Page images
PDF
EPUB

mineure; et que celle ci n'est aucunement assujétie à se pourvoir d'un curateur pour réclamer l'autorisation;

» Que, dans la cause actuelle, l'action intentée par la dame S....., étant dirigée directement contre son mari, c'était à la justice à lui accorder l'autorisation nécessaire, et que cette formalité a été remplie ;

» Qu'au défaut de l'autorisation du mari, l'art. 218 du Code civil donne le droit à la justice d'autoriser la femme mariée ;

» Qu'en matière de Séparation de corps, , il n'est pas nécessaire que cette autorisation ait été demandée au mari; que cette demande serait contradictoire avec la nature de l'action en Séparation de corps ; que l'art. 306 du Code civil permet aux époux majeurs ou mineurs de former une demande en Séparation de corps;

"Que, s'il résulte des art. 481 et 484 du Code civil, combinés avec les art. 462, 463 et suivans, que l'assistance d'un curateur, ou l'au torisation d'un conseil de famille, est nécessaire au mineur pour l'exercice des actions immobilières, et qu'il ne peut faire que des actes de pure administration, ce serait méconnaître le vœu de la loi naturelle et civile, que de soutenir que l'époux qui cherche à mettre sa personne en sûreté, ne peut néanmoins pénétrer dans le sanctuaire de la justice, qu'après avoir trouvé un premier appui dans la société ;

» Que la demande en Séparation de corps est purement une action personnelle, dans laquelle, pour la protection de sa personne, la femme invoque la protection de la justice et les secours du ministère public;

» Qu'une pareille demande ne peut être assimilée à une action immobilière; et la loi n'exige pas, pour l'exercice de cette action individuelle, les formalités prescrites aux mineurs pour l'exercice des actions pour vente ou alienation d'immeubles;

» Qu'ainsi, la dame S...., autorisée par la justice en vertu de l'ordonnance du tribunal, en date du 7 janvier 1806, a régulièrement cité et assigné le sieur S.... »;

Le tribunal civil de Bordeaux rejette les moyens de nullité proposés par celui-ci, et ordonne qu'il sera plaidé au fond.

Le sieur S.... appelle de ce jugement; mais, par arrêt du premier juillet suivant, la cour d'appel de Bordeaux, adoptant les motifs des premiers juges, met purement et simplement l'appellation au néant. ]]

IX. Il est d'usage qu'une femme, en présentant sa requête en Séparation de corps,

demande, par provision, à être autorisée à se retirer, pendant le procès, dans un lieu sûr et décent.

Il s'est quelquefois élevé des difficultés sur ce point.

En thèse générale, on peut dire que la femme a le droit de choisir entre la maison de son père ou de sa mère et un couvent. C'est sur cette règle qu'est fondée une des dispositions de l'arrêt du conseil souverain de Roussillon, qui est rapporté ci-dessus, no 1.

Il a même été jugé, par un arrêt du parlement de Flandre, du.... 1767, que le sieur Ringuer de Russilly ne pouvait pas contraindre sa femme à quitter, pour se retirer dans un couvent, la maison d'une tante chez qui elle s'était retirée dans l'attente du jugement de son procès en Séparation de corps.

Cependant, lorsqu'il y a lieu de craindre que la femme ne trouve dans la maison paternelle, et à plus forte raison dans celle d'un parent collateral, des conseils propres à l'aigrir de plus en plus contre son mari, les cours sont dans l'usage d'ordonner qu'il lui sera assigné une autre retraite, ou de la lui assigner elles mêmes.

Un arrêt du parlement de Metz, du 12 juillet 1691, rapporté par Augeard, tome 1, S. 69, enjoignit à la demoiselle Vaillant, épouse du sieur Maucolin, avec qui elle plaidait en Séparation, de quitter la maison de sa mère, et de se retirer dans telle autre qui serait choisie par six parens, dont trois de son côté, et trois du côté de son mari.

