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donne des renseignements curieux sur l'enthousiasme avec lequel a été accueillie la nouvelle découverte. Nous attendons une plus longue expérience avant de décider si le Dr Ferrán mérite le surnom de « Koch espagnol que lui donne, non peut-être sans quelque ironie, le Dr Breitung.

LE COURS D'HYGIÈNE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS. La retraite de M. Bouchardat laisse la chaire d'hygiène vacante, au moment où notre vénéré maitre s'apprêtait à ouvrir, pour la dernière fois, un cours qu'il a fait sans interruption pendant 38 ans. En attendant la nomination de son successeur, dont le nom est sur toutes les lèvres, la Faculté a chargé provisoirement du cours M. Landouzy, agrégé de médecine, qui s'est fait remarquer en 1881 par des leçons très remarquables, à l'hôpital de la Charité, sous ce titre Comment et pourquoi on devient tuberculeux? Ces leçons ont été publiées dans le Progrès médical de 1882, et l'on peut s'étonner qu'elles n'aient pas encore été tirées à part elles formeraient la matière d'un livre dont le succès n'est pas douteux. Tout le monde connait le talent de plume et de parole de notre jeune collègue; ses premières leçons ont réuni un auditoire d'élèves et d'amis dont les applaudissements s'adressaient non moins au talent du professeur qu'au choix heureux des matières traitées; nous nous réjouirions si ce succès pouvait le déterminer à tourner son activité du côté de l'hygiène, où il y a tant de beaux travaux à accomplir, et qui a été trop dédaignée jusqu'ici par les hommes de valeur à la Faculté de Paris.

Le cours de M. Landouzy a lieu les mardis, jeudis et samedis à 4 heures, au grand amphithéâtre, et le professeur traitera les matières suivantes : 1° Causes et modes de diffusion des maladies épidémiques, endémiques et contagieuses. Prophylaxie individuelle, familiale, hospitalière, publique. -2° Hygiène de la maison (eaux, latrines); hygiène urbaine (eaux et égouts). — 3o Hygiène des àges: allaitement, sevrage, crèches; mortalité des nouveau-nés; hygiène scolaire; hygiène professionnelle. Plusieurs excursions scientifiques et visites industrielles seront faites pendant le semestre; M. Landouzy a déjà conduit ses élèves à l'Observatoire de Montsouris et au Laboratoire municipal de chimie; il se propose de leur faire visiter, en outre, les irrigations de Gennevilliers, l'installation du tout à l'égout dans la nouvelle caserne Schomberg, etc., etc.

Le Gérant G. MASSON.

Paris. Soc. d'imp. PAUL DUPONT (CI). 9 5.85.

D'HYGIÈNE

ET DE

POLICE SANITAIRE

BULLETIN.

LE CARDAGE DES MATELAS

SUR LA VOIE PUBLIQUE,

Par M. le Dr E. VALLIN.

La Conférence sanitaire internationale réunie en ce moment à Rome s'efforce de nous garantir contre la transmission et la propagation des maladies pestilentielles exotiques. Nous avions formé le dessin de consacrer ce Bulletin à l'exposé des discussions qui ont eu lieu au sein de la commission technique et aux conclusions votées par la commission plénière. Mais à l'heure où nous écrivons, la discussion est loin d'être terminée; ce numéro de la Revue paraîtra peut-être avant que les conclusions soient définitivement votées: il nous paraît préférable d'attendre le retour à Paris des médecins éminents délégués à la Conférence par, le gouvernement français, pour recueillir leurs impressions et tracer une image fidèle de ce qui s'est dit dans cette grande consultation internationale entre les épidémiologistes et les hygiénistes les plus autorisés de l'Europe.

REV. D'HYG.

VII. - 31

Qu'il nous soit permis, en attendant, de nous arrêter sur une cause très vulgaire et incessante de propagation des maladies contagieuses indigènes, que notre insouciance tolère malgré des règlements précis, et qu'il serait grand temps de chasser de nos villes.

A la fin de l'année dernière, le conseil d'hygiène de la Seine a nommé une sous-commission composée de MM. de Luynes, Hardy et Levraud, rapporteur, chargée d'examiner les dangers que peut présenter l'industrie de l'épuration de la literie au point de vue de la propagation des maladies contagieuses dans Paris. L'excellent rapport de M. Levraud a été approuvé par le conseil dans la séance du 10 avril 1885; il touche en passant à certains points sur lesquels nous voudrions attirer l'attention de nos lecteurs.

On peut dire que partout en France, même à Paris, l'épuration des matelas ayant servi aux contagieux laisse beaucoup à désirer le plus souvent cette épuration est nulle, et l'on croit avoir beaucoup fait en soumettant à un simple cardage la laine des matelas sur lequel est mort un varioleux. D'autre fois cette épuration est fictive; c'est un lavage à l'eau alcaline qui donne une sécurité trompeuse; ou bien, on ne prend aucun soin de séparer, soit dans les ateliers, soit dans les voitures de transport, les matelas souillés et infectés de ceux qui sont simplement affaissés ou touchés par les vers. Nous avons, il y a plusieurs années, visité les divers établissements de ce genre qui existent à Paris; il en est un seul où les opérations se passent d'une façon sérieuse; l'on trouvera dans notre Traité de la désinfection et des désinfectants la description des procédés suivis.

