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Angelo di Giacomo présenta à la cour de circuit des États-Unis une requête à l'effet d'obtenir sa mise en liberté, en se fondant sur ce qu'il n'y avait pas de traité d'extradition applicable à la cause, puisqu'il était accusé sur pièces d'un crime commis en Italie en 1867, tandis que le seul traité existant entre les ÉtatsUnis et l'Italie n'a été conclu que le 23 mars 1868, ratifié le 17 et promulgué le 30 septembre suivant, et que d'ailleurs ce traité porte, à l'article 3, que « les personnes livrées pour les crimes. énumérés dans l'article 2 ne devront dans aucun cas être jugées pour des crimes ordinaires commis antérieurement à celui pour lequel l'extradition est réclamée. »>

Décision du

Le juge Blatchford a rétorqué ces arguments par les expressions juge Blatch mêmes du traité, desquelles ressortait à ses yeux l'intention évi- ford. dente d'appliquer l'extradition aussi bien aux crimes antérieurs qu'à ceux postérieurs à la ratification. Voici sa conclusion:

S'il n'y a pas de restriction positive limitant les pouvoirs du gouvernement de faire un traité accordant la remise des fugitifs pour crimes commis avant la rédaction du traité, et si le traité vise, comme dans l'espèce, le cas du prisonnier, il n'existe pas de motifs pour son élargissement.

« Je ne puis pas admettre qu'un individu qui a commis un crime à l'étranger et se réfugie dans notre pays y acquière un droit d'asile ayant la valeur d'un droit personnel, de telle sorte qu'il ne puisse pas, sous l'empire de lois ou de traités ultérieurs, être remis comme fugitif.

« Le fait d'extradition, à proprement parler, ne peut être regardé comme une peine dans le sens légal de ce mot, en considérant la question des lois ex post facto. Les traités déclarent simplement que la protection du pays de refuge ne viendra pas s'interposer entre le fugitif et les lois qu'il a violées, et que s'il s'enfuit sur un territoire étranger pour obtenir cette protection, le gouvernement lésé peut l'y atteindre et doit recevoir l'aide nécessaire. La privation de la liberté du fugitif est un fait qui ne donne pas à cette privation le caractère d'une peine.

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Le juge ordonna la remise du prisonnier à la garde du marshall, pour être subséquemment livré aux autorités italiennes.

Cas d'Allemands

Etas-Unis. 1874.

S 1286. En 1874 une double demande d'extradition adressée par le gouvernement allemand aux États-Unis a fourni l'occasion réfugiés aux d'élucider divers points imprévus jusque là en matière d'extradition. L'un des extradés était un sujet prussien, accusé d'avoir commis

des faux à Munster en 1872 et en 1873; son extradition était demandée par les autorités allemandes aux États-Unis, en vertu du traité conclu en juin 1852 entre le roi de Prusse et les ÉtatsUnis. L'autre, sujet bavarois, était également accusé de faux; son extradition était demandée par le gouvernement allemand en vertu du traité conclu en 1853 entre la Bavière et les États-Unis.

Tous les deux réclamèrent leur mise en liberté, par demande portée au mois d'octobre 1874 devant la cour de circuit de New York et basée sur ce que « les traités en vertu desquels l'extradition avait été demandée n'étaient plus en vigueur, puisqu'ils avaient été abrogés par la fusion des royaumes de Prusse et de Bavière dans l'empire d'Allemagne, dont la constitution adoptée en 1871 décide en effet que l'Empereur représente l'empire auprès des puissances étrangères, fait les traités de paix, d'alliance et autres conventions; par suite les différents États dont la réunion a formé l'empire allemand n'ayant plus le droit de conclure des conventions séparées avec les puissances étrangères, tant qu'il n'a pas été passé de convention relative à l'extradition des malfaiteurs fugitifs entre l'empire d'Allemagne et les États-Unis, il n'existe pas de traité sur lequel puisse être fondée une demande d'extradition.