Le 21 décembre 1780, un arrêt du parlement de Flandre, rendu au rapport de M. l'abbé de Ranst, déclara n'y avoir abus dans une sentence de l'official métropolitain de Cambrai, qui enjoignait à une femme réfu giée chez sa mère pendant le procès en Séparation qu'elle avait intenté, de se retirer dans un couvent jusqu'à ce qu'il en fût autrement ordonné.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]
[ocr errors]

877. Les parties seront tenues de comparaître en personne, sans pouvoir se faire assister d'avoués ni de conseils.

ว 878. Le président fera aux deux époux les représentations qu'il croira propres à opérer un rapprochement; s'il ne peut y parvenir, 1 rendra ensuite de la première ordonnance, une seconde portant qu'attendu qu'il n'a pu concilier les parties, il les renvoie à se pourvoir, sans citation préalable, au bureau de conciliation.

» Il autorisera par la même ordonnance la femme à procéder sur la demande,, et à se retirer provisoirement dans telle maison dont les parties seront convenues, où qu'il indiquerà d'office; il ordonnera que les effets à l'usage journalier de la femme, lui seront remis. Les demandes en provision seront portées

à l'audience.

"879. La cause sera instruite dans les formes établies pour les autres demandes, et jugée sur les conclusions du ministère public ».

On voit par ce dernier article,qui n'est que la répétition du 307e du Code civil, que les formes prescrites par ce Code pour la procédure sur les demandes en divorce, ne sont pas applicables à la procedure sur les demandes en Separation de corps.

Et de là il suit qu'avant le Code de procedure civile, dont l'art. 878 a étendu à la Séparation de corps la disposition de l'art. 268 du Code civil, relative au divorce, une femme ne pouvait pas être déclarée non-recevable à continuer ses poursuites, pour avoir choisi une résidence sans l'avoir fait indiquer par le juge.

C'est ce qu'a en effet jugé, en faveur de la dame Royer, un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, que la cour de cassation a maintenu, le 13 brumaire an 14, « attendu que » ne s'agissant, dans l'espèce, que d'une » simple demande en Séparation de corps, » l'arrêt n'a fait qu'une juste application de l'art. 307 du Code civil, en decidant que » ladite dame Royer n'avait point été tenue » de se faire indiquer une maison de retraite, » comme il est prescrit par l'art. 268, rela»tif aux demandes en divorce pour cause » déterminée ».

On remarque, au surplus, que la forme de procédure en matière de Séparation de corps, diffère en deux points capitaux de la forme de procéder en matière de Séparation de biens.

1o La procédure en Séparation de biens ne doit pas être précédée d'une citation en conciTOME XXX.

liation. Il en est autrement de la procédure en Séparation de corps.

«En effet ( disait l'orateur du gouvernement, M. Berlier, en présentant au corps législatif cette partie du Code de procédure civile), une instance en Séparation de corps est un differend grave.... Mais plus la société doit s'affliger d'un tel debat, plus il importe de le prévenir et d'en arrêter le cours. Un simple exploit ne suffira donc pas pour saisir les tribunaux d'une cause de cette nature, et l'ordre public serait même peu satisfait, si l'on ne procédait aux voies conciliatrices que comme dans les causes ordinaires. Il faut ici, à raison de la gravité des circonstances, un magistrat plus éminent pour exercer le ministere de paix et de conciliation; et c'est le président même du tribunal que la loi designe.

» On ne pourra d'abord s'adresser qu'à lui, et il devra entendre les époux, non par l'organe de conseils et d'avoues qui, en leur supposant les vues les plus pacifiques, ne pourraient suppléer les parties. Les époux seront donc tenus de comparaitre en personne, et le juge tentera de les rapprocher.

» S'il échoue dans cette noble tentative, et après qu'il aura désigné la maison où la femme pourra se retirer provisoirement, la procedure suivra son cours.

