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de choses mobilières ou d'effets négociables. 3o Enfin que les obligations soient souscrites au préjudice du mineur. C'est contre cette lésion que la loi a voulu défendre son inexpérience. Si donc il ne résultait de l'acte aucun préjudice, le délit n'existerait plus, il n'aurait plus de base.

DE L'ABUS DU BLANC-SEING.

455. Le blanc-seing est une signature donnée en blanc, c'est-à-dire sur un papier blanc, pour approuver une écriture convenue à l'avance et qui n'y est pas encore placée. L'abus de blanc-seing consiste donc dans la suscription audessus de cette signature d'une écriture, c'est-à-dire d'une obligation autre que celle qui avait été convenue.

ART. 407. Quiconque, abusant d'un blanc-seing qui lui aura été confié, aura frauduleusement écrit au-dessus une obligation ou décharge, ou tout autre acte pouvant compromettre la personne ou la fortune du signataire, sera puni des peines portées en l'article 405. — Dans le cas où le blanc-seing ne lui aurait pas été confié, il sera poursuivi comme faussaire et puni comme tel. »

Si cette disposition n'existait pas, l'abus de blanc-seing constituerait un véritable faux, car il consiste dans une supposition ou une contrefaçon d'acte. Mais le législateur l'a rangé dans la classe des délits toutes les fois que le blancseing a été confié à celui qui en a abusé; car, dans ce cas, cette confiance imprudente a été la source de la falsification, et la personne lésée doit s'imputer la faute qu'elle a commise et la perte dont il lui était si facile de se préserver. L'abus demeure rangé dans la classe des faux toutes les fois que le blanc-seing n'a pas été confié à l'agent. Le premier point à discerner en cette matière est donc de savoir si le blanc-seing a été ou n'a pas été confié à la personne qui en a abusé. Il n'est réputé avoir été confié que lorsqu'il a été remis à cette personne à titre de blanc-seing et avec le mandat d'en faire un usage déterminé.

Lorsque le blanc-seing a été confié, l'abus consiste, ainsi que je viens de le dire, dans l'inscription frauduleuse d'un acte au-dessus de la signature. De là deux conséquences. Il faut qu'il y ait intention frauduleuse, c'est-à-dire intention de faire usage de l'acte ainsi fabriqué. Peu importe que cet usage ait été consommé; mais il est clair que l'abus ne peut consister dans la seule fabrication qu'en prouvant que cette fabrication avait pour but l'exploitation même de l'acte, car, si cette intention n'existe pas, il n'y a plus de fraude. Il faut, en second lieu, que l'acte frauduleusement inscrit soit de nature à porter préjudice : c'est ce qui résulte de ces termes de la loi : « une obligation ou décharge, ou tout autre acte pouvant compromettre la fortune ou la personne du signataire. » Remarquez ces deux conditions, la fortune ou la personne. Toutes les obligations qui peuvent donner lieu à une perte matérielle rentrent dans la première; tous les écrits qui peuvent compromettre l'honneur ou la réputation du signataire rentrent dans la seconde.

DE L'ABUS DE CONFIANCE RÉSULTANT DU DÉTOURNEMENT D'OBJETS CONFIÉS.

456. L'espèce de fraude que prévoit l'art. 408 est demeurée pendant long

temps dans la classe des dols civils qui peuvent donner lieu à des dommagesintérêts, mais qui ne motivent l'application d'aucune peine. Ce n'a pas été sans hésitation que le législateur s'est hasardé à chercher dans l'incrimination de certains contrats les éléments d'un délit, et par conséquent la base d'une poursuite criminelle. Les difficultés que cette matière a soulevées ont montré, en effet, qu'il n'est permis à la loi pénale d'y pénétrer qu'avec une extrême prudence. L'art. 29, titre II, du Code de 1791, ne punissait que la violation du contrat de dépôt. L'art. 408 du Code pénal ajouta le détournement d'objets remis pour un travail salarié à la charge d'en faire un emploi ou usage déterminé. La loi du 28 avril 1832 a étendu l'incrimination au détournement d'effets remis à titre de louage, de mandat ou pour un travail non salarié; celle du 13 mai 1863 à l'abus du nantissement et du prêt à usage.