La cour a opposé qu'aucun des articles de la constitution de l'empire d'Allemagne n'avait prononcé l'annulation ou l'abrogation des traités conclus entre les puissances étrangères et les différents États dont la réunion a composé le nouvel empire; au surplus une convention passée entre la Bavière ou la Prusse et les ÉtatsUnis pouvait être abrogée par le seul fait de la Bavière ou de la Prusse sans le consentement des États-Unis. Or, dans l'espèce, l'ordre d'arrestation délivré au nom du gouvernement des ÉtatsUnis montre que les conventions invoquées étaient regardées comme en vigueur par le gouvernement des États-Unis et par l'empire d'Allemagne; c'est en effet le représentant diplomatique de l'empire d'Allemagne, agissant en même temps comme représentant de la Bavière et de la Prusse, qui a demandé l'extradition. En conséquence l'élargissement des deux accusés a été refusé*.

* Fœlix, t. II, § 614; Clarke, The law of extrad., pp. 70 et seq.; Phillimore, Com., vol. I, § 385; Clunet, Journal du droit int. privé, 1875, p. 38; 1876, p. 222.

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Extradition des

§ 1287. Il faut ranger dans une classe à part la remise des déserteurs des armées de terre et de mer, et celle des matelots de déserteurs. la marine marchande. Cette espèce particulière d'extradition est un acte de pure courtoisie international, basé sur les convenances des États et sur les besoins du commerce maritime; cette réglementation est des plus sommaires, et sa mise en pratique n'exige aucune des formalités requises pour l'extradition des criminels ordinaires. Ainsi, par exemple, les matelots déserteurs sont recherchés et arrêtés pour être reconduits à leur bord ou renvoyés dans leur pays sur la seule demande des consuls et des viceconsuls de leur nation, ou, à défaut de ceux-ci, sur celle des commandants ou des capitaines intéressés.

conventions pour la remise des matelots.

$1288. L'extradition des matelots déserteurs est quelquefois Traités et l'objet d'accords spéciaux séparés (déclaration du 16 août 1853 (1) entre la France et les Deux Siciles, et du 25 juin 1854 (2) entre l'Angleterre et la France); mais le plus souvent elle fait partie des clauses maritimes insérées dans les traités de commerce et de navigation et dans les traités consulaires.

Nous trouvons dans le livre de M. Ortolan, Règles internationales et diplomatiques de la mer, une judicieuse explication de l'usage qui prévaut aujourd'hui pour l'arrestation des marins déser

teurs:

Si, dit-il, on considère, d'une part, la nécessité de faire rentrer immédiatement à bord des navires les hommes qui composent l'équipage et y sont indispensables pour le service, et dont la désertion pourrait même mettre le navire hors d'état de naviguer, d'autre part, l'impossibilité de recourir au gouvernement, souvent fort éloigné, enfin la propension à la désertion que l'amour du changement inspire, surtout en temps de paix, au matelot de toutes les nations, on concevra que l'observation des formes ordinaires et des lenteurs inévitables de ces formes ait dû

(1) De Clercq, t. VI, p. 382. (2) De Clercq, t. VI, p. 444.

Convention de navigation

faire place à des mesures plus directes et plus expéditives. Tout service serait impossible, s'il en était autrement*

S 1289. Pour en donner un exemple, nous citerons l'article 9 de franco-belge la convention de navigation conclue entre la France et la Belgique le 5 février 1875:

du 5 février 1873.

