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Les reftes de la dernière dynaftie font fi méprifables, que nous ne concevons pas qu'on puiffe s'en inquiéter. Il y auroit peut-être cependant deux chofes à faire à leur égard: la première de convenir avec nous-mêmes de ne les porter à aucune place qui foit à la nomination du peuple; la feconde de trouver des moyens légitimes de réduire les grandes fortunes. L'argent fera long-temps notre plus grand ennemi. Quant à la magie des noms, on en eft corrigé.

Representans du peuple, laiffez là les Bourbons, ces êtres nuls, & tâchez de les rendre plus nuls encore, en n'appelant point l'attention directement fur eux. Jugez Louis fuivant les loix; & fi vous ne pouviez mettre en caufe ni la moderne Médicis, ni fes enfans, chaffezles; voilà la véritable famille des Tarquirs: & fongez que Brutus lui-même étoit parent de Tarquin-le-fuperbe. Suite de la révolution anglaise.

La révolution françaife, due principalement à nos liaifons commerciales & littéraires avec la Grande-Bretagne, commence à réagir fur elle. Nous avons d'abord voulu être libres comme les Anglais; ils veulent à leur tour l'être comme nous: ainfi deux nations voisines & à peu près éclairées l'une autant que l'autre, après avoir été trop long-temps rivales fans trop favoir pourquoi, trouvent enfin de puiffans motifs pour fraterniter, & fe foutiennent l'une par l'autre contre les efforts inteftins d'un gouvernement qui croule. Le cabinet de S. James ne peur plus fe le diffimuler, fon règne touche à fon déclin, & Pitt n'a plus d'expédiens à fournir au roi fon maître pour en retarder la chute.

Nous avons vu dans le n°. 178 tous les petits moyens employés dans cette vue par le ministère. Une guerre contre la France lui conviendroit fort pour faire diverfion à l'orage qui gronde fourdement dans les trois royaumes; mais les temps font changés: hafarder une me fure de cette importance, c'eft rifquer le tout pour le tout; cette ré'olution_touche au défefpoir dans les circonftances préfentes. Pour cela il faut des matelots & des foldats, & fur-tout pouvoir compter fur eux. Mais la confiance n'eft plus la même qu'autrefois ; il faut de nouveaux fubfides: cependant le difcours de Pitt, prononcé par Georges Guelphe à la rentrée hâtive du parle ment, eft accompagné de préparatifs hoftiles confidérables; mais ils ne fe font pas fous d'heureux aufpices. Les No, 180, Tome 14.

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fonds qu'on emploie pour le premier armement font clus deflinés à l'amortiffement de la dette de l'état. Cette guerre projetée n'aura pas lieu, quoi qu'on en dife dans la chambre haute. Toute l'irlande, tonte l'Ecoffe & les trois quarts de l'Angleterre fe déclareroient pour nous. On peut défier le minifière d' fer propofer un nouvel impôt; il aura befoin, au contraire, & très-inceffamment, de fupprimer une partie de ceux qui pèlent en ce moment fur toutes les têtes. Les feuls fonds difponibles pour les frais de cette guerre contre les Jacobins Français, font les trésors amaliés dans la caiffe particu lière du roi George Guelphe & de fa femme, & qu'on fait monter à environ 300 millions tournois. Veut-on favoir par quels moyens le roi d'Angleterre, qui ne le fera jamais des Anglais, a pu fe procurer des épargnes dans un pays dont les habitans ne font pas très-faciles? En voici un petit exemple. Froft, apparemment pour le punir d'avoir apporté à la convention l'adreffe de la fociété conftitutionnelle de Londres contenant l'offre de fix mille paires de fouliers à l'ufage de nos volontaires, eft décrété d'accufation comme criminel de lèfe - majefte au premier chef; & d'ici à quelques femaines, tous fes biens feront confifqués au profit du roi.