« ART. 408. Quiconque aura détourné ou dissipé, au préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs, des effets, deniers, marchandises, billets, quittances ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge, qui ne lui auraient été remis qu'à titre de louage, de dépôt, de mandat, de nantissement, de prêt à usage, ou pour un travail salarié ou non salarié, à la charge de les rendre ou représenter, ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé, sera puni des peines portées dans l'art. 406.- Si l'abus de confiance prévu et puni par le précédent paragraphe a été commis par un officier public ou ministériel, ou par un domestique, homme de service à gages, élève, clerc, commis, ouvrier, compagnon on apprenti, au préjudice de son maître, la peine sera celle de la réclusion. Le tout sans préjudice de ce qui est dit aux art. 254, 255 et 256, relativement aux soustractions et enlèvements de deniers, effets ou pièces, commis dans les dépôts publics.»

Ce texte soulève plusieurs questions: Que faut-il entendre par détournement ou dissipation? Quels sont les objets dont le détournement peut être incriminé ? Quels sont les contrats dont la violation constitue l'abus puni par la loi ?

457. Les mots détourner ou dissiper indiquent l'action de l'agent par laquelle il s'approprie la chose qui lui a été confiée, l'action par laquelle il en dispose comme si elle était sienne. Or, cette appropriation suppose deux faits distincts, la mainmise sur la chose confiée et l'intention d'en faire sa propre chose, la dissipation et la fraude. Il est clair, en effet, qu'il ne peut y avoir d'appropriation sans intention de détournement, sans fraude. L'agent qui se sert momentanément de la chose qui lui a été confiée, peut manquer par là à la loi du contrat, peut en violer les termes, mais ne se rend pas coupable de détournement, puisqu'il n'a pas l'intention de s'approprier le dépôt ; il peut être passible de dommages-intérêts, mais non d'une peine. Cette importante distinction présente quelque difficulté quand la chose confiée est une somme d'argent. Je suppose que le dépositaire, au lieu de remettre sur-le-champ cette somme à son mandant, ou de la garder intacte entre ses mains, s'en serve pendant quelque temps, avec l'intention de la restituer plus tard. Il est hors de doute que ce simple retard ne constitue point le délit, car l'art. 1996 du Code civil déclare que le mandataire doit l'intérêt des sommes qu'il a employées à son usage à dater de cet emploi. Donc, le mandataire qui se sert des sommes qui lui ont été confiées, sans dol et sans fraude, n'est passible que de l'intérêt de ces sommes. Il peut être infidèle à son mandat, mais il est clair qu'il n'a pas

détourné les sommes qu'il a entre les mains et qu'il est disposé à rendre. Mais je suppose maintenant qu'à l'époque du remboursement, il ne puisse l'effectuer, qu'il soit devenu insolvable, qu'il soit tombé en état de faillite. Cette insolvabilité est-elle suffisante pour établir la fraude? La fraude ne se présume pas, il faut qu'elle soit établie d'une manière certaine. L'insolvabilité peut mettre à la charge de l'agent une imprudence, une faute; il a eu tort de se servir de deniers qu'il n'était pas certain de pouvoir rembourser; mais si son impuissance a été le résultat d'un cas fortuit, d'un événement imprévu, il me semblerait difficile de changer, après coup, le caractère de son action, à raison du résultat inattendu qu'elle a eu, et de confondre le malheur avec la fraude. Mais si l'insolvabilité du mandataire ne tient pas à des causes imprévues, s'il a pu penser que les valeurs dont il disposait, il lui serait difficile de les rendre, si, au moment de les employer, sa situation était embarrassée, on peut de ces circonstances tirer la preuve qu'à ce moment même il avait l'intention de s'approprier les deniers qui lui avaient été confiés, et il peut, sans acun doute, être déclaré coupable du délit. Il suit de là que toute poursuite pour abus de confiance doit être précédée d'une mise en demeure de restituer; car il ne peut y avoir de détournement frauduleux, de détournement légal, qu'autant que l'agent refuse la restitution ou se trouve par son fait dans l'impossibilité de l'opérer.

