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XXXIII. Ce fut auffi ce qui les empêcha de fonger aux Navigations des Indes Òrientales: perfuadez que la Nature même avoit déferé l'Empire du Commerce aux Villes d'Anvers & de Bruges, par l'avantage de leur fituation, & que toutes les autres Nations de l'Europe ne pouvoient pas fe difpenfer d'y apporter annuellement le Tribut de leurs Ri. cheffes, ils voyoient fans inquietude les Portugais s'occuper des ces longues & perilleufes Navigations, & en rapporter des Marchandifes précieuses, dont ils fçavoient que la principale distribution se feroit toujours chez eux. On peut dire même, qu'il leur convenoit beaucoup mieux de s'en tenir aux avantages réels de leurs manufactures, & du prodigieux abord de toutes les Nations de l'Europe dans leurs Ports, que d'en écarter les Portugais, par un Commerce direct aux Indes Orientales, qui n'eut pas été compatible avec celui qu'ils y venoient faire. Cet interêt dura auffi longtems que la profperité des Villes d'Anvers & de Bruges, c'est-à-dire, jusques aux Guerres de Religion, qui les ruinerent entierement Il eft auffi à remarquer, que durant tout ce tems-là, il ne fe trouve ni Entreprise du côté des Habitans du Païs-Bas, pour s'ingerer dans ces Navigations, ni Déclaration ou autres Actes publics du côté des Caftillans & des Portugais, pour les en empêcher; & que même les Hollandois ne s'en aviferent que quatorze ou quinze ans après le premier établiffement de leur Republique.

*

XXXIV

* Meteren Hift. du Païs-Bas Liv. 18, an. 1595. Liz an. 1598, & Liv. 23. an 1602.

XXXIV. Les premiers voyages, qu'ils y firent, ne furent pas lucratifs, mais ils y aprirent les moyens de les continuer dans la fuite avec plus de fruit. A leur exemple les Anglois y envoyèrent quelques Vaiffeaux, ce qui ayant alarmé les Portugais, ils commencèrent à craindre, que la même envie ne prit aux François, & aux Habitans du Païs-Bas Catholique, & que bien-tôt ce Commerce, dont ils avoient été feuls en poffeffion pendant un Siecle entier, ne devint celui de tout le Monde. C'est à leurs remontrances, & à celles des Ef pagnols, qui de leur côté fe montroient fort jaloux de leurs richeffes Occidentales, qu'il faut attribuer la Clause prohibitive, qui fe lit dans la Donation du Païs-Bas faite par le Roi Philippes II. en 1598. aux Archiducs Albert, & Ifabelle, en faveur de leur mariage. Elle eft contenue en ces termes :

Item à Condition & non autrement, que Nêtre dite Fille, & fon Mari, ni nuls de leurs Succeffeurs, auxquels lefdits Pais-Bas,écherront, ne pourront en façon quelconque négocier, trafiquer, & contracter ès Indes Orientales, & Öçcidentales, & n'y envoyeront nulles fortes de Navires, fous quelque titre, regrez, ou prétexte que ce foit, à peine que lesdits Pais au cas de contravention feront dévolus. Et que fi aucuns Sujets defdits Pais s'avancaffent d'y aller contre les défenfes, les Seigneurs defdits Pais auront à les châtier par confifcation de Biens, & autres plus grieves peines, voire de la mort.

Il faut avouer, que cette Condition étoit dure, & qu'elle dut paroitre telle aux Archiducs, & aux Etats du Païs; mais comme elle avoit fes raifons, & qu'elle étoit infeṛée D3

dans

dans la Donation en qualité de Conditio fine qua non, il talut bien s'y accommoder, & il ne fe trouve pas, que les Etats des Provinces en ayent fait aucune Proteftation, ni Reclamation. Car pour ce qui eft de la Lettte du 25. Fevrier 1599., dont Meteren donne l'Extrait en fon Histoire, ce n'étoit qu'un Libelle de Parti, fans nom, & fans autorité, dont on ne peut tirer aucune confequence pour la confervation du Droit du Païs, fous la Regence des Archiducs. (a)

