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de nous rendre maîtres du défilé. L'armée anglaise, coupée de Bruxelles, ne pouvait pas alors échapper à une destruction complète. Quelquesuns ont voulu attribuer à un amour-propre ridicule, le désir qu'avait Napoléon de se rendre maître de Bruxelles le plus tôt possible. C'est qu'ils n'ont pas été capables de concevoir, que la prise de Bruxelles était le terme de l'existence des armées anglaise et prussienne, et probablement celui de la guerre. L'histoire développera un jour les conséquences qu'aurait eues cet événement; ce n'est ici ni le temps ni le lieu.

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Mais avant de s'engager dans une bataille, quelles que fussent les chances avantageuses qu'offrait la position de l'armée anglaise, il fallait s'assurer de celle de notre aile droite et de celle des Prussiens; il fallait empêcher ces derniers de faire une diversion, et même de s'opposer à celle que pourrait faire notre aile droite. C'est dans ce but que poléon adressa au maréchal Grouchy l'ordre de suivre les Prussiens à Wavre. Le premier rapport du maréchal Grouchy annonça qu'il était encore à Gembloux, et la bataille du 18 n'aurait peutêtre pas eu lieu, si un second rapport du même, n'eût annoncé qu'il se mettait en mouvement dès le matin, pour se rendre à Wavre.

Napoléon ayant reçu ce rapport à cinq heures du matin, dut compter que son aile droite serait devant Wavre et en communication avec SaintLambert, à midi au plus tard. Il se décida donc

à suivre les chances de la journée. Le rapport que lui fit, vers huit heures du matin, un des officiers de son état-major, que les Anglais étaient en retraite, pouvait lui paraître plausible. Il n'était pas hors des probabilités que Blücher eût dépassé Wavre, afin d'opérer sa réunion avec l'armée anglaise, sans courir les risques d'une marche de flanc. Il donna en effet l'ordre au comte d'Erlon de se mettre en mouvement, pour suivre les Anglais; mais s'étant porté seul, à pied, avec le comte d'Erlon, jusqu'à nos premières vedettes, il recónnut bientôt que le rapport de ce dernier était exact, et que Wellington se préparait au combat. L'heure où l'attaque devait commencer, semblait fixée par les circonstances. D'abord la pluie venait à peine de cesser, et il fallait laisser au soldat le temps de sécher et de préparer ses armes. Ensuite la détermination de Wellington devait paraître la conséquence d'un accord avec Blücher. Il ne paraissait pas probable qu'il voulût combattre dans une position aussi mauvaise en elle-même, si le point où il s'était placé n'était pas celui où les deux armées ennemies avaient destiné de se réunir. Il fallait donc s'attendre à ce que Wellington, dont toute la science stratégique devait se réduire à garder sa position, n'épargnerait aucun sacrifice d'hommes pour y parvenir; la lutte devait donc être opiniâtre. Napoléon ne crut pas devoir l'engager avant d'avoir fait repaître le soldat. Ce dernier repas de ces nobles victimes, n'offrit pour tout

mets que le pain qu'ils avaient apporté de Beaumont. Il y a loin de là aux pillages, dont de vils calomniateurs, qui déshonorent le nom français, ont voulu accuser une armée qu'ils n'ont jamais été dignes de connaître. Enfin le maréchal Grouchy devait être à midi au plus tard devant Wavre, et, passé cette heure, aucune diversion n'était plus à craindre de la part des Prussiens.

Le signal du combat fut en effet donné à midi environ, et il s'engagea par l'aile gauche. Il était intéressant d'appeler d'abord l'attention des Anglais sur leur droite, afin de les engager à distraire, pour la soutenir, des troupes que plus tard ils auraient pu employer au centre. L'ordre de bataille primitif de Napoléon présentait d'abord l'idée d'une attaque par les deux ailes, en refusant le centre dans les premiers instans. Le 2o corps attaquait Goumont et menaçait la route de Nivelles; le 1 corps devait attaquer en dedans de Papelotte, menaçant ainsi le Mont-Saint-Jean à revers; le 6o corps restait en colonnes sur la grande route, chargé de décider le résultat de la bataille; en s'avançant sur le centre, lorsque les deux ailes seraient fortement engagées et que l'ennemi aurait été obligé d'y envoyer ses réserves.

Mais bientôt cette première disposition fut changée. Peu après les premiers coups de canon, une dépêche prise avertit Napoléon que le corps qu'il apercevait à Saint-Lambert était un corps ennemi. Le maréchal Grouchy avait donc été re

tardé. Il n'était pas possible de croire qu'il eût été battu, car à la distance où il avait dû se tenir de l'armée, on aurait entendu le bruit du canon. Aussi Napoléon, persuadé qu'il n'y avait qu'un retard qui eût pu faire manquer cette première combinaison, lui envoya-t-il de nouveau l'ordre de se rendre en hâte à Wavre et de marcher contre Bülow. Mais il fallait changer la première disposition de la bataille. Le 6° corps ne pouvait plus entrer en ligne; il fallait le tenir prêt à s'opposer au mouvement des Prussiens. Il fallait donc aussi que le 1 corps portât son attaque plus à gauche. Ainsi, au lieu d'avoir quarante-sept mille hommes à employer à l'attaque des positions anglaises, et dix-huit mille hommes en réserve, nous ne pouvions plus en opposer que quarante mille, aux soixante et dix que Wellington avait entre Goumont et Papelotte : il fallait en tenir vingt-cinq mille en réserve.

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Une seconde conséquence de l'apparition de l'ennemi à Saint-Lambert, fut de faire languir l'attaque principale. Il n'était pas prudent de tenter sur le centre un grand mouvement, qui aurait pu nécessiter l'appui d'une grande partie des réserves, avant d'avoir vu se développer la diversion que présentaient les Prussiens. C'était ce développement qui devait faire voir si le maréchal Grouchy approchait ou non. Nous nous étions cependant rendus maîtres de la Haye-Sainte, et tout le 1 corps était engagé de front avec les An

glais. A la gauche, le 2° se consumait en d'inutiles efforts contre Goumont. Pendant ce temps, l'attaque de Bülow se développa, et devint bientôt assez sérieuse pour obliger encore Napoléon à disposer d'une autre partie de sa réserve.

C'est ici que l'on a fait à l'empereur Napoléon le reproche stratégique le plus grave. C'est celui de ne point avoir dégagé ses troupes, au moins le 1er corps, de la bataille, pour prendre une position oblique, où il pût se soutenir jusqu'à la nuit et couvrir sa retraite derrière la Sambre. Il aurait pu donner au maréchal Grouchy l'ordre de se replier sur Sombref, le 18 au soir, et alors il ramenait son armée, sans perte, sur les frontières de France. Il songea un moment à prendre le parti que nous venons d'indiquer, et nous avons déjà dit (page 42) que le comte d'Erlon reçut l'ordre de se tenir prêt à retirer son artillerie et successivement ses divisions. Nous avons également développé les avantages stratégiques qui auraient pu résulter, pour le 18, d'un mouvement qui aurait obligé le duc de Wellington à cesser le combat, ou à quitter sa position. Ce dernier parti n'était pas le plus avantageux. Les armées anglaises sont des armées de bataille, mais non pas des armées de manœuvres ; cette vérité est reconnue par tous les militaires qui ont combattu avec ou contre elles. Il en résulte donc que les Anglais, en voulant suivre le mouvement rétrograde du corps, nous auraient imman

er

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