Mais outre que le fire anglais & fa ménagère font fort amoureux de leurs petites épargnes, il eft à préfamer qu'elles doivent être déjà fe fiblement diminuées par les fommes qu'il a fallu répandre pour fomenter les divifions inteftines en France & dans nos colonies, ainfi que par la cote part du monarque aux dépenfes fecrètes néceflitées pour faire la peti'e guerre au fein des trois royaumes. Et penfe- t- on qu'il n'en coûtera rien àˆ sa majefé britannique pour tâcher de fouftraire Louis CApet à l'exécution d'un arrêt de mort ? Une flotte anglaife pourra bien s'établir en croifière à l'emboucliure de l'Ecaut, on pourra bien fe tirer de part & d'autre quelques coups de canon, mais nous ne croyons pas à la guerre.

On fait les. difpofitions du peuple de Londres & de prefque toute l'Angleterre. Voici celles de l'Irlande; nous en atteftons l'authenticité: L'Irlande, en ce mo-ment encore fe trouve dominée, vexée, matée par une faction anglaife qui accapare toutes les places. Les anciens Irlandais catholiques,, lequels forment les fept huitièmes de la préfentation, font exclus de toutes les charges civiles & militaires; ils paient la dime au clergé proteftant, qui, pour récompenfe, les infulte journelfe

ment fur le fafte de leurs cérémonies, & les raille fur leurs prédications verbeules.

La province du Nord, la plus industrieufe & la plus peuplée, (C'eft-là où font établies les manufactures de toiles) eft principalement habitée par de bons presbytériens écoflais d'origine; ils font également perfécutés par, la faction anglo-proteftante. Tout en continuant de profeffer à l'extérieur un grand refpe&t pour la maifon d'Hanovre, ils n'ont pu s'empêcher de inanifefter hautement lear joie & des cfpérances à la nouvelle des derniers progrès de la révolution françaife, Dans le fond de leur cœur, ils couvent des principes républicains & la haine des rois,

Les catholiques, fortement appuyés par les presbytériens, réclament à haute voix l'égalité des droits politiques; déjà ils ont nommé dans toutes les provinces des délégués en nombre égal à celui de la chambre des communes, (300) & ceite convention et actuellement féante à Dublin, en face de la monfrueufe corporation qu'on nomme parlement. Dans plufieurs cantons déjà les payfans font en infurrection ouverte, & fe font armés pour repouffer la tyrannie des colecteurs de dimes. On le rappelle que l'Irlande, pendant la guerre d'Amérique, fit quelques efforts pour fecouer le joug britannique; elle avoit pris les armes. Si ces efforts n'eurent qu'un foible fuccès, les armes du moins lui font reflées; & le peuple, accablé fous un defpotifine de tous les genres, eft tout prêt à s'en fervir; fes maux font au comble; il s'agite, & détefte le nom anglais. Tous fes regards fe portent vers la France.

Si le cabinet de S. James déclare la guerre à la liberté univetfelle, en s'attaquant au berceau de la république française il est plus que probable que l'Irlande fe déclarera indépendante, & contractera une alliance étroite avec nous. Il feroit facile de démontrer que, fous tous les rapports, il y va de fon intérêt. Dans tous les cas, l'union forcée qui enchaîne ces deux îles, l'Irlande & l'Angleterre, doit très-inceffamment fe rompre; elle ne peut réfifter plus long-temps à l'état naturel des chofes, puiffamment fecondé par la propagation des lumières & le charme irréfiftible attaché à la liberté.

L'Ecoffe eft en parfaite concordance avec l'Irlande & forme le même vou: elle demande, elle appelle à grands cris une convention générale pour les trois royaumes; mais pour attendre plus patiemment, elle en forme une en fon particulier; déjà on procède à la nomina

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tion des députés ; au premier inftant on recevra la nou velle d'une convention écoffaife conftituée.

Lors de l'acte d'union qui confolida les deux pays en un (il y a environ cent ans) les négociateurs écoffais troquèrent la liberté contre de l'argent. On régla audeffous de fes facultés la quotité d'impôt territorial que l'Ecoffe devoit payer relativement à l'Angleterre; le miniftre anglais régla, d'après la même melure, la portion de liberté civile & politique dont on voulut bien laiffer la jouiffance à l'Ecoffe. Sa représentation au parlement de la Grande-Bretagne eft de 16 pairs fur environ 300, & de 45 communes fur 558. Les 16 pairs que l'Ecoffe députe font nommés par les autres pairs dans le palais même du roi, & d'après une lifte envoyée par le miniftre. Il règne, à peu de chose près, la même liberté dans le choix des 45 communes. Quant aux droits de citoyen, l'Ecoffe ne jouit ni de l'habeas corpus, ni du jury civil; au criminel même, elle n'en poffède que le mulacre, la procédure eft inquifitoriale, oppreflive,

barbare.

