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chement que la caufe du danger réfide dans la conflic .. Français, fi vous reculez à ce mot vous êtes perdus; il n'y a pas de liberté pour yous. Oui, la conftitution a été pour nous la boîte de Pandore. N'est-ce pas à elle que nous devons l'hérédité de la couronne, partant Louis XVI, La femme fes frères, fes enfans, la lifte civile, la corruption, la pére fécution, la dévaltation, la mort? Neft-ce pas à elle que nous devons nos généraux, nos juges, nos adminif trateurs de toute espèce? N'est-ce pas à elle enfin que nous fommes redevables de la guerre étrangère, de la guerre inteftine, de la fuperftition, du fanatifme, de tous les défordres qui ont affligé, qui affligent journellement la France ? & nous conferverions encore un refpect imbécillement religieux pour cette conftitution? elle Teroit pour nous l'arche fainte? Vils idolâtres, n'oferions toucher à cet ouvrage des Lameth & Lafayette, à cet ouvrage qui va nous écrafer fi nous n'y portons une main hardiment réformatrice? S'il eft ainfi, mous n'avons rien à dire; le peuple est destiné à la servitude, & tous les efforts humains ne le rendront pas libre avec les feuls élémens de l'esclavage. Un peuple d'anges, oui, un peuple d'anges, ne fauroit être libre avec la conftitution françaife, fi ce n'étoit un Dieu qui fût invefti de la puiffance royale. Tant qu'un homme pourra impunément s'enrichir en fpoliant les autres, tane qu'il pourra favorifer fa famille au détriment des étran gers, tant qu'il pourra fubftituer fa volonté particulière à la volonté générale, tant qu'un feul homme reftera maitre des mouvemens de la force armée, tant qu'il aura la faculté de fe fervir de cette même force pour appuyer ces prétentions perfonnelles, ne craignons pas de le dire, la maffe du peuple fera comptée pour rien, & la nation qui s'eft donnée un tel maître ne figurera jamais, dans la balance de l'Europe, qu'au gré des caprices & des intérêts de fon chef.

Si ces vérités font éternelles, fi elles font fondées fur la nature même du cœur humain, fur l'expérience de tous les âges, de tous les temps, que fera-ce, pour l'évidence, fi nous les appliquons à la perfonne de Louis XVI & aux circonftances actuelles? Louis XVI eft né defpote; il a cru, dès fa jeuneffe, fuccéder à

Pautorité illimitée de Louis XV & de Louis XIV; on lui a appris qu'il étoit le maître de la France; il l'a cru, & il croit encore qu'il a droit de l'être. C'est dans cet état de chofes qu'on l'a forcé à reftituer au peuple une foible partie de cette autorité. Conftamment Louis feize a dit qu'il n'avoit rien fait que comme contraint. Pas un ami de la révolution n'approche de fa perfonne; nous défions de citer un feul honnête homme qui ait part à fa confiance; il a protégé, il protége encore ouvertement les nobles & les prêtres; & les nobles & les prêtres font armés pour lui, & les tyrans étrangers font armés pour lui, & c'eft en fon feul nom qu'on fait la guerre; c'eft pour le rétablir dans fon ancienne autorité; c'est pour remettre en fes mains le fceptre du defpotifme, & l'on trouveroit un feul homme qui osât foutenir que Louis XVI veut, peut vouloir fincérement le triomphe des armées françaises! Cela eft auffi ridicule qu'extravagant & déraisonnable.

