tages à lui appartenans ».

article: elle s'est exprimée en termes généraux; et par-là, elle a fait entendre que sa disposition devait avoir lieu dans le cas où il n'y aurait pas d'enfans, comme dans celui où il y en aurait.

Mais la nouvelle coutume a dérogé à cet

XIII. Une autre différence essentielle qui se trouve entre les coutumes de Mons et de Valenciennes, c'est que, suivant la première, un mari qui n'a plus de biens dans le cheflieu, peut vendre les heritages de sa femme, sans sa participation et à son insçu. V. l'article Condition de manbournie.

La coutume de Valenciennes est plus équitable. Une femme ne peut être dépouillée, malgré elle, des biens qu'elle possède dans cette partie du Hainaut; et son consentement étant nécessaire à son mari, quand celui-ci veut aliener une certaine espèce de ses propres biens (1), à plus forte raison doit-il l'être quand il est question de disposer des héritages de la femme même. Aussi l'art. 57 exige-t-il, non-seulement qu'elle donne son agrément, mais encore qu'elle comparaisse avec son mari, dans le moment où l'aliénation se consomme, c'est-à-dire, dans les devoirs de loi, et qu'elle se déshérite. « La » femme (porte cet article), ès-ventes, char»ges, rapports et autres aliénations des hé»ritages et rentes immeubilières procédans » de son lez et costé, s'en devra déshériter, » étant autorisée de ce faire par son mari ».

Dans l'ancienne coutume, il suffisait que le mari se déshéritât avec le consentement de sa femme c'est ce qu'ont déposé tous les praticiens de Valenciennes, dans une enquête par

(1). l'article Conditionner un héritage.

turbes, du 17 mars 1636, dont j'ai une note manuscrite.

La nouvelle coutume a corrigé cet usage, et l'on ne peut qu'applaudir à sa disposition. Un mari n'est qu'administrateur des biens de sa femme, il n'en a pas la propriété, et par conséquent il ne peut pas la transférer à un tiers par la voie de la desheritance : la femme seule a ce pouvoir; et pour exercer, elle n'a besoin que de l'autorisation maritale.

Il faut cependant convenir qu'une déshéritance faite par le mari, en vertu d'une procuration de sa femme, pourrait paraitre valable dans les cas où la coutume permet de se déshériter par procureur, et qui sont exprimés dans l'art. 68, que nous avons transcrit sous les mots Devoirs de loi.

Il semble même que, dans ces cas, il ne faudrait pas de procuration expresse pour la desheritance, et que le consentement donné pour la vente, devrait suffire. En effet, Pollet, part. 3, S. 56, rapporte un arrêt du parlement de Flandre, du 9 mars 1697, par lequel une permission donnée par un proprié. taire, d'hypothéquer son heritage, a été jugée contenir une procuration tacite pour en faire la déshéritance en son nom.

Il a même été jugé au même parlement, que le consentement donné par la dame de Sarieux à son mari, pour l'aliénation des fiefs qu'elle possédait en Hainaut, avait suffi pour assurer irrévocablement l'effet des ventes qu'il en avait faites, quoique ce consentement ne contînt pas un pouvoir spécial de se déshériter au nom de la femme, et qu'il ne fût pas transcrit tout au long dans l'acte des devoirs de loi. L'arrêt a été rendu le 22 juillet 1720, et il a été confirmé en révision le 17 juin 1722.

Ce que les praticiens de Valenciennes ont déposé dans l'enquête par turbes, du 17 mars 1636, était donc conforme au droit commun.

Mais, encore une fois, la nouvelle coutume de Valenciennes déroge trop formellement à ces principes, pour qu'on puisse les lui appliquer: elle n'exige pas seulement que la femme consente aux alienations de ses biens, pour que ces alienations soient valables; elle veut encore que la femme se déshérite. Il faut donc que la femme remplisse ponctuellement cette formalité, soit en personne, soit par procureur, suivant les circonstances où elle se trouve; mais elle ne peut, en aucun cas, donner sa procuration à son mari; il faut qu'elle fasse choix d'un étranger. C'est dans le même esprit que l'art. 18 de cette coutume défend au mari de relever l'héritage de par sa femme, si TOME XXVI.

elle n'y est en personne, ou procureur pour elle suffisamment établi.