458. Quels sont les objets dont le détournement peut être incriminé? Ce sont les effets, deniers, marchandises, billets, quittances ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge. Cette énumération comprend, d'une part, tous les écrits opérant obligation ou décharge, et d'une autre part, tous les effets mobiliers. Il est clair que le détournement de ces objets doit avoir été fait au préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs, car autrement il n'y aurait point de préjudice. Ainsi, dans une espèce où un propriétaire avait vendu une certaine quantité de blé à un boulanger qui s'était obligé à en payer le prix à mesure que le blé serait converti en pain, ce dernier avait revendu cette marchandise à un tiers. Poursuivi par le premier vendeur en abus de confiance, il a été reconnu que l'art. 408 n'était pas applicable, puisque le blé ne lui avait été remis ni à titre de dépôt, ni pour un travail salarié; et que, s'il avait été convenu qu'il en ferait un usage ou emploi déterminé, ce n'était pas comme mandataire, mais comme propriétaire, en vertu de la vente qui lui avait été consentie. Au surplus, les mots effets, deniers et marchandises, comprennent toutes les choses qui peuvent faire l'objet d'un -commerce; et les écrits, tous les actes dont le détournement peut produire un préjudice matériel. L'art. 408 n'a pas, comme l'art. 407, compris dans ses termes les actes qui peuvent compromettre la réputation et l'honneur d'une

personne.

459. Quels sont, enfin, les contrats dont la violation peut rentrer dans les termes de l'art. 408? C'est, d'abord, et par une addition de la loi du 28 avril 1832, le contrat de louage: ainsi le preneur qui vend frauduleusement une chose mobilière qui lui a été remise à titre de louage, est passible des peines de l'art. 408; tel serait, par exemple, le preneur de bestiaux à cheptel qui les

vendrait à l'insu et sans la participation du bailleur. Le contrat de dépôt rentre également dans les termes de l'art. 408. Il s'agit ici du dépôt tel qu'il est défini par l'art. 1915 du Code civil, c'est-à-dire qui a pour principal objet la garde et la conservation de la chose. Le troisième contrat, que l'art. 408 a compris dans sa disposition, est un mandat salarié ou gratuit. Ainsi, par exemple, le gérant d'une société qui a détourné frauduleusement au préjudice de cette société et appliqué à son profit les sommes qui lui avaient été remises pour en faire un emploi déterminé, comme le délit d'abus de confiance. Il en est ainsi des entrepreneurs ou des ouvriers qui détournent les marchandises ou toutes autres choses qui leur ont été remises pour être ouvragées ou perfectionnées. Tel serait encore le meunier qui, recevant des blés et s'obligeant à les rendre en farines, moyennant une somme stipulée pour le droit de la mouture, les aurait vendus.

Une addition faite par la loi du 13 mai 1863, a eu pour objet d'insérer parmi les contrats, dont cet article punit la violation, le nantissement et le prêt à usage. Aucune explication n'a été donnée à ce sujet. L'abus du nantissement, c'est le détournement par le créancier de la chose dont il est nanti. L'abus du prêt à usage, c'est le détournement par le débiteur de la chose prêtée. Seulement, comme il avait droit de se servir de cette chose qui peut être fongible, il sera difficile de déterminer où commence l'abus.

460. Le deuxième paragraphe de l'art. 408, qui correspond à l'art. 388, a eu pour objet de faire une circonstance aggravante du fait du travail habituel de l'agent dans la maison ou l'atelier du maître, au préjudice duquel l'abus a été commis. C'est une distinction entre le mandataire accidentel et le mandataire habituel fondée sur la confiance, volontaire ou forcée, qui est accordée à l'un -et à l'autre.