Tous ces vices radicaux du gouvernement font autant de germes de révolution qui n'attendoient qu'un fouffle pour fe développer; de plus, la conftitution de leur eglife eft toute républicaine; ils font calviniftes rigides, le peuple nomme fes pafteurs; voilà les députés, & le fynode eft l'image d'une affemblée nationale. D'ailleurs, les Ecoffais font durs & aguerris; ils ne peuvent manquer d'avoir l'avantage fur les troupes anglo- royales, fi Pitt & Georges détachent leurs braves foldats abfous contre les fiers républicains d'Ecoffe ; & cette guerre entre les deux îles eft presque inévitable; on fe mefure déjà de part & d'autre; les troupes ne peuvent tarder à fe mettre en préfence.

Cette dernière induction réfulte de la lecture du difcours de Pitt, prononcé par Georges au parlement. «Je vous ai convoqués aux termes de la loi dans le temps limité», fait dire le miniftre au roi; mais cela n'eft pas exact. Le parlement avoit été prorogé jufqu'au mois de janvier, & voilà que, fans attendre cette époque, on le raffemble inopinément.

«Milords, des événemens récens exigent la réunion de nos moyers & de notre vigilance ».

Enfin le peuple commence par-tout à fe faire craindre, &fes defpotes ont peur. Il n'en faut pas davantage pour une révolution univerfelle.

«De féditieufes manoeuvres, un efprit de tumulte

» & de défordre fe manifeftent... en relation & de > concert avec plufieurs perfonnes de pays étrangers ». Nous voilà, nous autres Français, défignés à ne pas s'y méprendre.

« J'ai confervé avec foin, dit Georges, une ftricte » neutralité dans la guerre actuelle du continent, & me » fuis interdit toute intervention dans les affaires inté» rieures de la France; mais il m'eft impoffible de voir, » fans une inquiétude férieufe, la forte augmentation des » indices qui manifeftent fon intention d'exciter des dé» fordres dans les pays étrangers, fans égards aux droits » des pays neutres, & en fuivant des vues de conquête » & d'agrandiffement.

Il n'y a rien de plus abfurde ni de plus faux que ces allégations ministérielles & royales. Mais comment le cabinet de S. James l'entend-il? Il femble vouloir fe faire un mérite de ne s'être point mêlé de nos affaires. En avoit-il le droit? Le pouvoit-il? Et cette neutralité dont il fe targue n'eft-elle pas plutôt le fait d'une fauffe prudence & d'une conduite lâche qui a mal réuffi ? Sans doute que fi les defpotes qui nous avoifinent avoient pu élever entre nous & leurs peuples une muraille auffi haute, aufi épaiffe que celle qui fépare, dit-on, la Chine de la Tartarie, ils l'euffent fait. Eft-ce notre faute à nous fi les peuples, lein de partager la terreur panique de leurs gouvernemens à la vue des progrès rapides de notre révolution, ont au contraire commencé à refpirer, & fe font dit: Mais qui peut nous empêcher de devenir libres comme les Français ? ne fommes-nous pas des hommes comme eux? La contagion falutaire & inévitable de l'exemple a fait tout le mal dont fe plaint avec amertume le cabinet de S. James. « Tout annonce, dit-il, » le projet de tenter la deftruction de notre heureufe » conftitution ».

Oui, heureufe pour fa majefté britannique, & fon miniftre, & fes pairs, & les lords & les évêques!

Georges s'adreffe enfuite à MM. de la chambre des communes, «< & il déplore avec eux la néceffité où il »fe trouve de retarder le foulagement que tireroient fes » fujets d'une diminution de taxes. L'électeur roi se doute bien que le peuple, auffi chargé qu'il peut l'être, n'eft pas d'humeur à confentir un furcroît d'impofition. Georges ajoute: « Je fuis perfuadé que l'objet immédiat » de vos travaux fera d'adopter les mesures néceffaires » dans les circonftances actuelles pour renforcer l'obéiffance

à la loi ».

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