XIV. Il est inutile d'observer que le concours de toutes les conditions dont on vient de faire l'analyse, n'attribue pas au mari plus de pouvoir sur les biens de sa femme, qu'il n'en a sur les siens propres; c'est une vérité trop palpable pour qu'elle ait besoin de preuve. Ainsi, dans la coutume de Valenciennes, un mari qui a des enfans, ne pouvant pas aliéner ses biens patrimoniaux, ne peut pas non plus aliéner ceux de sa femme, lors même que celle-ci y consent, et qu'il n'a plus rien de son cóté. C'est ce qui résulte des art. 53 et 58. XV. Revenons à la coutume du chef-lieu de Mons.

Le concours des conditions qu'elle prescrit pour l'aliénation des biens de la femme, n'est plusieurs cas où cette loi, d'ailleurs si favorapas toujours d'une nécessité absolue. Il est ble aux maris, se relache de la rigueur scrupuleuse avec laquelle elle en exige l'accomplissement.

trouve dans la nécessité, après avoir épuisé 1o. Il n'est pas douteux qu'un mari qui se toutes les ressources que ses propres biens pouvaient lui fournir, ne puisse, avec le consentement de sa femme, quoiqu'il n'en ait pas d'enfans, obtenir valablement une permission de justice pour aliener les biens de celle-ci. Mais il faut que cette permission soit précédée d'un avis de parens, et donnée avec pleine connaissance de cause. Cela résulte du chap. 24 de la coutume du chef-lieu de Mons.

2o. Il est de principe, dans cette coutume, qu'un incapable d'aliener devient capable par le consentement de son héritier présomptif, quand même ce dernier n'aurait pas les qualités requises pour disposer de ses propres biens. De là l'axiome que deux impuissans font un puissant. Ainsi, les biens d'une femme qui n'a pas d'enfans, peuvent être aliénés par son mari, lorsqu'elle et son héritier présomptif y consentent : ce double consentement rend l'alienation inattaquable. C'est ce qu'a jugé un arrêt du parlement de Flandre, du 20 juin 1777, qui est rapporté sous le mot Loer.

30. Une autre exception aux principes genéraux de la coutume de Mons, est écrite dans le texte même de cette loi. Voici ce que porte le chap. 11 : « Que tous parastres (beaux» pères) pourront les maisons et héritages de » par leur femme donner à rente, pourvu » qu'ils seront tenus remonstrer le cas à la » loi du lieu, et par le conseil de ladite loi, » en y appelant les enfans, si agés sont, aussi » deux des plus proximes du côté dont les

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» héritages viendront: et si le cas est trouvé »raisonnable, en soit ainsi fait et usé par » recours (par enchère publique), non au

» trement ».

Le sens de ce chapitre est facile à saisir. C'est une maxime constante dans le chef-lieu de Mons, comme on l'a vu aux articles Condition de Manbournie et Dévolution coutumière, que l'état d'époux en secondes nôces avec enfans d'un premier lit, empêche l'aliénation de tous les acquêts et propres collatéraux dont on se trouvait possesseur au moment du second mariage, et même de tous les propres échus en ligne directe après cette époque. Le second mari d'une femme qui a des enfans d'un premier lit, ne peut donc jamais en aliener les biens, lors même qu'il réunit en sa faveur toutes les circonstances dans lesquelles la coutume attribue ce droit à un premier mari. Cela posé, il est évident que le chapitre cité déroge aux maximes générales de la coutume, en deux points importans : 1o. en ce qu'il permet au mari d'une femme qui a des enfans d'un lit précédent, de bailler à rente les biens de celle-ci, moyennant un décret de justice donné sur l'avis des enfans auxquels ces biens sont dévolus ou affectés, et des collatéraux de la ligne desquels ils proviennent; 2o. en ce qu'il n'exige point pour cela, dans le second mari, la réunion des circonstances dont la coutume fait régulièrement dépendre la faculté d'aliéner les biens des femmes.