Ce paragraphe a été étendu par la loi du 13 mai 1863 de la manière suivante :

« Si l'abus de confiance prévu et puni par le précédent paragraphe a été commis par un officier public ou ministériel, ou par un domestique, homme de service à gages, élève, clerc, commis, ouvrier, compagnon ou apprenti, au préjudice de son maître, la peine sera celle de la réclusion. >>

L'art. 408 ne prononçait dans tous les cas qu'une peine correctionnelle. La loi du 28 avril 1832 aggrava cette peine et porta la réclusion au cas où le délit est commis par un homme de service à gages. La loi nouvelle a étendu cette aggravation au cas où il est commis par des officiers publics ou ministériels. Ainsi, lorsqu'un agent de change, un notaire, un avoué, dans les mains desquels les parties ont déposé les sommes destinées à payer un prix de vente, un achat de fonds publics ou des droits d'enregistrement, abuse de ce dépôt et emporte ou s'approprie les valeurs qui lui ont été confiées, ce détournement est un crime, parce que l'abus de confiance s'aggrave de la qualité du coupable et de la violation du mandat légal dont il était investi.

L'art. 408 ajoute enfin :

« Le tout sans préjudice de ce qui est dit aux art. 254, 255 et 256, relativement aux

soustractions et enlèvements de deniers, effets ou pièces, commis dans les dépôts publics.

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Nous avons expliqué (no 304 305 et 306), les cas où s'appliquent ces articles, et comment les délits qu'ils prévoient diffèrent de l'abus de confiance.

DE LA SOUSTRACTION DES PIÈCES PRODUITES DANS UNE CONTESTATION JUDICIAIRE. 461. Cette dernière espèce d'abus de confiance fait l'objet de l'art. 409 :

ART. 409. Quiconque, après avoir produit, dans une contestation judiciaire, quelque titre, pièce ou mémoire, l'aura soustrait, de quelque manière que ce soit, sera puni d'une amende de 25 à 300 fr. Cette peine sera prononcée par le tribunal saisi de la contes

tation. »

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Bien que la loi se serve ici du mot de soustraction, il ne s'agit point de la soustraction constitutive du vol, et ce qui le prouve, c'est qu'elle ajoute aussitôt de quelque manière que ce soit. L'article prévoit le cas où une partie produit une pièce à l'appui de la prétention qu'elle élève, et où, lorsque cette pièce est devenue l'un des éléments du procès, elle la fait disparaître, soit en prenant communication du dossier, soit par tout autre moyen. Elle abuse de la confiance que la loi a établie entre les parties en détournant un acte qui est devenu commun entre elles par son annexion à la procédure. Un point qui doit être remarqué, quoiqu'il ne touche que la compétence, c'est que la peine pécuniaire qui frappe cet acte de mauvaise foi est prononcée par le tribunal saisi de la contestation, quel qu'il soit. Le législateur a pensé avec raison que ce tribunal était le plus propre à apprécier la moralité d'une action qui n'était pas assez grave pour en faire l'objet d'un procès particulier.

CONTRAVENTIONS AUX RÈGLEMENTS SUR LES MAISONS DE JEU, LES LOTERIES ET LES MAISONS DE PRÊT SUR GAGES.

462. L'art. 475, no 5, punit d'une amende de police « ceux qui auront établi ou tenu dans les rues, chemins, places, ou lieux publics, des jeux de loteries ou d'autres jeux de hasard. » L'art. 310 s'applique aux établissements, non plus passagers, mais permanents.

ART. 410. Ceux qui auront tenu une maison de jeux de hasard et y auront admis le public, soit librement, soit sur la présentation des intéressés ou affiliés, les banquiers de cette maison, tous ceux qui auront établi ou tenu des loteries non autorisées par la loi, tous administrateurs, préposés ou agents de ces établissements, seront punis d'un emprisonnement de deux mois au moins et de six mois au plus, et d'une amende de 100 fr. à 6,000 fr. »

Le fait que prévoit cet article, c'est celui d'avoir tenu une maison de jeu, c'est d'avoir établi ou tenu des loteries. La loi suppose un établissement spécial, des agents, l'admission du public. Il ne faut pas confondre la publicité du lieu et l'admission du public. L'établissement peut être clandestin et rentrer dans les ermes de la loi, dès que des personnes étrangères à la spéculation y sont in

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