2o On a vu aux mots Séparation de biens, sect. 2, §. 3, art. 2, no 2, que le Code de procédure civile assujétit toute demande en Separation de biens à la formalité de l'affiche dans un tableau placé à cet effet dans l'auditoire du tribunal qui doit en connaître. Ni le même Code ni aucune autre loi ne prescrivent rien de semblable pour la demande en Séparation de corps. ]]

XI. Il n'est pas sans exemple de voir prononcer des Séparations à temps. Un arrêt du 1er juin 1580, rapporté par Papon, liv. 5, tit. 1, no 11, limite à cinq ans une Séparation qu'il ordonne pour cause de mal venerien dont le mari était attaqué pour la seconde fois.

du

Boniface, tome 4, liv. 5, tit. 13, chap. 1, rapporte un arrêt du parlement d'Aix, 23 mai 1670, qui sépare deux époux pour trois

[blocks in formation]

négociant, a été ordonnée pour le terme de quatre années seulement; et le mari a été condamné à payer à sa femme une pension de 600 livres, à la charge par elle de se retirer dans un couvent à son choix.

XII. Quelquefois avant de prononcer sur des demandes en Séparation de corps, les magistrats ordonnent que la femme se retirera, pendant un certain temps, dans un couvent où le mari aura la liberté de la voir. Apres l'expiration da terme, ils examinent encore les motifs de la demande. Ils mettent dans la balance la nouvelle conduite des deux parties; et ce n'est qu'après avoir tout considéré avec une attention digne du grand objet qui les occupe, qu'ils prononcent definitivement.

Voici une espèce dans laquelle le parlement de Paris a adopté ce sage parti. Nous le rapportons d'après la gazette des tribunaux.

« Le sieur B..., des G....., capitaine des vaisseaux du roi, âgé de quarante-deux ans, a épousé, le 19 decembre 1781, la demoiselle Marie Henriette de R...., fille d'un officier de marine, âgée de dix-neuf ans. Les deux époux, suivant leur contrat, se sont mariés avec tous leurs droits, qu'ils ont évalués, pour chacun, à 24,000 livres. Le futur y fait, à la demoiselle de R...., une donation en propriété de tous ses biens, donation qui sera réductible au simple usufruit en cas de survenance d'enfans. Tel paraît être le sens de la clause, qui d'ailleurs est rédigée d'une manière très-obscure.

» Les sieur et dame B.... des G.... sont res

tés à Brest chez les sieur et dame R...., père et mère de la demoiselle, depuis la celebration du mariage jusqu'au 3 février suivant, c'est-àdire, pendant six semaines ou environ. Il parait qu'à cette époque, le sieur de G.... est sorti de cette maison.

[ocr errors]

Quelle a été la cause de son départ ? C'est sur quoi les parties ne sont nullement d'accord.

» La dame des G...... prétend qu'elle a été maltraitée par le sieur des G..... presque tous les jours; et qu'une scène plus violente que les autres qui se passa le 2 février, obligea le sieur des G...... à prendre son parti, et les sieur et dame R.... à lui interdire leur maison.

» Le sieur des G.... prétend, au contraire, qu'il ne se retira que parcequ'on lui avait fait entendre que cette marque de déférence appaiserait la dame des G..., qui cependant n'avait aucun motif réel d'être irritée contre

lui.

[ocr errors]

Quoi qu'il en soit, il y a eu entre les deux époux une correspondance, de laquelle il semble résulter que la femme se plaignait, et que

le mari avait des torts. Celui-ci a paru conscntir à une Séparation volontaire; cependant il a fini par s'y refuser, et la dame des G.... a formé sa demande en Séparation.

» Une sentence du bailliage d'Angers a admis la dame des G.... à la preuve de ses faits, et l'enquête a été faite. Le sieur des G.... a interjeté appel de ce jugement.

» La cause a été plaidée pendant plusieurs audiences.

» Le sieur des G.... a soutenu que les faits portés dans la plainte de la dame des G.... n'étaient ni vrais ni vraisemblables; que les preuves, par conséquent, ne pouvaient pas en être admises. Il a ajouté qu'ils n'étaient pas prouvés par les enquêtes qu'il a discutées: il a argué ces enquêtes de nullité, et a reproché tous les témoins.