D'après cela, on ne balancera pas sans doute à étendre la disposition de ce chapitre aux premiers maris. Si, pour bailler à rente des biens affectés aux enfans d'un lit précédent, un second mari n'a besoin que d'un décret de justice, soit qu'il ait ou qu'il n'ait pas lui-même des enfans de la femme à qui ils appartiennent, soit qu'il ait vendu tout son propre patrimoine, ou qu'il l'ait encore entier, à plus forte raison n'en doit-on pas exiger davantage d'un premier mari, pour aliéner, par un pareil acte, des biens qui ne peuvent être affectés qu'à des collatéraux.

4°. La jurisprudence du chef-lieu de Mons admet encore, par rapport aux conditions dont elle exige le concours pour l'alienation des biens des femmes, une exception trèsremarquable, mais bornée à un canton de cette partie du Hainaut.

La coutume locale de Binche s'accorde avec la loi générale du chef-lieu, en ce qu'elle ne permet à un mari de vendre le bien de sa femme, sans son consentement, que lorsqu'il en a des enfans: mais elle s'en éloigne en deux points essentiels.

D'abord, dans le cas où il n'y a pas d'enfans, elle attribue au consentement de la femme l'effet de rendre valable l'aliénation de ses biens par son mari.

En second lieu, dans l'un et l'autre cas, elle ne prescrit pas l'aliénation préalable de tout ce que le mari possède dans le chef-lieu, comme une condition nécessaire à la validité de l'aliénation des biens de la femme. Voici comment elle s'exprime, art. 83 : « Le mari, » constant le mariage, peut vendre, déshé»riter ou aliéner le bien de sa femme, en » cas qu'il en ait des enfans, et non autre»ment; si ce n'est qu'icelle, de sa pure et » franche volonté, veuille faire ladite alié»> nation, consentir au vendage et déshéri» tance (1) ».

Ce qu'ajoute le même article pour déterminer la forme du consentement qu'une femme sans enfans doit donner à l'alienation de ses biens, mérite une attention particulière : « Auquel cas toutefois il doit conster » aux jurés de telle affection et libre volonté » de la femme, l'ayant sur ce interrogée et » examinée en secret et en l'absence dudit >> mari ».

XVI. Nous venons de dire que la faculté accordée par cette coutume locale, à un mari sans enfans qui a des biens dans le chef-lieu, d'aliéner les héritages de sa femme, avec le consentement de celle-ci, est une dérogation à la coutume générale de Mons; et en effet, le seul consentement de la femme ne suffit pas, dans celle-ci, pour rendre ses biens aliénables par un mari qui ne réunit pas en sa faveur les deux conditions de n'avoir plus de biens et d'avoir des enfans.

Dumées, dans sa Jurisprudence du Hainaut français, n'en a cependant pas jugé ainsi. Après avoir donné un précis des conditions requises par les chartes générales et par la coutume de Mons, pour qu'un mari puisse aliener les biens de sa femme, il pose,

comme une maxime certaine et conforme au droit général du] Hainaut, « que la femme » autorisée de son mari, peut aliener les » fiefs, francs - alleux et main fermes, dont » elle aurait la libre disposition, si elle n'était » pas mariée »; c'est-à-dire que, suivant cet auteur, une femme peut renoncer aux différentes lois qui interdisent l'aliénation de ses

(1) La coutume de Binche est conforme, en ce point, à celle d'Utrecht, rubr. 22, art. 2; et à celle de Vianen et d'Ameyden, rubr. 4, art. 7, S. 1. Je n'en connais point de semblable en France.

propres au mari en faveur duquel ne concourent pas les conditions qu'elles exigent. Mais il est aisé de sentir l'erreur de ce système.

Dumées s'appuie d'abord sur l'art. 21 du tit. 11 de la coutume de Tournai, qui permet aux femmes d'aliéner leurs biens avec l'autorisation de leurs maris. Mais quel rapport y a-t-il entre cette coutume et la jurisprudence du Hainaut? On sait bien que le droit commun des pays coutumiers ne demande, pour l'aliénation d'un fonds dotal, que la volonté des deux époux; mais, comme il n'est ici question que de savoir si ce point de droit commun peut être appliqué à la province du Hainaut, les coutumes étrangères doivent absolument se taire.

