Page images
PDF
EPUB

PART. CODE FORESTIER. tion des forêts sagement combinée qu'il faut juger de leur utilité; leur existence même est un bienfait inappréciable pour les pays qui les possèdent; soit qu'elles protégent et alimentent les sources et les rivières, soit qu'elles soutiennent et raffermissent le sol des montagnes, soit qu'elles exercent sur l'atmosphère une heureuse et salutaire influence.

La destruction des forêts est souvent devenue, pour les pays qui en furent frappés, une véritable calamité, et une cause prochaine de décadence et de ruine. Leur dégradation, leur réduction au-dessous des besoins présens ou à venir, est un de ces malheurs qu'il faut prévenir, une de ces fautes que rien ne saurait excuser, et qui ne se réparent que par des siècles de persévérance et de privation.

Pénétrés de cette vérité, les législateurs de tous les âges ont fait de la conservation des forêts l'objet de leur sollicitude particulière.

Malheureusement les intérêts privés, c'est-à-dire ceux dont l'action directe et immédiate se fait sentir avec le plus de puissance et d'empire, sont fréquemment en opposition avec ce grand intérêt du pays, et les lois qui le protégent sont trop souvent impuissantes.

Pendant plusieurs siècles, les efforts de nos rois luttèrent contre les abus auxquels les forêts de l'État étaient exposées et contre les spéculations imprudentes de la propriété privée; mais ces efforts ne furent pas constamment heureux.

Le désordre toujours croissant, et la nécessité d'y porter un prompt remède, fixèrent l'attention de Louis XIV; et l'ordonnance de 1669, fruit d'un long travail et des méditations de conseillers habiles, prit rang parmi les monumens d'un règne illustré par tous les genres de gloire.

Les éloges qui ont été donnés à ce Code étaient justes et mérités ses dispositions. furent sagement et judicieusement combinées, pour satisfaire à la fois aux besoins des forêts et à ceux de la société, telle qu'elle se présentait alors aux regards du roi législateur. Les règles qu'il traçait étaient sévères; mais cetté sévérité était devenue une nécessité absolue, et l'expérience l'a long-temps justifiée. Quelques-unes des dispositions adoptées étaient trop restrictives de l'exercice du droit de propriété; mais à l'époque où elles furent publiées, il était permisau Gouvernement de croire qu'il servait l'intérêt des particuliers eux-mêmes, en les astreignant à profiter des lumières qu'il avait acquises', et à marcher avec lui dans une voie de conservation et de prospérité.

Le temps et les événemens ont fait prendre à l'industrie, à l'agriculture, à l'économié publique, un aspect tout diffé

1

rent; ils out', dans l'intervalle écoulé, rendu difficile et embarrassée l'application à notre pays d'une grande partie du système de gène et de prohibition établi par l'ordonnance.

Cette difficulté s'est fait ressentir successivement dans un grand nombre de ses dispositions. Les peines qu'elle prononce ont cessé d'être en proportion avec les délits qu'elles étaient destinées à punir, et en harmonie avec nos mœurs : il a dû en résulter souvent une déplorable impunité.

Ces inconvéniens se faisaient déjà sentir avant la révolution; et la législation forestière réclamait, dès cette époque, de nombreuses modifications: elle ne tarda pas à être frappée dans sa base.

La loi du 25 décembre 1790 supprima la juridiction des eaux et forêts, et renvoya devant les tribunaux ordinaires. toutes les actions introduites dans cette matière.

Vous savez, Messieurs, que l'ordonnance de 1669 avait lié ensemble l'administration et la juridiction; que ses dispositions de police, de répression et de conservation, avaient pour base l'existence des maîtrises qu'elle employait à la fois et comme tribunaux judiciaires et comme instrumens administratifs. La suppression de la juridiction laissait l'organisation incomplète, et l'action sans force et sans lien. Le système tout entier se trouva ainsi détruit et anéanti.

On reconnut aisément ce résultat de la loi du 25 décembre 1790, et on essaya de donner à l'administration des forêts, avec une organisation nouvelle, une force et une activité dont de graves et fréquens désordres faisaient reconnaître la

nécessité.

