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la prestation de son serment, un discours que ce grand écrivain autoit lui-même approuvé, Le stile en est correct, les pensées en sont nobles, et la piété y respire ainsi que le patriotisme. Ce discours mérite, non seulement un éloge, mais un évêché.

PARIS. Les citoyens de la capitale, justement alarmés de la licence avec laquelle des maisons s'ouvrent de tous côtés aux jeux les plus ruineux, ont présenté à l'assemblée nationale une pétition éloquente, pour

arrêter ce désordre et fermer ces abîmes où vont s'engloutir les fortunes et les mœurs.

Des citoyens, inspirés par un zèle moins éclairé, sont allés eux-mêmes arrêter une diligence qui transportoit de l'argent destiné à un emploi utile. Ces indiscrets zélateurs n'ont pas réfléchi qu'ils violoient la liberté du commerce et la sûreté des transports; qu'ils nuisoient à la circulation du numéraire et des denrées; qu'ils occasionnoient peut-être la disette des villes et la banqueroute des marchands à qui cet or étoit adressé; qu'ils écartoient de nos demeures l'étranger et le voyageur; qu'ils augmentoient le nombre de nos émigrants en troublant ainsi l'usage libre des richesses: qu'ils imitoient les despotes qui avoient multiplié les entraves, les perquisitions, les péages, les vexations; que si chaque ville du royaume arrête ainsi l'argent, le blé, les marchandises, la France ressemblera bientôt à l'Arabie déserte où des voleurs attaquent les caravanes et dépouillent les passans. La municipalité a fait sentir et reconnoître aux coupables les conséquences funestes d'une arrestation illégale et arbitraire; les caisses d'argent ont été reportées à la diligence et renvoyées à leur destination; et le conseil général de la commune a invité un de ses membres les plus distingués à rédiger une adresse au peuple sur l'importance d'une circulation libre et sur le danger des empêchemens attentatoires au

commerce.

Le département de Paris est organisé. Les administrateurs ont tenu leurs premières séances. Ils vont s'oc‐ cuper, sans interruption, de tous les moyens propres à réparer les pertes immenses d'un peuple, le principal acteur de la révolution Françoise et qui a payé de sa fortune la liberté publique.

ANNÉE

DE LA

FEUILLE VILLAGEOISE.

VINGT-TROISIEME SEMAINE.

Jeudi 3 Mars 1791.

AVERTISSEMENT.

Nos souscripteurs nous adressent une foule de réflexions utiles. Qu'ils nous permettent de leur offrir plusieurs remarques justes et convenables.

Io. Leur confiance nous honore, mais leurs lettres, n'étant pas affranchies, nous ruinent, et désormais nous ne recevrons plus, à notre grand regret, que celles dont le port sera payé.

20. Plusieurs de ceux qui nous écrivent, signent simplement UN DE VOS ABONNÉS, ce qui sans doute est un titre à nos yeux, mais n'est pas un nom, et ce qui nous force à rejetter leurs lettres parmi les lettres anony

mes.

3°. Quelques bonnes ames, gardant l'incognito, nous envoyent des paquets d'injures qu'il nous est facile de souffrir pour la bonne cause, mais qu'il est dur pour nous de payer à la poste et à la haine.

4°. D'autres, incertains sur le sens de plusieurs décrets nous prient d'éclaircir promptement leurs doutes, ce qui souvent nous est impossible, puisque nous sommes obligés de consulter nous-mêmes, tantot plus d'une loi, tantôt plus d'un législateur.

5 Quelques-uns de nos correspondans nous communiquent des articles de littérature, des discours de paroisse, des mémoires d'administration qui ne sont pas trop étendus pour le public, mais qui le sont trop pour notre feuille.

6°. Un certain nombre d'abonnés continue à se plaindre de ne pas recevoir exactement les numéros, iúfidélité qui ne vient pas du libraire ni de la poste de Paris et à laquelle nous ne pouvons remédier que par le sacrifice et le renvoi des mêmes exemplaires.

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7°. De vigilans observateurs nous avertissent bout du royaume à l'autre, des fautes échappées à notre feuille. Nous les remercions de nous aider ainsi à corriger notre inadvertence, et nous effaçons les taches d'aussi bon cœur qu'on nous les montre.

8°. Des personnes qui lisent peu les papiers publics ou qui se défient de tout ce qu'ils lisent, nous demandent bonnement où nous prenons nos nouvelles. Assurément nous ne les inventons pas; mais, après avoir parcouru chaque semaine, et les journaux, et les sociétés, nous en rapportons les traits les plus intéressans et les anecdotes les plus instructives.

9°. Des gens timorés nous accusent de ne l'être pas assez pour les évêques. Nous sentens a merveille que nous ne devons pas imiter les évêques dans leur intolérance; mais lorsqu'ils essayent de porter la guerre dans l'Etat, le schisme dans l'église, et la terreur dans les hameaux, comment ne pas censurer des rébelles, comment ne pas démasquer des hypocrites? C'est avec une sainte indignation que nous attaquons les mauvais prélats; c'est avec une joie religieuse que nous exaltons les bons pas

teurs.