Mais nous voulons nous limiter à un autre point de la question, au cardage à la main des matelas sur la voie publique. Déjà notre collègue, M. Drouineau, a insisté au Congrès d'hygiène de Turin (Revue d'hygiène, 1880, p. 964) sur l'insalubrité de cette industrie malpropre et gênante, digne des temps pri

1. Rapport sur la réglementation de l'industrie de l'épuration de la literie et du cardage; Paris, Chaix, 1885.

mitifs où les rues de Paris n'étaient ni pavées ni balayées. Ce n'est pas en province seulement qu'elle subsiste : elle est encore florissante à Paris, et il est peu de quartier où l'on ne voie plusieurs fois par semaine des cardeurs ambulants installer leurs tréteaux dans la cour ou l'allée d'une maison populeuse, sur nos trottoirs, dans nos rues, et soulever des nuages de poussière en frappant de leurs baguettes la laine de matelas profondément souillés ou détériorés par un très long usage. Nous connaissons un hôpital, située dans un quartier misérable et populeux, dont l'une des façades a été adoptée depuis longtemps par des cardeurs ambulants pour exercer leur répugnante industrie. Les tréteaux sont installés sur le trottoir, immédiatement devant les fenêtres du rez-de-chaussée servant à éclairer et à aérer le vestiaire et les magasins de l'hôpital. A quelques mètres plus haut s'ouvrent directement sur la rue les larges baies d'un hangar où l'on met à sécher le linge de corps et de literie encore humide de la lessive; un peu plus loin, se trouve un large réservoir non couvert servant à recueillir l'eau destinée à l'alimentation des malades. Plusieurs fois par semaine, on peut voir des nuages épais de poussière qui pénètrent dans l'hôpital par toutes ces ouvertures. Nous avons souvent regardé de près les matelas soumis ainsi au battage et au cardage; le plus souvent, ils sont sordides et proviennent des plus pauvres ménages; la laine est tachée par larges places, parfois agglutinée par des liquides desséchés. L'on est en droit de se demander si ces matelas n'ont pas servi à des malades atteints, sinon morts, de fièvre typhoïde, de variole, de scarlatine, de diphthérie, d'infection puerpérale, de septicémie chirurgicale, d'érysipèle, etc.; cette poussière qui s'élève ne provient-t-elle pas des selles, des lochies, du sang ou du pus qui ont pénétré les matelas et s'y sont desséchés. Or, l'hôpital dont nous parlons est depuis longtemps infecté; la fièvre typhoïde y a été à plusieurs reprises endémique, la diphthérie, la pourriture d'hôpital, l'érysipèle y menacent constamment les plaies et nécessitent l'emploi rigoureux de la méthode antiseptique, même pour les traumatismes les plus insignifiants. Sans doute il faut faire la part de la vétusté des

bâtiments, saturés de miasmes par un très long usage nosocomial mais, n'est-il pas permis de faire jouer un rôle dans l'infection à cette malpropre coutume du cardage en plein air des matelas à son voisinage immédiat. Les médecins de l'hôpital ont, à plusieurs reprises, réclamé l'éloignement de ces industriels; pendant quelque temps les plaintes rendent les cardeurs ambulants plus discrets; ils ne tardent pas à revenir. Ajoutons que récemment l'intervention très obligeante d'un haut fonctionnaire de la préfecture de police nous fait espérer la suppression définitive de cette cause d'insalubrité. L'article 109 de l'ordonnance de police du 25 juillet 1862 défend cependant d'une façon explicite le cardage à la main sur la voie publique; la tolérance de l'administration a rendu vaine cette prohibition et l'ordonnance n'a peut être jamais été appliquée depuis 1862. On semble disposé depuis quelque temps à être plus rigoureux, mais il ne sera pas aisé de transformer les habitudes prises: nous ne sommes même pas bien sûr que les commissaires de police, auxquels on a le droit d'adresser des réclamations à ce sujet, connaissent l'article 109 de l'ordonnance de 1862, et le droit qu'ils ont d'empêcher cette opération sur la voie publique.

On ne manquera pas de dire: mais, la plupart des matelas cardés ainsi à la main sur la voie publique ne sont nullement infectés, ils n'ont point servi à des contagieux; l'opération est désagréable et gênante, elle n'est nullement dangereuse. L'innocuité de la poussière des matelas non souillés par des virus pourrait se discuter; mais à quoi reconnaîtra-t-on qu'un matelas cardé sur la voie publique n'a pas servi à un contagieux? Est-il possible de ne laisser circuler les matelas dans nos rues que munis d'une patente nette, comme les navires, ainsi que le demandait M. Drouineau? Nous n'irons pas jusque-là; il faut être sobre des règlements rigoureux et des prohibitions. Ce qui vaut mieux, c'est de favoriser la création, soit par les municipalités, soit par les particuliers, d'étuves publiques, de lazarets de désinfection, où chacun, pour une somme très modique, enverra désinfecter les matelas et la literie qui viennent de servir à un varioleux, à un typhoïde, à une femme

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