La loi du 29 septembre 1791 établit quelques règles généra les sur le régime des bois de l'Etat, quelques dispositions timides et incomplètes sur ceux des communes et des établissemens publics; elle créa une administration nouvelle, et détermina le mode des poursuites à exercer pour les délits forestiers.

[ocr errors]

Cette organisation, quoique faite avec soin, était néanmoins imparfaite; elle ne pouvait être que le prélude d'une législation forestière. Ses auteurs le reconnurent, car ils annoncèrent dans le dernier article qu'il serait fait incessamment une loi sur les aménagemens, ainsi que pour fixer les règles de l'administration, et que jusque-là l'ordonnance de 1669 et les autres réglemens en vigueur continueraient d'être exécutés en tout ce à quoi il n'était pas dérogé.

Cette loi promise ne fut point donnée; il n'est intervenu, depuis cette époque, que des réglemens partiels sur des objets spéciaux. Nous nous trouvons donc aujourd'hui entre les res

tes incohérens d'une ancienne législation dont la base a été renversée, et les commencemens d'une législation nouvelle qui en est restée à son ébauche et n'a jamais reçu son complé

ment.

L'administration à qui est confiée notre richesse forestière a fait ses efforts pour la conserver et l'accroître, et pour y maintenir l'ordre et les règles. Elle espère que les détails qu'elle aura occasion de vous fournir, pendant la durée de la discussion qui se prépare, vous convaincront que ses efforts n'ont pas été infructueux, et que souvent, affaiblie et désarmée en présence d'une législation en débris, elle a fait tout ce qu'on était en droit d'attendre et d'exiger d'elle.

L'administration a été puissamment secondée par la sagesse éclairée des tribunaux et particulièrement de la Cour de cassation, qui n'a négligé, pour réprimer la licence, aucune des ressources que laissent au juge les dispositions éparses et incohérentes des anciennes ordonnances.

Ces ressources sont aujourd'hui tout-à-fait insuffisantes; d'ailleurs, et, sous d'autres rapports, un tel état de choses ne peut pas durer, parce qu'il n'est nullement conforme à l'esprit de nos institutions. Il faut pour nous des dispositions précises et formelles; il faut que la loi commande dans des termes positifs et qui soient entendus de tous; que chacun connaisse clairement ce qui lui est permis, ce qui lui est défendu, et quelles sont les peines que doit appeler sur lui l'infraction des règles qui lui sont prescrites.

Un Code forestier était donc devenu une nécessité qu'il fallait satisfaire, et on a dû s'occuper avec un soin particulier de la préparation d'un travail qui offrait des difficultés sérieuses, et qui demandait de longues méditations. Rien n'a été oublié de ce qui pouvait fournir au Gouvernement d'utiles lumiè

res.

Dès 1823, des essais furent préparés dans le sein de l'administration forestière par des hommes en qui on était sûr de trouver la connaissance des besoins et des règles, et l'expérience des faits. Des membres du Conseil d'état et des agens de la marine furent appelés à concourir avec l'administration à ce travail préparatoire.

Plus tard, ce premier essai fut soumis à une commission composée de magistrats, de jurisconsultes et d'administrateurs. Cette commission se livra à l'accomplissement de sa mission avec zèle et avec persévérance. Elle comprit qu'elle devait concilier les besoins de tous avec les droits de chacun; qu'il lui fallait assurer par des mesures fortes et sages la conservation de notre richesse forestière, premier objet de sa sollici

tude, et ne soumettre toutefois l'indépendance de la propriété privée qu'à des restrictions commandées par un intérêt général évident, et dont chacun pût être le juge.

Après un long examen, et une discussion renouvelée à plusieurs reprises, le projet de Code fut provisoirement arrêté. Mais cette première garantie ne suffit point et ne devait point suffire. On voulut appeler tous les avis, entendre tous les intérets, provoquer toutes les critiques.

Le projet fut imprimé à la fin de la session de 1825; il fut remis à chacun de vous, Messieurs, ainsi qu'à Messieurs les membres de la Chambre héréditaire. Il fut adressé à la Cour de cassation, à toutes les cours du royaume, aux conseils généraux des départemens, aux préfets et aux conservateurs des forêts.

