Page images
PDF
EPUB

Ici l'auteur rapporte ce que les ambassadeurs romains dirent à Antiochus 1; qu'il y a trois sortes de traités ou conventions. 4. Des traités dans lesquels le parti vainqueur fait la loi au parti vaincu. Des exemples de cette sorte de traités abondent dans l'histoire romaine. 2o Des traités de paix et d'alliance fondés sur les bases de réciprocité, tel que le traité entre les Romains et les Sabins. 3o Des traités d'alliance entre des nations qui ne se sont jamais fait la guerre. On peut encore subdiviser cette troisième sorte de traités, en traités d'alliance défensive et en traités d'alliance à la fois offensive et défensive. A cela on peut encore ajouter les traités de commerce. L'auteur explique ensuite la différence que le droit romain établit entre le fœdus et le sponsio. Celui qui commande une armée a le droit de faire une trève de courte durée, mais non pas de conclure une paix définitive sans que son souverain ne l'ait préalablement investi d'une autorité spéciale.

Le chapitre huitième traite des stratagèmes et des ruses en temps de guerre. Il est permis d'attaquer un ennemi par la force ou par la fraude, et on peut user de toutes sortes de stratagèmes et de ruses contre lui, pourvu que dans l'accomplissement des promesses faites, la bonne foi soit observée. Les Grecs et les Carthaginois se vantaient de leur habileté à tromper leurs ennemis, mais les Romains, pendant les premiers temps de la république, se refusaient généreusement à l'emploi de pareils moyens. S'ils les adoptèrent dans la suite, ce ne fut pas sans une vive opposition de la part des sénateurs qui en appelèrent aux exemples meilleurs de leurs ancêtres.

Le neuvième chapitre se rapporte aux droits de légation. Notre auteur affirme que de tout temps et parmi toutes les nations, les ambassadeurs ont été regardés comme investis d'un caractère sacré et inviolable, et il cite quelques exemples qui montrent que le collége fécial a déterminé, en plusieurs circon

1 LIV., Hist., Lib. 44.

stances, les Romains à livrer à l'ennemi ceux qui sous ce rapport avaient violé le jus gentium. Il fait mention de la conduite du dictateur Posthumius, qui alla même jusqu'à rendre la liberté à quelques Volsques investis de la dignité de legati pour déguiser leur véritable caractère d'espions, venus pour examiner le camp romain. Ayala cependant doute si l'immunité des ambassadeurs peut s'étendre à un cas où ils se conduisent d'une manière si contraire à la dignité du caractère officiel dont ils sont revêtus 1.

Les droits de légation n'appartiennent qu'aux ennemis publics, et non pas aux pirates, aux brigands et aux rebelles. Des transfuges ne sauraient se prévaloir du caractère d'ambassadeurs. Ayala applique ceci au cas célèbre des ambassadeurs de François Ier, sujets de Charles-Quint, qui furent assassinés en passant par le Milanais, pour se rendre à Venise et de là en Turquie, et dont l'empereur refusa de livrer les assassins 2. Grotius ne cite nulle part Conrad Brunus, jurisconsulte Conrad Brunus. allemand, auteur d'un traité De legationibus publié à Mayence en 1548 3. Les principes que pose cet auteur sont comme enfouis sous une masse énorme de citations, tant des auteurs qui avaient écrit sur le droit romain, des canonistes, de l'Écriture sainte et des pères de l'Église, que des poëtes, des philosophes et des historiens de l'antiquité. Cependant il distingue bien entre les pleins pouvoirs, les lettres de créance

1 Quod tamen exemplo non putarem legatos violatos, contra jus gentium omnino jure tutos esse, cum legati nihil extra legationis munus agere possint. (Lib. I., cap. IX, § 2.)

2 Voyez VATTEL, Droit des gens, liv. 4, chap. 7, § 84.

3 Cet ouvrage forme un volume de 242 pages in fol., et se subdivise en 5 parties, dont les titres sont :

1° De personis quæ legationes mittunt.

2o De personis eorum qui mittuntur.

3o De legatorum officiis.

4o De privilegiis, immunitatibus et salariis legatorum.
5o De personis eorum ad quos legali mittuntur.

