Art. 3.- L'article 311 du code civil est remplacé par les dispositions suivantes : <<< Art. 311. Le jugement qui prononce la séparation de corps ou un jugement postérieur peut interdire à la femme de porter le nom du mari ou l'autoriser à ne pas le porter. Dans le cas où le mari aurait joint à son nom le nom de la femme, celle-ci pourra également demander qu'il soit interdit au mari de le porter (1). << La séparation de corps emporte toujours la séparation de biens. de faire usage du nom de l'autre. « L'éventualité de dommages intérêts, dit le rapporteur du conseil d'Etat, constituera une sauvegarde suffisante et il n'y a pas lieu d'inciter les époux å engager ces actions, alors qu'ils ne pourraient pas justifier d'un préjudice appréciable. >>> (1) D'après cette première disposition de l'article 311 nouveau, les époux séparés de corps ne perdent pas ipso facto le droit de faire usage du nom l'un de l'autre, mais ils peuvent le perdre en vertu d'un jugement. Ce jugement doit être provoqué par la partie intéressée. Mais le texte ne montre pas clairement quel sera le pouvoir du tribunal. Le rapport présenté au nom du conseil d'Etat paraît lui reconnaître un pouvoir d'appréciation. Il s'exprime ainsi : «L'interdiction ne doit donc pas être édictée de plein droit, mais seulement lorsqu'il résulte de l'examen de l'affaire qu'elle est commandée, par un intérêt supérieur. » La forme facultative du texte semble favorable à cette manière de voir. Mais de la discussion au Sénat il paraît résulter au contraire que le législateur ne l'a pas entendu ainsi. On donne au tribunal le pouvoir de faire ce que la loi n'a pas cru devoir faire elle-même, mais ce pouvoir, il doit en faire usage dès que la demande en est formée par l'intéressé. A propos de l'interdiction au mari de joindre à son nom celui de la femme, le rapporteur de la commission du Sénat a dit en réponse à une question précise: c'est l'exercice du droit de la femme résultant de la propriété de son nom.. c'est la femme qui reste maîtresse d'engager le débat; il n'est plus possible au tribunal de ne point accueillir sa réclamation. >> Sénat, séance du 25 janvier 1887, J. Off. du 26, déb. parl. p. 51. Le texte donne également au tribunal le pouvoir d'autoriser la femme séparée à ne plus porter le nom du mari. On ne voit pas bien la portée d'une telle autorisation, et le conseil d'Etat avait été d'avis qu'elle ne pouvait en avoir aucune. La femme en effet, même avant la séparation, n'est pas tenue, en droit, suivant l'expression de la cour de cassation, de prendre le nom du mari, seulement il est d'usage qu'elle le prenne, et son refus de se conformer à cet usage pourrait, suivant les cas, constituer une injure grave de nature à faire prononcer contre elle la séparation de corps ou le divorce. Voudrait-on dire que la femme séparée de corps, qui, sans avoir été autorisée de justice, cesserait de porter le nom du mari, pourrait encore être considérée comme coupable envers celui-ci d'une injure grave de nature à être invoquée comme fondement d'une demande en divorce? La discussion n'indique pas cette sanction qui peut paraître singulière. Il y a été fait allusion seulement aux poursuites auxquelles la femme pourrait s'exposer au cas où, en abdiquant sans autorisation le nom sous lequel elle était connue, elle aurait eu pour but de tromper les tiers et de se livrer à quelque escroquerie. La vérité paraît être que sur ce point la commission du Sénat a fait triompher l'idée que par l'effet du mariage, la femme prend légalement le nom du mari et que celui-ci a le droit de lui interdire, sous une sanction pécuniaire, d'en prendre un autre, ce qui n'a cependant pas été admis comme doctrine juridique par la Chambre des députés (V. rapports de MM. Arnault et Jullien). << Elle a en outre pour effet de rendre à la femme le plein exercice de sa capacité civile, sans qu'elle ait besoin de recourir à l'autorisation de son mari ou de justice (1) ». << S'il y a cessation de la séparation de corps par la réconcilia (1) On a fait remarquer que cette disposition aurait été