Si cependant Louis XVI ne veut pas faire triompher nos armées, & qu'il en demeure le chef fuprême, croyezvous qu'il foit poffible que nos armées obtiennent des triomphes? Non. Le courage ne fuffit pas pour combattre avec avantage; il faut une confiance graduée dans les chefs; & comme tous les chefs font à fa difpofition il n'en donnera que de mauvais. Si par hafard nos armées ont eu des fuccès, fi elles ont pris des villes, fi elles font placées de manière à en prendre d'autres, on leur ordonnera de fe replier fur le territoire français, on leur fera incendier les paifibles toits de ceux qui leur auront accordé l'hofpitalité, & l'on attendra, pour engager de nouvelles actions, que les troupes allemandes foient doublées, triplées, & que les troupes françaises foient affoiblies par l'indifcipline qu'engendre la méfiance, ou fubjuguées, royalifées, par une confiance aveugle en des chefs qui ne la méritent pas, qui ne veulent qu'en abufer enfin nous ne concevrons jamais comment il est poffible qu'un Français n'ait pas toujours préfent à la mémoire que Louis XVI eft le mari d'Antoinette, qu'Antoinette a fur l'efprit de Louis XVI tout l'afcendant du crime & de la fcélérateffe, qu'Antoinette ne veut que la deftruction de la France & l'aggrandiffement de fa maifon, que c'est là le fyftême permanent de tous les mem

bres de cette exécrable maison d'Autriche, & qu'il n'est pas poffible, qu'il feroit contraire à toutes les loix de la nature qu'Antoinette pût faire vouloir à fon époux les défaitres du roi de Hongrie, l'indépendance de la Belgique & le bonheur & la liberté de l'empire français.

Citoyens, des quatre-vingt-trois départemens, voilà le véritable noeud gordien, voilà la feule caufe du danger de la patrie, & voilà ce l'affemblée nationale a eu la foibleffe de n'ofer, vous dire. Ce ne font pas les troupes étrangères qui mettent la France en danger ofer le dire, ce feroit prononcer un blafphême, ce feroit indignement calomnier l'armée, la garde nationale, la nation entière. Turenne n'a-t-il pas tenu quatre armées en échec, fous le règne de Louis XIV, d'un tyran ? Et l'on oferoit avancer que l'armée de François Il, de Frédéric - Guillaume, avec l'armée des rebelles, met la France en péril? Deux cent mille efclaves à nos portes auroient arraché au législateur un appel à la nation? Cela n'eft pas poffible. La France n'a que deux, ennemis dangereux, le roi & Lafayette; & encore Lafayette ne feroit plus, fi le roi étoit abattu. Que Louis XVI foit donc ou chaffé pour jamais du trône, ou du moins fufpendu de fes fonctions pendant le cours de la guerre, & bientôt la guerre aura ceffé, bientôt la France pourra délibérer en paix fi elle juge convenable de rétablir celui qui ne manquera pas de la faire recommencer aufhtôt qu'on l'aura rétabli.

Nous devons dire ici une grande vérité, une vérité qui n'aura peut-être pas l'approbation de la majorité de rafemblée nationale, mais qui eft indépendante de toutes les autorités conftituées : c'est que le corps législatif, après avoir déclaré que la patrie eft en danger, n'a plus le droit d'interpréter cette déclaration. Il aura beau faire des réglemens pour organifer les mouvemens du peuple, le peuple n'en eft pas moins reffaifi de l'autorité fouveraine, & nulle puiffance humaine ne fauroit l'empêcher d'aller à la fource du mal. Examinons, d'après cela, le décret rendu dans la féance du mardi 3 juin.

Nous allons en retracer les principaux articles.

Art. premier. « Lorsque la sûreté intérieure ou la sû»reté extérieure de l'état feront menacées, & que le corps législatif aura jugé indifpenfable de prendre des

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"mefures extraordinaires, il le déclarera par un acte đư corps législatif, dans la formule fuivante: Citoyens, patrie eft en danger ».

Cet article diftingue deux efpèces de sûreté, la sûreté intérieure & la sûreté extérieure; & dans le cas où l'une ou l'autre de ces sûretés feroit menacée, le corps légiflatif déclarera la patrie en danger or notre sûreté intérieure eft autant & plus menacée que notre sûreté extérieure; cette dernière n'eft même menacée que parce

deux dangers, qui peuvent devenir imminens, ne pro viennent tous deux que de la même caufe. Il faut donc extirper cette caufe, ou bien il faut s'attendre, finon à périr, du moins à marcher fur les cadavres, à fe baigner dans le fang, à voir immoler des milliers d'homines, Louis XVI ne peur plus être roi qu'à ce prix; quel eff te Français affez barbare pour' vouloir lui conferver la

couronne ?