et les instructions d'un ministre public'. Il regarde le droit fécial des Romains, qui exigeait une déclaration solennelle de guerre ainsi que certaines formalités prescrites pour autoriser des actes d'hostilité, comme l'origine de l'institution des ambassades chez les modernes. Ces formalités, dit-il, ne sont plus nécessaires dans les rapports des états modernes entre eux, puisque tout ce qui regarde la paix et la guerre est réglé par les ministres publics qui représentent leurs souverains. Une juste guerre est celle qui est faite par la nécessité de se défendre soi-même et pour la sécurité publique. La guerre ne peut pas être faite dans le but d'acquérir de la renommée et d'étendre sa domination, quoique, comme le dit Cicéron, l'ambition militaire est le défaut des grands âmes qui sont tournées vers cette carrière 2. Même pour une juste cause on ne peut commencer la guerre, sans demander d'abord satisfaction des injures qui nous ont été faites, à moins que ce ne soit dans un cas où tout délai serait préjudiciable. - Dans de pareils cas on peut sur-le-champ repousser la force par la force et poursuivre l'agresseur sur son propre territoire, jusqu'à restitution de ce qui a été enlevé; car on peut avoir recours au droit de propre défense non-seulement pour repousser des injures, mais aussi pour recouvrer, les armes à la main, ce qui a été injustement enlevé. Toute guerre faite par des chrétiens contre les ennemis de la religion chrétienne est juste, comme étant entreprise pour la défense de la religion et pour la gloire de Dieu, afin de recouvrer la possession des biens que des infidèles possèdent injustement et comme étant par suite d'une utilité générale pour toute la chrétienté. Il renvoie à un autre traité, De seditiosis, pour ce qui regarde son opinion touchant la justice des guerres contre les hérétiques. Le pouvoir de faire la guerre réside dans l'autorité suprême de l'état, auquel appartient exclusivement le droit 1 Lib. I, Cap. XI.

2 CIC., De officiis, I, 22.

d'autoriser une guerre contre une autre nation, au moyen d'une déclaration solennelle'.

Gentilis.

Brunus dit que de son temps le respect dû au caractère Albericus sacré des ambassadeurs avait souvent été violé. Selon lui, il ne peut y avoir de doute sur leur exemption de toute poursuite devant les tribunaux, comme de tout droit et impôt levé dans le pays2.

Alberico Gentili, appelé Albericus Gentilis, selon l'usage de latiniser les noms propres, naquit dans la marche d'Ancône dans le milieu du 16° siècle, d'une famille ancienne et illustre. Son père avait embrassé le protestantisme, et fut par suite obligé de quitter l'Italie et de se réfugier en Allemagne avec sa famille. Il envoya son fils Alberico en Angleterre, où il trouva non-seulement une entière liberté de conscience, mais où il fut reçu avec faveur et nommé professeur de jurisprudence à l'université d'Oxford. Il ne s'occupa pas seulement du droit romain, regardé alors comme le seul système de jurisprudence digne d'être enseigné d'une manière scientifique, mais il s'adonna à l'étude du droit naturel et du droit international. Son attention fut surtout attirée vers le dernier sujet, parce qu'il fut nommé avocat pour les Espagnols devant les cours de prises de l'Angleterre. Le résultat de ses travaux dans cette partie du droit public fut publié par lui, et cette collection peut être considérée comme le premier recueil desarrêts sur le droit des gens maritime qui ait paru en Europe3. Mais ses travaux plus scientifiques donnèrent naissance à un des premiers traités complets sur les droits de la guerre, De jure belli, publié en 1589, et dédié au comte d'Essex, qui l'avait aidé à obtenir la place de professeur à Oxford. Grotius reconnaît lui-même qu'il doit beaucoup à Gentili, et il est

1 CIC., De off., Lib. III, cap. 8.

2 IBID., Ibid., Lib. IV, cap. 5.

3 De Advocatione Hispanicæ. Hanov. 1643.

évident par les titres mêmes de ses chapitres, qui sont presque identiques avec le premier et le troisième livre de Grotius, qu'il a été d'une grande utilité à ce publiciste1. Lampredi, juge compétent en pareille matière, revendique pour son compatriote l'honneur d'être regardé comme le père de la science moderne du droit public. «Il fut le premier, dit-il, à expliquer les >>> lois de la paix et de la guerre, et par là suggéra probable» ment à Grotius l'idée de son ouvrage sur ce sujet : il mérite >> la reconnaissance publique pour avoir contribué à aug>>menter la gloire de l'Italie, sa patrie, qui lui fournit la >>> connaissance du droit romain, et pour avoir montré qu'elle >> fut la première à enseigner le droit naturel comme elle >> avait été la première à restaurer et à protéger les arts et >> les lettres. >>

Gentili publia aussi en 1583 un traité sur les ambassades, De legationibus, qu'il dédia à son ami et protecteur l'illustre sir Philippe Sydney. Le premier livre de cet ouvrage contient une déduction historique au sujet de l'origine des différentes sortes d'ambassades et les cérémonies que l'ancien droit fécial des Romains y rattachait. Le second livre traite plus spécialement des droits et des immunités des ministres publics. Il examine la question de savoir s'ils ont un caractère privilégié hors des états auprès desquels ils ne sont pas accrédités. Il décide que strictement ils n'en ont point; mais on doit considérer que des ambassadeurs sont des ministres de paix représentant les personnes de leurs souverains, chargés des affaires de l'état et considérés partout comme revêtus d'un caractère sacré et inviolable. On ne doit donc pas leur refuser un libre passage, et encore moins leur opposer de la résistance lorsqu'ils passent sur le territoire d'un état autre que celui auprès duquel ils sont accrédités. Les droits de léga

[ocr errors]

1 HALLAM'S Introduction to the Literature of Europe, vol. II, p. 154. 2 GENTILIS, De legationibus, Lib. II, cap. 3.

« PreviousContinue »