» De son côté, la dame des G.... a soutenu qu'il n'y avait rien d'invraisemblable dans sa plainte, que les faits principaux en étaient prouvés par les lettres mêmes du sieur des G...., que ses enquêtes étaient régulières, et ses témoins irréprochables.

» Arrêt du 23 mai 1784, conforme aux conclusions de M. l'avocat-général Séguier, qui, avant faire droit, a ordonné que la dame des G.... serait tenue de se retirer, pendant deux ans, dans un couvent d'Angers, où le sieur des G.... aurait la liberté de la voir; qu'il serait tenu de lui remettre toutes les hardes, effets et meubles à son usage; de lui avancer 2,000 livres pour les frais du voyage, et annuellement, une somme de 4,000 livres pour, icelui temps passé, être par la cour ordonné ce qu'il appartiendra, dépens réservés ».

XIII. Au surplus, soit qu'on accorde à la femme une Séparation proprement dite, pour un temps limité, soit qu'on se borne (comme l'a fait l'arrêt du 23 mai 1784) à lui permettre de se retirer pour quelques années dans un lieu decent, avec la clause que son mari pourra l'y voir, il est de règle qu'à l'expiration du terme fixé par le jugement, les époux doivent être séparés définitivement, si le mari n'a point profité de l'intervalle qu'on lui a laissé, pour donner des marques de repentir et regagner le cœur de sa femme.

C'est ce qui est arrivé en 1775, dans l'affaire de la dame Hebert, femme d'un payeur des rentes de l'Hôtel-de-Ville de Paris.

« Elle avait consigné dans sa requête en Séparation, des faits graves et précis. Une première sentence en avait admis la preuve, dixhuit témoins les avaient attestés à la justice, et par sentence définitive, le châtelet avait sépare les deux époux.

Le sieur Hébert interjeta appel de ce jugement.

Le procés porté à la seconde chambre des enquêtes, le parlement pensa que tous les moyens de conciliation n'étaient peut-être pas encore épuisés ; qu'il serait possible, avec le temps, de rapprocher les deux époux, de faire connaitre au mari ses torts, et de l'engaà les réparer. ger

Ce fut dans cette intention que, par arrêt du 17 février 1770, il fut ordonné, avant faire droit, que la dame Hébert se retirerait avec sa fille dans un couvent qui serait indiqué par M. l'archevêque de Paris, pour y demeurer pendant trois ans, pendant lequel temps, le sieur Hébert pourrait la hanter et fréquen

Ler.

Dans la huitaine de la signification de l'arrêt, la dame Hébert s'est retirée à l'abbaye de Saint-Antoine, sur les indications de M. l'archevêque. Elle y a demeuré jusqu'en l'année 1771. A cette époque, pour pouvoir donner à sa fille une éducation convenable, elle a obtenu la permission de se retirer au monastère de Conflans. Elle a notifié cette permission au sieur Hébert, par acte du 9 novembre 1771. C'est dans cette retraite qu'elle a passé au-delà du temps fixé par l'arrêt de 1770.

Le délai de trois ans étant plus qu'expiré, la dame Hebert s'est mise en état d'obtenir un arrêt definitif. Elle a prouve par deux certificats, l'un de l'abbesse de Saint Antoine, l'autre de la supérieure du monastère de Conflans, 1o qu'elle avait exactement rempli les conditions qui lui étaient imposées par l'arrêt de 1770; 2o que son mari ne s'était jamais présenté pour la voir.

La dame Hébert a exposé ces faits dans une requête, et a poursuivi le jugement de l'ins

tance.

Bientôt après, elle a obtenu la confirmation de la sentence du châtelet.

Le sieur Hebert a eu recours à la voie de cassation; mais sa requête ayant été commaniquée à son épouse, il n'a pas été difficile à celle-ci de repousser ce dernier effort. Par arrêt du conseil, du 20 octobre 1775, le sieur Hébert a été débouté de sa demande en cassa. tion.