« ART. 9. Les consuls généraux, les consuls, les vice-consuls et les agents consulaires de chacune des deux hautes parties contractantes résidant dans les États de l'autre recevront des autorités locales toute aide et assistance pour la recherche, la saisie et l'arrestation des marins et des autres individus faisant partie de l'équipage des navires de guerre ou de commerce de leurs pays respectifs, qu'ils soient ou non inculpés de crimes, de délits ou de contraventions commis à bord des dits bâtiments. A cet effet ils s'adresseront par écrit aux tribunaux, aux juges ou aux fonctionnaires compétents, et justifieront, par l'exhibition des registres du bâtiment, du rôle d'équipage ou d'autres documents officiels, ou bien, si le navire était parti, par la copie des dites pièces dûment certifiée par eux, que les hommes qu'ils réclament ont réellement fait partie du dit équipage; sur cette demande ainsi justifiée la remise ne pourra leur être refusée. << Les marins déserteurs, lorsqu'ils auront été arrêtés, resteront à la disposition des consuls généraux, des consuls, des vice-consuls ou des agents consulaires, et pourront même être détenus et gardés dans les prisons du pays, à la réquisition et aux frais des agents précités, qui, selon l'occasion, les réintégreront à bord du bâtiment auquel ils appartiennent, ou les renverront dans leur pays sur un navire de la même ou de toute autre nation, ou les rapatrieront par voie de terre.

«Le rapatriement par la voie de terre se fera sous escorte de la force publique, à la réquisition et aux frais des agents précités, qui devront à cet effet s'adresser aux autorités compétentes. Si dans les deux mois à compter du jour de l'arrestation les marins déserteurs n'étaient pas réintégrés à bord du bâtiment auquel ils appartiennent, ou s'ils n'étaient pas rapatriés par la voie de mer ou de terre, ou enfin si les frais de leur emprisonnement n'étaient pas régulièrement acquittés par la partie à la requête de laquelle l'arrestation aura été opérée, les dits marins déserteurs seront remis en liberté, sans qu'ils puissent être arrêtés de nouveau pour la même cause.

Ortolan, Règles internationales et diplomatiques de la mer, liv. II, ch. 14.

« Néanmoins, si le déserteur avait commis en outre quelque délit à terre, son extradition pourra être différée par les autorités locales, jusqu'à ce que le tribunal compétent ait dûment statué sur le dernier délit et que le jugement intervenu ait reçu son entière exécution.

¢

« Il est également entendu que les marins ou les autres individus faisant partie de l'équipage, sujets du pays où la désertion a lieu, sont exceptés des stipulations du présent article. »>

$1290. Ce texte a été ainsi modifié dans la convention consulaire conclue avec la Grèce le 7 janvier 1876, la plus récente qui règle la matière en France:

« ART. 22. Les consuls généraux, les consuls, les vice-consuls ou les agents consulaires pourront faire arrêter et renvoyer soit à bord, soit dans leur pays, les marins et toute autre personne faisant à quelque titre que ce soit partie des équipages des navires de leur nation, qui auraient déserté.

« A cet effet ils devront s'adresser par écrit aux autorités locales compétentes et justifier, au moyen de la présentation des registres du bâtiment ou du rôle de l'équipage, ou, si le navire était parti, en produisant une copie authentique de ces documents, que les personnes réclamées faisaient partie de l'équipage. Sur cette demande ainsi justifiée la remise des déserteurs ne pourra être refusée.

« On donnera en outre aux dits agents consulaires tout secours et toute assistance pour la recherche et l'arrestation des déserteurs, qui seront conduits dans les prisons du pays et y seront détenus, sur la demande écrite et aux frais de l'autorité consulaire, jusqu'au moment où ils seront réintégrés à bord ou jusqu'à ce qu'une occasion se présente de les rapatrier. Si toutefois cette occasion ne se présentait pas dans le délai de deux mois à compter du jour de l'arrestation, ou si les frais de leur détention n'étaient pas régulièrement acquittés, les dits déserteurs seraient remis en liberté, sans qu'ils pussent être arrêtés de nouveau pour la même

cause.

<«Si le déserteur avait commis quelque délit à terre, l'autorité locale pourrait surseoir à sa remise jusqu'à ce que la sentence du tribunal eût été rendue et eût reçu son exécution.

« Les marins ou les autres individus de l'équipage citoyens du pays dans lequel s'effectuera la désertion sont exceptés des stipulations du présent article. »

Convention consulaire

franco

grecque du 7 janvier 1876.

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