XXXV. Il reftoit neanmoins aux Gens du Pais-Bas un moyen pour faire encore quelque Commerce dans l'une & l'autre Inde, malgré la rigueur de cette Claufe. C'étoit de demander au Roi des Permiffions particulieres, lef quelles il accordoit affez fouvent, pour des Perfonnes, qui alloient s'y établir, & pour des Vaiffeaux, que l'on y envoyoit de Cadix, ou de Lisbonne. Il y avoit même à Seville une Chambre privilegiée de Commerce, qui étoit toute compofée de Marchands du Pais-Bas, & connue fous le nom des Confreres de la Chade St. André. On ne fçait pas quand elelle fini, on le a fini; mais on ne peut douter qu'il n'y en ait eu une, puifque la Patente du Roi Philippes IV. publiée aux Pais-Bas en 1625. pour l'établiffement d'une Compagnie, & Amiraute pour le Commerce des Flandres, & du Nord en Andaloufe, & Grenade, en fait (6) une mention expreffe. Quant aux Permiffions particulieres, qui fe donnoient en Portugal pour le Com

(a) Meteren Hift. du Païs-Bas Liv. 23. an 1598. Fol. 428. (6) Aux Preuves Let. T.

felon

Commercedes Indes Orientales elles y cefferent en 1605. par une Ordonnance du Roi, qui fut publiée à Lisbonne le 9. Avril; portant, le témoignage de Meteren, (a) Que Dorefnavant nul étranger de quelque Nation qu'il put être, encore meme qu'il fut Habitant, & naturalife en Portugal, n'eut en aucune façon, à aller trafiquer ou naviger en aucune place des Conquêtes de la Couronne de Portugal, par de-la les Isles des Azores, & de Madere, comme les Indes Orientales, au Brefil, à Angola, fur les Côtes de la Guinée, de Bennin, de Malaguetta, jufques aux Isles de St. Thomas, au Cap Verd, ou en quelques Places découvertes par les Portugais, ou lefquelles fe pourroient encore découvrir. Que les Portugais n'euffent point à employer, ni à fe laiffer employer, ou employer quelques Navires, ou Perfonnes étrangeres, n'etant point Portugais, en aucune defdites Places; Item, que tous les Etrangers; n'étant point Portugais, demeurant ès dits Pais, euffent à retourner incessamment en Portugal, fans avoir egard, s'ils y avoient demeuré long-tems ou point; & ceux qui étoient ès Indes Orientales ou au Brefil, & autres Places, par decà le Cap de Bonne Esperance, en un An, après la Publication de ce Placcart. Le Roi révoquoit pareillement toutes les licences, lefquelles avoient auparavant été octroyées à quelques étrangers, pour pouvoir aller trafiquer ès dits Lieux, & Places &c. & tout cela fur peine de la vie fans Grace, appel, ou Rédemption.

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XXXVI. L'Archiduc Albert étant mort en 1621.,

() Meteren, Hift. des Païs-Bas, Liv, 26, fol 564.col. 3.

1621., & l'Infante Ifabelle fa Femme en 1633. les Pais-Bas rentrerent fous la Domination propre du Roi Philippes IV., Mais cette reverfion ne les rétablit pas dans la Poffeffion de leur Droit naturel, & originaire de naviger, & de Commercer librement par toute Mer. Les auciens empêchemens continuerent, les uns venant de la Cour, & les autres de la Guerre, dont ce Païs fut le principal Théatre, jufqu'à la Paix de Munfter, & même, jufqu'à la Paix de Munster, & même, jusqu'à celle des Pirenées.

XXXVII. On voit cependant par une Lettre (a) du Cardinal infant, écrite à ceux d'Anvers, le 25. Octobre 1640, & inferée dans les Placarts de Brabant Tom. 1. fol. 322. que le Roi avoit enfin refolu de les faire ceffer, du moins à l'égard du Commerce des Indes Örientales, & d'en accorder l'ouverture à tous fes bons, &fideles Sujets de par deça. Mais la Révolution du Portugal, qui éclata immediatement après, en empêcha l'effet. Les Portugais n'euffent pas manqué de mettre cette permiffion au nombre de leurs plus fenfibles griefs, & on étoit bien aife de garder avec eux des mefures, dans l'efperance de les amener à quelque compofition."

XXXVIII. Le même deffein fut repris en 1698. aux Inftances des Etats de Flandres, & pouflé jufqu'à l'expedition formelle d'un (b) Octroi, en faveur des Habitans du Pays-Bas Autrichien pour l'Etabliffement d'une Compagnie Royale des Païs Bas négociant aux Places & Lieux libres des Indes Orientales, e

(a) Aux Preuves Lett, Y. (2) Ibid. Lett. W,

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