mieux à sa place en s'intercalant, à titre de modification, dans l'article 1449 du code civil où se trouvent les règles relatives à la capacité de la femme séparée de corps et de biens. Faute d'avoir ainsi procédé, on a oublié de remanier le texte del'article 1449 et il en résulte une contradiction formelle entre ce dernier texte qui assimile au point de vue de sa capacité la femme séparée de corps et de biens à la femme séparée de biens seulement, et le nouvel article 311. Il ne saurait être douteux d'ailleurs que ce dernier texte est seul applicable, l'autre étant soumis parte in qud, à l'abrogation de toutes les dispositions contraires aux dispositions de la présente loi (art. 6). a) Le texte limite très exactement la portée de la règle nouvelle relative à la capacité de la femme mariée séparée de corps: il ne s'agit que de la soustraire à son incapacité de femme mariée telle qu'elle résultait des articles 215 et 217 du code civil et non aux restrictions spéciales apportées à son droit de disposer de ses biens ou de s'obliger, même avec l'autorisation du mari ou de justice, par son contrat de mariage et notamment par la stipulation du régime dotal, en tant que ces restrictions persistent après la séparation de biens. (V. la discussion au Sénat, séance des 18 et 20 janvier 1887, J. Off. du 19 et du 21, déb. parl., p. 21 et 37). Mais, même dans l'hypothèse du régime dotal, si la dot a été déclarée aliénable, il semble conforme au texte et à l'esprit de la loi que la femme n'ait plus besoin de l'autorisation du mari pour en consentir l'aliénation dès qu'elle est séparée de corps, parce qu'alors il n'y a plus en jeu que son incapacité générale de femme mariée. Il en sera encore ainsi lorsque la faculté d'aliéner aura été subordonnée à la condition d'un remploi. Il nous paraît qu'il en serait de même dans l'hypothèse d'aliénation permise par la loi, aux termes des articles 1555 et 1556, parce qu'ici encore, l'inaliénabilité étant levée par la loi, les autorisations requises ne sont plus que celles qui atteignaient la femme comme femme mariée. Mais la nécessité de recourir à l'autorisation de justice persisterait dans les hypothèses des articles 1558 et 1559, parce qu'ici l'autorisation de justice est nécessaire pour lever l'inaliénabilité, pour sauvegarder cette inaliénabilité, et non plus à titre d'autorisation de femme mariée. 6) A partir de quel moment la femme séparée de corps peut-elle faire usage de la capacité qui lui est restituée? Il semble que c'est seulement du jour où la séparation de corps est définitivement acquise. On peut bien admettre avec la jurisprudence (arg. art. 252, C. civ.) que, pour ce qui est de la dissolution du régime des biens établi par le contrat de mariage, la séparation de biens accessoire à la séparation de corps rétroagit entre les époux au jour de la demande, mais la reprise de l'administration par la femme ne saurait précéder l'état de séparation de corps et la capacité concédée à la femme se lie intimement à la gestion même de son patrimoine. c) La suppression de l'incapacité de la femme séparée de corps entraîne, on doit le penser, une modification des articles 83, n° 6, et 1004, C. pr. civ. En effet, il n'apparaît plus de la nécessité de communiquer au ministère public les causes des femmes séparées de corps et non autorisées du mari, puisque l'autorisation du mari n'est plus nécessaire à la femme séparée de corps pour ester en justice. Par voie de conséquence, il faut lui reconnaître le droit de compromettre. Mais il en serait autrement s'il s'agissait d'une femme mariée sous le régime dotal et que le procès concernåt sa dot. L'intervention du ministère public, en ce cas, ne tient pas à l'incapacité de la femme mariée, elle s'explique par le désir de protéger la dot inaliénable, et ce motif persiste après la séparation de corps. D'où il suit que, dans les causes de cette nature, la femme, même séparée tion des époux, la capacité de la femme est modifiée pour l'avenir et réglée par les dispositions de l'article 1449. Cette modification n'est opposable aux