Art. 2. « Auffi-tôt après la déclaration publiée, les confeils de département & de diftrict fe raffembleront, " & feront ainfi que les municipalités & les confeils généraux en furveillance permanente. Tous les fonctionnaires publies, civils & militaires, fe rendront à » leur pofte ».

Cet article eft infuffifant & nul, peut-être même deftructif des principes & de la liberté. Que fignifie cette injonction à tous les fonctionnaires publics? Que fignifie ce raffemblement des municipalités, des diftricts, des départemens? L'affemblée nationale auroit- elle voulu remettre le falut de la patrie entre les mains des fonctionnaires, entre les mains des adminiftrateurs conftitués Quoi le département de la Somme qui a tant calomnié tes événemens du 20 juin, le département de Paris qui a fufpendu Pétion, & tant d'autres adminiftrations qui fe font également proftituées à la lifte civile! Quoi, les adminiftrations deviendroient les dépofitaires du bonheur public! L'affemblée nationale n'a pu avoir l'intention que femble lui prêter fon décret. Si elle l'avoit eue, fon décret feroit nul, comme contraire à la nature de la déclaration qu'elle a faite du danger de la patrie. Ce feroit vouloir transformer cette déclaration en un appel aux autorités conftituées, tandis que ce n'eft, que ce ne peut, être qu'un appel à la nation.

Art.

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» armes,

Art. 3. «Tous les citoyens en état de porter les & ayant déjà fait le fervice de gardes natio»nales, feront auffi en état d'activité permanente. . . . . Cet article, ainfi que les articles 4, 5, 6, 7, 8 & 9, ne parlent que du fervice militaire, de la déclaration que chaque citoyen doit faire de la qualité & de la quantité de fes armes, de la fixation des gardes nationales que chaque département devra fournir, de leur formation en compagnies, de leur deftination, de leur commandement, &c. Mais ces articles ne font pas ceux qui doivent nous occuper en cet inftant: ils ne concernent que les dangers extérieurs, que les moyens de réfifter à l'ennemi étranger; & répétons-le encore, cet ennemi-là n'est pas le plus dangereux; & c'eft en vain que l'affemblée nationale armeroit toute la France; fi cette armée en fecouoit elle-même le joug, fi elle ne défavouoit le roi, fi elle ne fe nommoit des chefs dignes de fa confiance, elle n'effuieroit que des revers, & languiroit perpétuellement dans la honte & l'anarchie militaire. Voyons par l'article fuivant fi l'affemblée nationale

a bien fenti cette vérité.

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Art. 10. «Lorfque les nouvelles compagnies des gardes » nationales de chaque département feront en nombre. » fuffifant pour former un bataillon, elles fe réuniront » dans les lieux qui leur feront défignés PAR LE POU » VOIR EXÉCUTIF, & les volontaires y nommeront leur »état-major ». Quoi! législateurs, vous mettez les gardes nationales en activité permanente; vous les y mettez, parce que la patrie eft en danger; la patrie n'eft en danger que par le feul fait du pouvoir exécutif; & c'eft à Jui que vous abandonnez le foin de défigner à ces gardes nationales les lieux où ils doivent fe railembler! On ne concevra jamais cette contradiction, à moins qu'on ne l'explique de la manière fuivante: tout le monde fait que l'affemblée nationale eft divifée en trois partis, prefque égaux; favoir, les amis de la liberté, les frippons, & ce qu'on appelle les honnêtes gens, les gens fages, c'eft-à-dire, les ignorans. Les frippons fe doutant bien qu'il étoit impoffible d'éviter une grande explofion, ont confenti à déclarer que la patrie étoit en danger, fous la condition que le roi, par cet article 10, pourroit diriger les mouvemens de ceux qui font appelés à la fauver; les amis de la liberté, plus inftruits de la théorie No. 157. Tume 13. Co

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