Des observations furent sollicitées et accueillies avec empressement. Les cours de justice furent invitées à se réunir pour délibérer sur la communication qui leur avait été donnée, et pour rédiger leur avis.

Les procès-verbaux de la Cour de cassation et des cours royales ont été transmis à la commission. Cette immense collection de matériaux a été classée, divisée, appliquée à chaque partie du Code projeté; une nouvelle discussion s'est établie sur chacune de ses dispositions, et d'importantes modifications ont été faites au premier projet.

La rédaction nouvelle, soumise ensuite à des conseils nombreux, a subi à son tour l'épreuve des plus graves débats, et a reçu encore des modifications essentielles.

C'est ainsi qu'a été exécuté le travail qui vous est aujourd'hui présenté. Rien ne devait être négligé, mais rien ne l'a été, en effet, pour faciliter vos délibérations et pour vous offrir un ouvrage complet et régulier sur cette matière importante et hérissée de difficultés.

Le projet qui vous est présenté ne contient, ainsi que vous le concevez aisément, aucune des dispositions réglementaires et de pure administration qui sont du domaine de l'ordonnance.

Un grand nombre de dispositions de cette nature se trouvent dans l'ordonnance de 1669, et même dans la loi du 29 septembre 1791, mais il est facile d'en reconnaître les

causes.

[ocr errors]

En 1669, le pouvoir législatif et la haute administration de l'État étaient réunis dans la personne du Roi. Au mois de sep-i tembre 1791, l'Assemblée législative avait déjà usurpé une partie considérable du pouvoir exécutif au préjudice de l'autorité royale. Il était simple et naturel alors, que, dans ces

deux actes, les dispositions législatives fussent confondues avec les mesures administratives et de pure exécution.

Aujourd'hui, il n'en peut être ainsi : la limite est clairement tracée entre les pouvoirs par nos institutions.

La loi devra intervenir partout où il s'agit de la propriété appartenant à l'État, et qui ne peut être aliénée sans elle. Elle sera nécessaire partout où il y aura des intérêts particuliers à régler, des prohibitions à établir, des peines à prononcer, une procédure à suivre, partout enfin où des tiers se trouveront en point de contact avec l'administration.

Tout le reste, tout ce qui touche au mode de régie des bois de l'État, à la justice intérieure de leur administration, à leur exploitation, à leur aménagement, forme la matière d'une ordonnance déjà préparée et qui doit compléter, avec la loi, le système forestier du royaume. Cette division, qui est commandée par nos lois fondamentales, a ici cet avantage particulier qu'en donnant à ce qui doit être stable et permanent le caractère stable et permanent de la loi, elle laisse au Gouvernement la faculté de modifier et d'améliorer l'administration intérieure des forêts et de profiter ainsi chaque jour des utiles leçons de l'expérience.

Vous remarquerez encore, Messieurs, que le projet de Code ne contient aucune disposition relative au régime des eaux et aucun titre qui concerne la chasse. Peu de mots suffiront pour expliquer la cause de ces deux omissions.

Les règles sur le régime des eaux ou la péche ont pu et dû se trouver dans l'ordonnance de 1669. L'ordonnance avait créé ou conservé une juridiction spéciale qui s'étendait sur le sol entier de la France. Elle attribua à cette juridiction le régime des eaux, en même temps que celui des forêts; et, dès-lors, les règles relatives à ces deux régimes divers purent et durent être confondues dans la même loi.

1

La même raison ne se retrouve plus aujourd'hui. D'une part, il n'existe plus de tribunal d'exception: les actions judiciaires relatives à la pèche, comme celles qui concernent les forêts, sont portées devant les tribunaux ordinaires. De l'autre, l'administration des forêts n'agit pour la police des eaux. que dans les lieux où elle a des agens: il existe un grand nombre de départemens dépourvus de forêts et d'agens forestiers, et, dans ceux-là, la police des eaux est exercée par les autorités locales.

Il n'y a donc aujourd'hui entre les règles applicables aux deux régimes aucune connexité nécessaire ni naturelle, et il a paru convenable de les séparer. Les dispositions relatives à la

[ocr errors]
« PreviousContinue »