fes concitoyens fuffent rentrés dans leurs foyers, pour leur faire une guerre occulte & exercer fa vengeance. D'abord les journaux falariés par la lifte civile ont exhalé les calomnies les plus atroces contre les citoyens des fautbourgs, & contre tous ceux qui ont pris part à ceste journée mémorable. En lifant la Gazette univerfelle, le Mercure de France, le Journal de Royou, celui de Durofoy, &c. &c. . leurs auteurs infâmes affis à la même table dans la maon croit voir tinée du 21, & écrivant fous la dictée d'Antoinette tous les blafphêmes qu'on vomit chaque jour aux Tuileries contre le peuple & la liberté. Le foir même de cette journée dont on s'entretiendra long-temps, Marie-Antoinette fe fit préfenter & nommer les grenadiers qui accompagnoient le roi, au moment de Pirruption du peuple. Elle traita avec beaucoup de distinction le nommé Hémery, ci-devant exempt de police pour la librairie, agent de confiance des Sartine & des Lenoir pour avoir dégusté le vin avant que Louis XVI bût à même la bouteille; infulte gratuite faite aux citoyens, & qui fans doute eût été relevée, fi la multitude avoit pu s'en appercevoir. On affure que ce même foir le roi foupa en famille & à la même table, avec les chevaliers du poignard, les coupe-jarets & plufieurs officiers de l'état-major parifien, qui, à la première nouvelle de la marche des deux faubourgs, étoient accourus au château. Le braffeur Aclocque ne manqua pas de s'y trouver, tout fier de la protection du maréchal de Mouchy, comme il l'étoit de celle du duc de Briffac, lequel foupoit chez lui, à l'exemple du comte d'Estaing, qui avant l'affaire du 5 octobre 1789, piquoit l'affiette d'un boucher de Versailles. Le lendemain, comme on devoit s'y attendre, le château & le jardin des Tuileries furent exactement fermés, & gardés par des troupes de ligne, jointes aux volontaires. Ce jour-là même parut cette proclamation infolente que nous analyfons plus bas. Les patriotes eurent beau vouloir en nétoyer les murs, elle fe multiplioit à mesure qu'on la déchiroit. Le furlendemain, le roi manda M. Pétion pour lui laver la tête, en préfence de Marie-Antoinette. Le roi. Eh bien! monfieur, Paris eft-il tranquille? Le maire. Sire, tous les renfeignemens que j'ai recueillis annoncent le calme, & mes foins l'obtiendront. 00 277 Le Roi mande M. Pelion au Chateau pour connoitre l'état de Paris apres la journée du 20 Juin, et le traite brutalement. Le roi. Cependant, monfieur, on m'a traité avec indignité, & le château n'a pas été refpecté mercredi. M. Petion. Sire, les magiftrats ont fait leur devoir. La foule des citoyens qui s'étoit empreffée autour de votre perfonne pour lui exprimer fon vou, a défilé fans fe permettre aucun acte de violence. Le roi. Taifez-vous. M. Pétion. Sire le filence que vous m'impofez ne m'empêchera pas de vous répéter que les magiftrats ont fait leur devoir, que j'ai fait le mien, & que je continuerai de le faire au péril de ma vie. Le roi. Au refte, monfieur, je vous préviens que le calme de Paris eft fur votre refponfabilité. Retirez-vous. M. Pétion. Sire, la municipalité connoît fes devoirs ; elle les a tous remplis, fans qu'il foit néceffaire de les lui rappeler. Il faut avouer que voilà une manière de parler au premier magiftrat du peuple, bien brutale & tout-à-fait digne d'un defpote; mais le maire de Paris n'en eût pas été quitte pour cela, fi Louis XVI eût été auffi sûr que lui des difpofitions du faubourg Saint-Antoine & de celui de Saint-Marceau. Peut-être que M. Pétion auroit pu s'exempter de répondre au roi, celui-ci n'étant refponfable que dans la perfonne de fes agens au miniftre de l'intérieur seul, le maire de Paris devoit compte de fa conduite dans la journée du 20. En fuivant cette marche loyale, il n'eût point compromis la dignité de fa place, en s'expofant aux bourafques de Louis XVI, prince mal élevé & qui ne fait pas vivre, comme perfonne n'ignore. C'est au fortir de cette belle converfation que M. Pétion fur infulté au bas de l'efcalier, & que M. Sergent, officier municipal, qui l'accompagnoit, fut frappé rudement, apparemment par des valets du prince, portant l'uniforme national. Le dimanche fuivant, il y eut aux Champs-Elysées revue d'un bataillon de volontaires, commandé par ce Lachénaye, connu par fes baffeffes auprès de Briffac, & fon dévoûment fervile à la cour. Le temps déteftable qu'il fit n'empêcha pas le roi d'y affifter panache tricolor, qui lui fut pofé fur la tête par MédicisAntoinette elle-même. Celle-ci voulut auffi voir cette res vue; elle y vint parée de rubans & de falbalas aux trois coiffé d'un beau A 1 couleurs, fans oublier de prendre avec elle fon fils, le prince royal, revêtu de l'uniforme national. Plufieurs officiers euffent bien défiré voir le père de cet augufte enfant habillé de même. Leur vou parvint jufqu'à Louis XVI, qui répondit, d'un ton hypocrite, qu'il ne demandoit pas mieux, fi toutefois la conftitution le lui permettoit. Des bravo & des vive le roi fans fin fe fi rent entendre de toutes parts; on y gliffa même quelques vive la reine. Un fimple fufilier hafarda un feul vive la nation il fallut voir comme il fut rudoyé ; il penfa même être conduit en criminel au bureau, central de dénonciation pour l'affaire du 20, établi pour plus grande commodité dans le château même des Tuileries, & nourri de la bouche du roi. Le nombre des mandats d'amener, & même des mandats d'arrêts, ou lettres-decachet déguifées que cette efpèce de petite chambre ardente a déjà expédiés, eft confidérable. Le lundi fuivant fut encore un grand jour. La veille, on avoit fait courir, avec affectation, le bruit que les faubourgs de Saint-Antoine & de Saint-Marceau ne vouloient point en démòrdre, & reviendroient en plus grand nombre encore que mercredi, chercher la réponse à leur pétition. En conféquence, on fit du château des Tuileries une fortereffe redoutable, & du jardin un parc d'artillerie. La muraille qui avoifine les appartemens fut exhauffée, & la porte du café patriote de la terraffe des Feuillans condamnée. Près de vingt mille hommes armés y furent introduits, on y plaça quarante pièces de canon; il y en auroit eu bien davantage, fi les canonniers des fections euffent voulu montrer de la bonne volonté, lors du rappel qui fe fit dès les quatre heures du matin, fans les ordres & à l'infu du magiftrat. Les deux faubourgs fe diftinguèrent par un refus net de marcher pour aller gar der fa majesté. Tout fut mis en œuvre pour provoquer le peuple & le forcer à fe lever encore une fois; mais les exhorta tions civiques que M. Pétion alla lui-même répéter aux habitans de Saint-Antoine & de Saint-Marceau, produi firent leur effet. Le peuple fe défifa de la nouvelle démarche projetée, & le contenta de lire à l'aTemblée nationale une adreffe qui mérite d'être confervée & de parvenir à nos neveux dans toute fon intégrité. La voici › |