Page images
PDF
EPUB

l'Europe. Il l'étoit ?

superbe royaume. Fertile par son terroir, puissant par sa position, heureux par son ensemble, tout le destinoit à devenir la première monarchie de en effet, malgré des abus aussi antiques, aussi vastes que lui. Ces abus étoient parvenus à leur comble, et tout l'état menaçoit ruine. Un roi ami de ses peuples, a convoqué leurs représentans. Ceux-ci ont profité des lumières de la philosophie, pour corriger les erreurs de la politique, et domer à la France le seul bien qui lui manquoit, une CONSTITUTION.

Nous avions annoncé un Catéchisme, fait par un dẻputé à l'Assemblée Nationale. Comme ce catéchisme a été imprimé dans l'intervalle, nous en avons rédigé un plus complét. Nous avons profité des bonnes choses que renferme l'ouvrage annoncé, et nous y avons ajouté celles qui lui manquent nous avons tâché aussi de rendre l'ordre des idées plus sensible, en appuyant sur les plus importantes. Cette feuille-ci est consacrée presque toute entière à une instruction devenue pressante et indispensable. Nous prions nos lecteurs de lire avec attention et de méditer même ce catéchisme, article par article.

>

[ocr errors]

CATECHISME de la Constitution Françoise.

DEMANDE. QU'EST-CE qu'une constitution? REPONSE. L'assemblage des lois constitutionnelles. D. Qu'est-ce que des lois constitutionnelles?

R. Ce sont des lois qui constituent, qui forment un gouvernement libre.

D. Qu'est-ce qu'un gouvernement libre?

R. Celui qui est fondé sur les droits de l'homme et du citoyen.

D. La France avoit-elle une constitution?

R. Elle croyoit en avoir une.

D. En quoi consistoit-elle ?

R. Dans le plus fatal des abus, dans la division des trois ordres, le clergé, la noblesse et le tiers-état. Le clergé avoit usurpé le premier rang, lui qui ne représente qu'une profession sainte, bornée au culte divin. La noblesse s'étoit installée au second ràng, elle qui ne composoit qu'une race militaire, illustre par des victoires qu'elle devoit aux soldats. Le tiersétat, c'es-à-dire la nation même de qui sortoient les prêtres et les nobles; étoit nommé ainsi, parce qu'il étoit rejetté au dernier rang, lui qui faisoit toute la force, toute la richesse, toute l'espérance de l'état. D. En quel temps cette division barbare s'est-elle établie ?

R. Dans les siècles d'ignorance.

D. Et qui nous a ouvert enfin les yeux ?

R. La philosophie à éclairé la nation, et celle-ci, en s'assemblant, s'est remise à sa place.

D. Comment cela?

R. On a commencé par rendre à l'homme et au citoyen les droits que l'un et l'autre avoient perdus et presque oubliés.

E

D. Quels sont ces droits?

R. La liberté, la sûreté, la propriété, l'égalité.
D. En quoi consiste la liberté?

R. A n'obéir qu'aux lois.

D. Et la sûreté ?

R. A n'être puni que par les lois.

D. Et la propriété ?

R. A n'être imposé ou dépossédé que par les lois.
D. Et cette égalité dont on parle tant?

R. A être traité également par les lois.

D. Comment sommes nous traités également par les lois?

R. En subissant, pour les mêmes fautes, les mêmes peines; en recevant, pour les mêmes services, les mêmes récompenses; en pouvant, avec la même capacité, obtenir les mêmes emplois.

D. Tout le monde est donc confondu, et toutes les places sont donc égales ?

R. Point du tout. L'âge, le mérite, la fortune, les dons de la nature, tels que la valeur ou le génie, continuent à distinguer les personnes. Et quant aux places, elles sont distinguées entre elles, par le plus ou le moins d'importance, le plus ou le moins de pouvoir que l'on y attache.

D. Nous voilà donc, tous ensemble, égaux et inégaux! R. Nous sommes égaux devant la loi, égaux devant la nature, égaux devant la divinité. Nous sommes inégaux par les richesses, par les talens, par les di· gnités. Ces avantages produisent des distinctions proportionnées à l'utilité dont ils sont. On, considère T'homme riche qui fait un bon usage de ses richesses. On admire l'homme de génie qui éclaire le public. On révère l'homme vertueux qui soulage ses semblables. On respecte l'homme en place qui se rend utile à ses inférieurs.

D. Il existe donc des inférieurs et des supérieurs ?

R. Oui, selon les fonctions. Un maire est supé rieur, par ses fonctions, aux autres citoyens de sa communauté. Un curé est supérieur, par ses fonctions, aux autres ecclésiastiques de sa paroisse. Un officier militaire est supérieur, par ses fonctions, aux soldats qu'il commande. Hors de leur place, ils ne peuvent rien ordonner, et leur supériorité finit là où se terminent leurs fonctions.

D. Cette supériorité ne blesse -t-elle pas l'égalité réelle?

R. Elle ne blesse que la vanité, la jalousie, l'insubordination.

D. Qu'est-ce que l'insubordination?

R. C'est la résistance à l'ordre public.

D. Qu'est-ce que l'ordre public?

R. C'est le gouvernement établi par la constitution. D. Quel est le gouvernement que notre constitution a établi ?

R. La monarchie.

D. Qu'est-ce que la monarchie?

R. La véritable monarchie consiste, dans une nation SOUVERAINE, un corps LEGISLATIF et un monarque

HEREDITAIRE.

D. Pourquoi dites-vous une nation souveraine?

R. Parce que tous les pouvoirs viennent de la nation, et lui appartiennent.

D. Pourquoi donc n'est-ce pas elle qui les exèrce tous?

R. Cela est impossible dans un vaste état, et même dans un petit. Il faudroit, pour cela, que le peuplé entier fût ensemble sans cesse, et qu'il abandonnât ainsi tous ses travaux particuliers et tous ses soins domestiques. Or que deviendroit un état sans arts et sans familles? Il a donc fallu que le peuple gardât ses droits, mais confiât ses pouvoirs.

D. Comment a-t-il confié ses pouvoirs?

R. En adoptant l'heureux systême de la représen

tation.

D. Quel est ce systême?

R. Celui de se donner des représentans.

D. Quels sont ses représentans ?

R. D'abord, le Roi, qui est le représentant suprême, le représentant héréditaire.

D. Pourquoi est-il héréditaire ?

R. Parce que l'on a craint les guerres civiles que le choix d'un monarque éligible pouvoit produire, et parce que l'expérience a démontré que l'intrigue ne donnoit pas de meilleurs princes que le hasard de la

naissance.

D. Après le roi, quels sont les autres représentans du peuple?

R. Ceux qu'il députe au corps LEGISLATIF, et ceux qu'il choisit pour être ses magistrats.

D. Qu'est-ce que les députés au corps législatif?

R. Ce sont des citoyens choisis librement pour faire les lois et établir les impôts.

D. Le corps législatif, l'assemblée nationale sont-ils la même chose?

R. Tout corps législatif doit être une assemblée nationale; mais on a réservé ce dernier nom à l'assemblée actuelle, comme la seule chargée de fonder une constitution.

D. Les législatures qui succèderont à celle-ci, n'auront donc pas le droit de prescrire une constitution nouvelle?"

R. Non, car si chaque législature donnoit une constitution, nous aurions cent constitutions de suite, et pas une bonne.

D. En quoi consiste donc l'emploi législatif?

R. Il consiste à être député par la nation; à délibérer avec les autres députés sur les intèrêts publics à faire des lois justes et conformes aux lois constitu

[ocr errors]
« PreviousContinue »