Dumées se fonde ensuite sur l'art. 57 de la coutume de Valenciennes. On jugera de l'ap. plication qu'il en fait, par les termes dans lesquels ce texte est conçu : « La femme ès. » ventes, charges, rapports, et autres alié» nations des héritages et rentes immeubi»liaires procedans de son lez et costé, s'en » devra déshériter, étant autorisée de ce faire

» par son mari ».

Il résulte bien de cet article, que l'alienation d'un fonds dotal ne peut être faite par le mari sans l'intervention de sa femme, ni par la femme sans l'autorisation de son mari, ce qui revient au même; mais peut-on inférer de là que le consentement réuni des deux époux suffise pour rendre le fonds alienable? On le croirait peut-être, si l'art. 57 était isolé mais comment une pareille idée peutelle se concilier avec les trois articles prece dens qui interdisent expressément à un mari tout acte d'aliénation relatif aux biens de sa femme, tant qu'il possède quelque fonds ou quelque rente immobilière dans un endroit quelconque du chef-lieu de Valenciennes?

La coutume de Binche, dans l'art. 83 rapporté ci-dessus, n'est pas plus favorable au système de Dumées : elle l'adopte, à la vérité, de la manière la plus formelle; mais ne peut-on pas regarder sa disposition comme une reconnaissance faite par les rédacteurs, de la contrariété qui règne sur cette matière, entre la jurisprudence générale de cette province, et les usages particuliers de ce territoire? Si cette disposition ne dérogeait pas la coutume du chef-lieu de Mons, il eût été inutile de l'insérer dans celle de Binche qui en est locale.

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C'est cependant à la coutume de Mons, que Dumées applique principalement son systeme; et, à cet égard, voici comment il rai

sonne : « Une fille à marier peut aliener.......... » les mainfermes qu'elle a acquis dans le chef» lieu de Mons; en se mariant, elle perd sa » liberté; elle passe sous la puissance d'un » mari Cette puissance est un obstacle à ce » qu'elle puisse disposer comme avant que » de se marier; pourquoi un mari ne pour» rait-il pas lui restituer, en certaines occa» sions, sa liberté, qui depend uniquement » de son autorisation »?

Ma réponse est très simple. Pour aliéner des acquets situés dans le chef-lieu de Mons, il faut être au même état que quand on les a faits; c'est la disposition précise du décret des archiducs, du 25 mars 1606, art. 1. Or, une femme, en se mariant, change certainement d'état; ce changement imprime donc en elle une incapacité légale; et cette incapacité, il ne dépend pas du mari de la faire cesser par son autorisation; car la loi qui la est absolue. prononce,

de

Le raisonnement de Dumées pourrait plu tot s'appliquer aux fiefs, parcequ'à l'égard de ces biens, le changement d'état qui s'opère par le mariage, ne fait naître aucune incapacité particulière. Mais l'art. 3 du chap. 94 des chartes générales, rapporté ci-dessus, clare très-positivement qu'un mari sans enfans ne peut pas aliéner les fiefs de sa femme, lors même qu'elle y consent. La chose, à la vérité, paraît singulière, mais elle est établic sur une loi expresse, et deux ou trois lignes. de bonnes raisons ne suffisent pas pour la

renverser.

[[XVII. Au surplus, et cette observation est très-importante, ces dispositions des cou. tumes de Mons, de Valenciennes et de Binche, concernant les main fermes, ont cessé de faire loi dès la publication des décrets du 4 août 1789, destructifs du régime féodal et censuel.

Mais les règles établies par les chartes générales, pour l'alienation des fiefs, sont restées dans toute leur vigueur jusqu'à la publication du Code civil, non pas que, depuis les décrets du 4 août 1789, il eût encore des fiefs dans le Hainaut, mais parceque les chartes générales elles-mêmes déclaraient ces règles communes aux francs-alleux (1), et que, conséquemment elles gouvernaient encore, en vertu de l'art. 2 de la loi du 19-27 septembre

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