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facilités pour la paille, le bois et les transports des vivres. M. Thomassin, capitaine d'ouvriers, avait été chargé de voir les endroits les plus commodes pour faire des ponts sur la Haisne.

« Le maréchal de Saxe, ayant reçu ses dernières instructions, se rendit à Valenciennes le 15 avril. Il s'occupa, en y arrivant, de l'exécution des ordres nécessaires pour l'ouverture de la campagne. »>

On devait entreprendre le siége de Tournay. Le maréchal de Saxe avait trompé l'ennemi sur le véritable but de ses dispositions, et Tournay était déjà investi sur les deux rives de l'Escaut, lorsque l'armée des alliés se dirigeait du côté de Mons et de Maubeuge, qu'elle croyait menacés. Le duc de Cumberland s'empressa de se porter sur Tournay.

Le maréchal de Saxe, prévoyant qu'il pourrait être inquiété pendant le siége, avait fait protéger les travaux par une armée d'observation. «Son projet était de combattre les alliés sans discontinuer le siége de Tournay. Il avait fait occuper le village de Fontenoy, jugeant ce poste de la dernière importance 1. »

Sur la nouvelle de la marche de l'ennemi, le roi avait quitté Versailles le 6 mai; le 8 il avait rejoint l'armée, et était au camp, où il se fit rendre compte du siége de Tournay.

1 Histoire du maréchal de Saxe, par le baron d'Espagnac, t. II, p. 28-29.

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«Le 10 au matin sa majesté se rendit avec M. le dauphin à la tête des troupes : le maréchal de Saxe y était; il faisait exécuter les ordres donnés dans la nuit. Le roi lui avait permis de se tenir dans une voiture d'osier par rapport à l'état où il était il ne monta à cheval qu'au moment de l'action.

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« Le lendemain, à quatre heures du matin, le roi se mit à la tête des troupes. Les gardes du corps étaient encore dans leur camp: le maréchal de Saxe envoya

dire au comte d'Argenson que si le roi et M. le dauphin avaient passé le pont on ne fît marcher les gardes du corps que quand le roi et M. le dauphin l'auraient repassé. Le maréchal de Saxe sentait l'importance de ne pas exposer à la destinée d'un combat incertain deux têtes aussi précieuses. Le roi et M. le dauphin étaient alors en deçà de l'Escaut. Sa majesté s'étant fait rendre compte de ce que désirait le maréchal : «On peut dès à « présent, dit ce prince, faire venir mes gardes du corps, <«< car très-certainement je ne repasserai pas l'Escaut. » Il alla se placer près de la justice de Notre-Dame-aux-Bois, d'où il pouvait tout voir et donner ses ordres.

«Le canon de l'ennemi commença à tirer avec une vivacité extrême un peu avant cinq heures du matin.

« Le maréchal de Noailles était alors avec le maréchal de Saxe auprès de Fontenoy: il lui faisait voir l'ouvrage qu'il avait fait faire à l'entrée de la nuit pour la communication du village de Fontenoy avec la redoute la plus près de ce poste. Il lui servit ce jour-là de premier aide de camp, sacrifiant la jalousie du commandement au bien de l'état, et s'oubliant soi-même pour un général étranger et moins ancien. Le maréchal de Saxe sentait tout le prix de cette magnanimité, et jamais, comme le fait observer très-bien M. de Voltaire, on ne vit une union si grande entre deux hommes que l'amour-propre semblait devoir éloigner l'un de l'autre 1. »

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Les deux armées se canonnèrent pendant plus de trois heures; enfin les alliés se déterminèrent à attaquer

1 Histoire du maréchal de Saxe, par le baron d'Espagnac, t. II, p. 55-59.

Fontenoy leur infanterie avança sur cinq colonnes. Deux colonnes hollandaises tentèrent deux fois de rompre les troupes qui étaient entre Anthoin et Fontenoy; deux autres voulurent emporter Fontenoy. Les attaques furent vives; une seconde attaque sur Fontenoy et sur la redoute de la gauche ne fut pas plus heureuse. Ils formèrent alors deux lignes d'infanterie fort épaisses et marchèrent en très-bon ordre pour attaquer le centre de l'armée du roi. Ils firent un feu si vif et si terrible, qu'ils ébranlèrent le front de l'armée française, qui fut obligée de céder quelque terrain.

«La première ligne de cavalerie française donna, pour laisser à l'infanterie le temps de se reformer; mais le feu soutenu des alliés la força de plier et de se rallier derrière la seconde ligne, qui la soutenait. Celle-ci fut également forcée de céder à l'épouvantable feu qu'elle essuya. La cavalerie française ne perdit cependant point courage, et revint plusieurs fois à la charge1. »

« Le maréchal de Saxe, dit le baron d'Espagnac, n'avait d'inquiétude que pour le roi: il lui fit dire par le marquis de Meuse, qu'il le conjurait de repasser l'Escaut avec M. le dauphin; mais on ne put jamais l'obtenir. Cependant, malgré leurs avantages, les lignes anglaises souffraient beaucoup : leurs flancs étaient exposés au feu du canon et de la mousqueterie, tant de la redoute de la pointe des bois de Barry, que des troupes françaises qui étaient près de Fontenoy. Le duc de Cumberland crut devoir resserrer ses deux lignes

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pour les éloigner du feu qui les maltraitait. Ayant fait marcher en même temps les quatre régiments qui étaient sur sa droite et le long de la lisière du bois, il s'en servit pour fermer le vide qui se trouvait entre ses deux lignes il présentait ainsi un bataillon carré, dont trois faces pleines. Ce bataillon, composé de l'élite de l'infanterie anglaise et hanovrienne, était d'environ quinze mille hommes. Les régiments de cavalerie de la gauche les plus à portée eurent ordre de l'attaquer. »

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Cette formidable colonne résistait à toutes les charges; son feu terrible et soutenu enlevait des lignes entières de régiments. La bataille allait être perdue; le maréchal de Saxe voulut faire un dernier effort, mais il sentait que la défaite totale de l'armée française dépendait de cette dernière attaque; il prévit tout pour la retraite, qui eût été impraticable si les Hollandais eussent passé entre les redoutes qui étaient vers Fontenoy et Anthoin, et s'ils fussent venus donner la main aux Anglais.

Le duc de Richelieu, lieutenant général, et qui servait en qualité d'aide de camp du roi, arriva en ce moment. «Il venait, rapporte Voltaire, de reconnaître la colonne près de Fontenoy. Ayant ainsi couru de tous côtés sans être blessé, il se présenta hors d'haleine, l'épée à la main et couvert de poussière. «Quelle nou« velle apportez-vous? lui dit le maréchal; quel est votre << avis? — Ma nouvelle est que la bataille est gagnée si l'on << veut, et mon avis est qu'on fasse avancer dans l'instant << quatre canons contre le front de la colonne : pendant « que cette artillerie l'ébranlera, la maison du roi et les

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