[[ XIV. Lorsque le jugement de Séparation de corps est rendu, on doit, à raison de la Séparation de biens qu'il entraîne, lui donner la mème publicité que s'il s'agissait d'un juge ment de Séparation de biens seulement

pro

Extrait du jugement qui prononcera la » Séparation (porte l'art. 880 du Code de » cédure civile), sera inséré aux tableaux exposes tant dans l'auditoire des tribunaux que

[ocr errors]

» dans les chambres d'avoués et notaires, ainsi » qu'il est dit art. 882 », rapporté aux mots Séparation des biens, sect. 2, §. 3, art. 2,

no 5.

L'art. 66 du Code de commerce dit également: «Tout jugement qui prononcera une » Séparation de corps ou un divorce entre mari » et femme, dont l'un serait commerçant, sera » soumis aux formalites prescrites par l'art. » 872 du Code de procédure civile; à défaut » de quoi, les créanciers seropt toujours admis » à s'y opposer, pour ce qui touche leurs inté» rêts, et à contredire toute liquidation qui > en aurait été la suite ».

S. IV. Des effets de la Séparation de

corps.

I. Le principal effet de la Séparation de corps, lorsqu'elle est prononcée par arrêt ou par une sentence dont il n'y a point d'appel, consiste en ce qu'elle dispense la femme de l'obligation de demeurer avec son mari.

Mais cette obligation n'est-elle pas remplacée par celle de se retirer dans un couvent ?

Pothier (à l'endroit cite, no 522) fait entendre que non. « La femme séparée, dit-il, na le droit de s'établir, où elle voudra, un » autre domicile que celui de son mari ».

On a vu en effet ci-devant, §. 1, no 3, qu'un arrêt du 21 novembre 1765 debouta le sieur Ant.... de sa demande à ce que son épouse, dûment séparée de corps et de biens, eút à se retirer avec sa fille dans un couvent.

Cependant, lorsque la femme est jeune, ei a donné dans sa conduite quelques marques d'imprudence, les tribunaux sont assez dans l'usage de lui assigner un couvent pour demeure, jusqu'à ce qu'elle ait atteint un certain nombre d'années. C'est ainsi que le parlement de Paris en a usé à l'égard de la dame Hébert, par l'arrêt que nous avons rapporté ci-devant, S. 3, no 13. Cet arrêt qui a eté confirmé au conseil d'état, le 20 octobre 1775, a enjoint à la femme dont il adoptait la demande en Separation de corps, de se retirer dans un couvent jusqu'à l'âge de trente ans.

Le parlement de Bretagne a là-dessus une jurisprudence beaucoup plus rigoureuse. Le même arrêt qui prononce une Séparation de corps, enjoint, pour l'ordinaire, à la femme, de se retirer dans un couvent pendant la vie de son mari. Quoique cette manière de juger puisse être regardée comme très-sage, en ce qu'elle tend à diminuer le nombre des demandes en Séparation, cependant une femme qui n'aurait rien à se reprocher et dont la conduite, serait parfaitement régulière, pourrait se pourvoir contre un pareil arrêt au conseil

du roi, parcequ'il n'y a pas de loi positive qui autorise les juges à obliger la femme séparée, inais vertueuse, à demeurer au couvent jusqu'à la mort de son mari ; et qu'il y a évidemment excés de pouvoir dans un jugement qui impose arbitrairement uue condition aussi dure.

C'est précisément ce qui est arrivé dans une espèce toute récente, que la Gazette des tribunaux nous retrace en ces termes :

« La demoiselle de H.... a épousé le sieur de L..... des V...., au commencement de l'année 1773. Une fille, dans l'année du mariage, en a été le fruit. Il paraît que la paix et l'union n'ont pas été de longue durée entre ces époux; car dès l'année 1774, l'incompatibilité des humeurs a donné lieu à une Separation volontaire : ils ont préféré ce parti à l'éclat d'une procedure en règle. L'acte contenait des reserves et des protestations contre toutes fins de non-recevoir, dont les parties ont promis de ne faire aucun usage.