tiers que si la reprise de la vie commune a été constatée par un acte passé devant notaire avec minute, dont un extrait devra être affiché en la forme indiquée par l'article 1445, et de plus par la mention en marge: 1o de l'acte de mariage; 2o du jugement et de l'arrêt qui a prononcé la séparation, et enfin par la publication en extrait dans l'un des journaux du département recevant les publications légales (1). » Art. 4. suit: L'article 248 du code civil est modifié ainsi qu'il << L'appel est recevable pour les jugements contradictoires dans de corps, ne pourrait pas compromettre puisqu'il ne s'agit pas d'une incapacité qui pût être levée par l'autorisation du mari. d) L'article 1304, C. civ. n'est-il pas aussi virtuellement modifié par le nouvel article 311 en ce qui concerne le point de départ de la prescription de l'action en nullité ouverte contre les actes faits sans autorisation par la femme avant la séparation? Ce point de départ ne devrait-il pas être reporté à la date à laquelle la séparation est acquise? De ce moment la femme pourrait librement renoncer à la nullité par une confirmation soit expresse, soit tacite, pourquoi la prescription de son action en nullité ne commencerait-elle pas à courir? On pourrait discuter là-dessus en législation (V. Surville: Aperçu critique sur la loi du 6 février 1893, Revue critique de législation, 1893, nouvelle série, t. XVII, p. 232), mais dans l'état actuel des textes, cette solution ne saurait être acceptée. Il se peut que la loi nouvelle ait ébranlé les motifs pour lesquels l'article 1304 c. civ. repousse à la dissolution du mariage le point de départ de la prescription de l'action en nullité des actes irrégulièrement accomplis par la femme mariée; mais la disparition des motifs sur lesquels est fondée une disposition législative ne peut pas, ipso facto, abroger cette disposition. (1) La séparation de corps peut prendre fin par la réconciliation des époux, mais la reprise de la vie commune ne fait pas cesser la séparation de biens. Dans cette situation, la femme perd le bénéfice de la capacité que la séparation de corps lui avait fait acquérir, et, à ce point de vue, elle se trouve placée dans la condition d'une femme séparée de biens sans être séparée de corps, telle qu'elle est réglée par l'article 1449. Seulement les tiers doivent être avertis de la restriction qui se produit dans sa capacité; c'est à quoi la loi pourvoit par la publicité qu'elle organise; à défaut de l'accomplissement des formalités prescrites, la femme conserve, à l'égard des tiers, le plein exercice de sa capacité civile et nous avons ainsi une hypothèse où une femme, simplement séparée de biens, jouit, à l'égard des tiers du moins, d'une complète indépendance pour tous les actes de la vie civile. Quoique des doutes se soient élevés sur ce point, il ne faut pas hésiter à admettre que les époux réconciliés ont le droit de faire cesser également la séparation de biens et de rétablir leur régime matrimonial antérieur en se conformant aux prescriptions de l'article 1451, C. civ. Alors la femme retombe complètement sous l'application des articles 215 et 217. En disant que, cessant la séparation de corps, la capacité de la femme est réglée, pour l'avenir, par l'article 1449, la loi ne fait que déterminer la conséquence légale du rétablissement de la vie commune sans avoir la pensée d'empêcher la convention d'aller au delà en effaçant complètement les suites de la séparation de corps; il n'y a ici aucune dérogation à l'article 1451 qui reste en vigueur sans aucune réserve. les délais fixés par les articles 1443 et suivants du code de procédure civile. << S'il s'agit d'un jugement par défaut, le délai ne commence à courir qu'à partir du jour où l'opposition n'est plus recevable. << En cas d'appel, la cause s'instruit à l'audience ordinaire et comme affaire urgente. <<< Les demandes reconventionnelles peuvent se produire en appel sans être considérées comme demandes nouvelles. << Le délai pour se pourvoir en cassation court du jour de la signification à partie pour les arrêts