Enfin il est des gens difficiles, qui connoissant mai les véritables difficultés, voudroient dans nos instructions plus d'art et plus de naturel, plus de détails et plus d'ensemble, plus de variété et plus de suite. Mais nous travaillons à faire du bien et non à faire des miracles.

De plus, le rédacteur principal de la feuille, ayant préside, pendant un mois, l'assemblée électorale, il a été un peu distrait de son ouvrage favori. En quittant le fauteuil électoral, il remonte avec zèle dans la chaire villageoise.

On jugera de son travail par l'article qui suit. C'est le tableau de la Pologne tableau frappant par ses contrastes; tableau qui représente la liberté et l'esclavage, le luxe et l'indigence, les Tribuns de Rome, les Ilotes de Sparte, les Satrapes de l'Asie, les Nègres de P'Améri que car les Poloncis sont tout cela..

Suite de la Géographie universelle.

LA Pologne est un des états les plus anciens de

l'Europe, et qui mérite le mieux une description soignée. Ses habitans descendent dés Sarmates, peuple belliqueux, inconstant, et connu pour être la meilleure cavalerie du Nord. Voisins des Tartares, ils avoient autant de valeur, plus de génie et moins de grossièreté. Leur figure étoit aussi moins sauvage et plus brillante': et c'est pourquoi on les nommoit des Tartares emballis.

Cette nation sembloit destinée à devenir L conquérante et la législatrice du Nord. Mais le gouvernement féodal étouffa ses vertus et dénura son caractère. D'abord elle n'avoit point ds. Ensuite elle se donna des chefs sous le titre de ducs. Ensuite elle obeit à des généraux d'arme qu'elle appeloit Vaivodes. Ensuite elle se soit à des monarques héréditaires. Bientôt e ne voulut que des monarques électifs.. après

Pors elle forma une république, composée de trois ordres, ou plutôt de trois puissances, le roi, le sénat, l'ordre équestre. La majesté resta au roi. L'autorité passa au sénat. La liberté appartint à l'ordre équestre.

Ce qu'on appelle bassement les grands du royaume, furent les sénateurs - privilégiés, les administrateursaristocrates. L'ordre équestre comprit tout le reste de la noblesse; et c'est de son sein que l'on tire les nonces, c'est-à-dire ceux qui représentent l'ordre équestre dans les assemblées générales de la nation que l'on nomme dietes. Ces nonces ou ces députés de la noblesse, sont choisis dans des assemblées primaires, nommées diétines, et où les nobles seuls sont admis.

Rome ancienne avoit ses consuls, ses sénateurs, sés chevaliers, ses plébeyens. Ces derniers partagéoient la souveraineté avec le sénat et l'ordre équestre; et ils

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avoient pour s'expliquer et pour se défendre, deux tribuns qui proposoient des lois, nommées plébiscites, et qui pouvoient s'opposer aux décrets du sénat, avec deux mots, liberum veto, cé qui veut dire, au nom de la liberté, je m'oppose à la loi nouvelle.

Les nonces Polonois se regardent, non comme les tribuns du peuple, mais comme les tribuns de la noblesse, et à ce titre ils ont adopté l'usage du liberum veto; et avec cette formule toute - puissante, ils arrêtent, quand ils veulent, les délibérations d'une assemblée générale.

Pas un mot pour le peuple dans toute cette constituon aristocratique. Pas une place pour les plébeyens dans ces semblées législatives. On diroit que la nation entière consis dans les nobles et les patriciens. Quant aux cultivateurs, aisans, commerçans, gens de lettres, gens de loi, en un motus ceux qui travaillent, semblent n'exister que pour être bêtes de somme de la noblesse.

les

ils

obles:

Un pareil gouvernement est le comble de l'extravagance on voit bien qu'il a été fondé par ils ont porté l'usurpation et le ridicule aussi loin pouvoient aller : ils ont, avec cette arrogance qui permet de changer jusqu'à la nature des mots, appelé république, un empire où le peuple n'est rien, et royaume, un état où le monarque est bien peu de chose.

Depuis les derniers siècles, le trône a perdu le peu de force qui lui restoit. Comme la royauté polonoise étoit élective, à chaque élection d'un roi, les nobles qui avoient seuls le pouvoir de l'élire, ne manquoient pas de lui imposer les conditions les plus favorables pour eux. Ils gagnoient ainsi à tous les interrègnes.

Ils se présentoient alors pour disputer le sceptre ou pour le vendre au plus offrant. Leur ambition semoit la discorde, et leur vénalité recueilloit l'argent. Enfin par la manière dont ils exerçoient le magnifique privilège

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