» En 1778, le mari a sommé sa femme de revenir demeurer avec lui. Cette sommation a déterminé la dame des V.... à former sa demande en Séparation de corps devant le bailliage de Nantes : elle s'est fondée sur plusieurs faits, dont elle a demandé à faire preuve. C'é taient des sevices, des mauvais traitemens, une jalousie insupportable, et une diffamation caracterisée. Admise à la preuve, l'enquête s'est trouvée concluante, et la Séparation a été prononcée. Sur l'appel du mari au parlement de Rennes, la sentence a été confirmée; mais, d'après les conclusions du ministère public, et sans aucune demande formée à cet égard, l'arrêt a enjoint à la femme de demeurer, pendant toute la vie de son mari, dans un couvent qui serait indiqué par l'évêque diocesain.

» La dame des V..... a présenté une nouvelle requête au parlement, et a demande qu'il Jui fut au moins permis de sortir du couvent pour voir sa famille et vaquer à ses affaires. Un second arrêt lui a accordé cette permission pour deux fois la semaine seulement, à la charge d'être toujours rentrée avant deux heu res après midi.

>>Cette severité a déterminé la dame des V.... à se pourvoir au conseil contre les deux arrêts elle en a obtenu la cassation, et a été renvoyée au parlement de Paris, pour y proceder sur l'appel de la sentence du bailliage de Nantes.

» Les moyens du mari consistaient dans les reproches qu'il faisait aux témoins de l'enquéte, dont il cherchait d'ailleurs à énerver les dépositions; mais, d'apres la lecture de cette enquête, faite par M. l'avocat général Hérault de Séchelles, il a paru démontré que les réproches n'étaient pas valables, et que les preu

ves étaient concluantes; en consequence, l'arrêt du 28 novembre 1785 a mis purement et simplement l'appellation au néant, avec amende et dépens ».

[[ Du reste, la faculté qu'acquiert la femme par sa Separation de corps, de fixer sa résidence où il lui plait, lui donne-t-elle le droit de se choisir un véritable domicile hors de la maison de son mari? . l'article Domicile, S. 5, no 1. ]]

II. La Séparation de corps emporte toujours avec elle la Séparation de biens.

Cela est si vrai que, dans les provinces bel giques, où les officiaux sont demeures en possession de connaitre de la premiere, il suffit, apres qu'ils l'ont prononcée, de présenter leur sentence au juge séculier, pour obtenir la seconde. Les chartes de Hainaut en contiennent une disposition expresse. Voici comment elles s'expliquent, chap. 121, art. 13: « L'exécution de sentence de divorce se doit requérir à notre grand bailli et gens de no»tre conseil ordinaire ».

[[Le Code civil décide d'ailleurs expressément, art. 311, que « la Séparation de corps > emportera toujours Separation de biens».]]

Ainsi, la Separation de corps considérée par rapport aux effets civils, procure à la femme les mêmes avantages et la place dans par consequent ce que nous avons dit à l'artile même etat que la Séparation de biens. Voyez cle Séparation de biens, sect. 2, §. 5.

III. C'est par suite de cette parité, que la femme separée de corps, a toujours le choix d'accepter la communauté ou d'y renoncer, et qu'elle peut, en cas d'acceptation, en poursuivre le partage. Ce principe sur lequel tous les auteurs sont d'accord, est confirmé par deux arrêts du parlement de Rouen des 8 et g novembre 1660, que rapporte Basnage, sur les art. 368 et 3g1 de la coutume de Normandie, et il est consacre formellement par les articles suivans du chap. 121 des chartes générales de Hainaut :

« 1. Les immeubles des divorcés compèteront et se partiront moitié à l'homme, l'autre moitié à la femme.

» 2. Quant aux immeubles, fiefs, alloets, ou mainfermes, ils appartiendront respectivement au côté dont ils sont venus, soit de l'homme ou de la femme ; et où l'un des conjoints aurait beaucoup de biens, et l'autre peu ou rien, la justice y pourvoira.

» 3. Et au regard des acquets par eux faits constant leur mariage, l'homme jouira des fiefs, à la charge du viage de sa femme en la moitié des fruits, et des alloëts et main

« PreviousContinue »