contradictoires, et, pour les arrêts par défaut, du jour où l'opposition n'est plus recevable. << Le pourvoi est suspensif en matière de divorce et en matière de séparation de corps (1). » Art. 5. La présente loi s'applique aux séparations de corps prononcées ou demandées avant sa promulgation. Art. 6. abrogées. Les dispositions contraires à la présente loi sont Art. 7. - La présente loi est applicable aux colonies où les dispositions du code civil ci-dessus visées sont en vigueur. (1) La seule modification apportée au texte de l'article 241, tel que l'avait formulé la loi du 18 avril 1886, se trouve dans ce dernier alinéa. Elle consiste dans l'addition des derniers mots : et en matière de séparation de corps. Mais ce que le législateur a voulu, ce n'est pas seulement appliquer, en matière de séparation de corps, l'effet suspensif du pourvoi en cassation déjà admis en matière de divorce, c'est appliquer à la procédure de la séparation de corps toutes les dispositions du nouvel article 248. A la vérité, cela n'est pas très clairement exprimé; l'observation en a été faite par le rapporteur du Sénat dans la séance du 27 janvier 1893, et la commission avait proposé d'ajouter simplement à l'ancien article 248 un dernier alinéa ainsi conçu: «Toutes les dispositions qui précèdent sont applicables à la séparation de corps. » Elle y a renoncé pour ne pas retarder le vote de la loi, et son rapporteur a pensé que tout doute serait levé par les explications dans lesquelles il est entré. Ajoutons qu'avant même la loi nouvelle, la jurisprudence appliquait à la séparation de corps toutes les dispositions de l'ancien article 248, à l'exception de celle concernant l'effet suspensif du pourvoi en cassation. C'est probablement pour cela qu'on s'était borné à la Chambre des députés à s'expliquer formellement sur ce dernier point. V. LOI DU 16 MARS 1893, PORTANT MODIFICATION DES ARTICLES 45, 47 ET 60 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 SUR LA PRESSE (1). L'article 45 de la loi du 29 juillet 1881 pose en principe que tous les crimes et délits de presse seront déférés à la cour d'assises; le même article excepte de cette règle générale, pour les déférer à la juridiction correctionnelle, certaines infractions limitativement déterminées. Il a paru nécessaire, pour des raisons de haute convenance diplomatique, d'ajouter aux cas d'exception les délits prévus par les articles 37 et 39, même loi, c'est-à-dire les délits d'offense publique envers les chefs d'État étrangers et envers les ambassadeurs et ministres plénipotentiaires, envoyés, chargés d'affaires ou autres agents diplomatiques accrédités près du gouvernement de la République. Art. 1er Les articles 45 et 60 de la loi du 29 juillet 1881 sont modifiés ainsi qu'il suit : « Art. 45. - Les crimes et délits prévus par la présente loi sont « déférés à la cour d'assises. Sont exceptés et déférés au tribunal << de police correctionnelle les délits et infractions prévus par les <<< articles 3, 4, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 17, §§ 2 et 4; 28, § 2; 32, 33, « § 2; 36, 37, 38, 39 et 40 de la présente loi. <<< Sont encore exceptées et renvoyées devant les tribunaux de << simple police les contraventions prévues par les articles 2, 15, « 17, §§ 1 et 3; 21 et 33, § 3, de la présente loi. << Art. 60. La poursuite devant les tribunaux correctionnels <<< et de simple police aura lieu conformément aux dispositions du << chapitre II du titre Ior du livre II du code d'instruction crimi<< nelle, sauf les modifications suivantes : « 1o Dans le cas d'offense envers les chefs d'Etat ou d'outrages « envers les agents diplomatiques étrangers, la poursuite aura << lieu, soit à leur requête, soit d'office sur leur demande adressée << au ministre des affaires étrangères et par celui-ci au ministre de << la justice. (1) J. Off. du 17 mars 1893. Travaux préparatoires. - Sénat: exposé des motifs du projet de loi, doc. 1893, p. 6; rapport lu en séance publique, 17 janvier 1893; adoption, 20 janvier. Chambre: rapport, doc. 1893, p. 61; adoption, 6 mars 1893 |