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toire français]], ne peut exercer cette Puissance, soit sur les enfans qui lui naissent depuis, soit sur ceux dont la naissance a précédé sa condamnation. C'est ce qu'établit Justinien dans ses Institutes, liv. 1, tit. 12, §. 1.

Par la raison contraire, le §. 2 du même titre « décide que la rélégation, à laquelle nous avons assimilé le bannissement à temps, n'empêche pas le père qui y est condamné, d'avoir ses enfans sous sa Puissance. Et c'est ce qu'a jugé un arrêt que Brillon rapporte en ces termes, au mot Bannissement : « un » père ne perd point la Puissance pater» nelle par un bannissement hors du royaume » pendant neuf ans, et n'est point réputé >> mort civilement. Jugé en la chambre de » l'édit de Castres, le 1er avril 1633, au » procés du sieur de Pontac, trésorier gé »néral de France, contre le sieur de Marcel

» lus : l'aïeule maternelle, qui voulait agir » en qualité de tutrice et administratice, fut » déboutée ».

II. Il est de principe qu'on ne peut avoir ses enfans sous sa Puissance, lorsqu'on est soi-même assujéti à la Puissance d'un autre. Les lois 20 et 21, D. ad legem Juliam de adulteriis, sont formelles sur ce point : elles décident qu'un fils non émancipé ne peut pas tuer sa fille surprise en adultère, parcequ'étant lui-même sous la Puissance d'un père, il ne peut pas avoir sur elle un droit que la loi Julia fait absolument dépendre de la Puissance paternelle.

Aussi est-il universellement reconnu, dans les pays où le mariage n'émancipe pas, que le fils n'a, pendant la vie de son père, aucune autorité sur ses propres enfans. L'instant où il est emancipé, est le seul où il devient haLile à jouir de la Puissance paternelle : encore ne l'acquiert-il pas alors sur ceux de ses enfans dont la naissance est antérieure à son émancipation; car ils demeurent soumis à l'aïeul, à moins qu'il ne les émancipe luimême, ou qu'il ne meure.

La mort de l'aïeul ne rend pas même au fils tous les droits de la paternité : à la vérité, s'il n'a pas été émancipé auparavant, s'il a porté jusqu'à cette époque les liens dans lesquels la loi l'avait enchaîné en naissant, ses enfans retombent alors sous sa Puissance, et ne font, par ce moyen, que changer de maître. Mais si son émancipation a précédé la mort de son père, ceux de ses enfans que celui-ci a retenus toute sa vie sous sa Puissance, deviennent en ce moment libres et pères de famille.

Tout cela est nettement établi par la loi 5, D. de his qui sui vel alieni juri sunt, par la

loi 7, C. de patriá Potestate, et par le commencement du titre quibus modis jus patriæ Potestatis solvitur, aux Institutes.

[[ Aujourd'hui, le mariage émancipe dans toute la France; et par conséquent, dans toute la France, les enfans naissent toujours sous la Puissance de leur père, jamais sous celle de leur aïeul paternel. V. ci-après, sect. 6, S. 4. ]]

III. Les femmes ont-elles leurs enfans sous leur Puissance?

Non; ce droit a été réservé aux pères, parintroduit pour le maintien et la propagation ceque, dit le président Favre (1), il a été des familles, et qu'une femme est toujours

considérée comme la fin de la famille dont elle est sortie. Telle est, au reste, la décision expresse du §. 10, aux Institutes, de adoptionibus, de la loi 5, C. du même titre, et de la loi penultième, D. de agnoscendis liberis.

Ces deux derniers textes déclarent en même temps que l'aïeul maternel est, à cet égard, de la même condition que la mère. Comment, en effet, pourrait-il avoir, du chef de sa fille, plus de droit sur ses petits-enfans, que la fille elle-même n'en peut avoir en aucun cas? C'est, aux termes de la loi 6, D. de collatione, dans la personne du père ou de la mère qu'existe le lien qui unit l'aïeul au petit-fils; c'est donc par l'habileté ou l'incapacité du père et de la mère, qu'il faut en ce point mesurer les droits de l'aïeul, soit paternel, soit maternel.

Quoique la femme n'ait pas sur ses enfans la puissance civile dont nous parlons, elle ne laisse pas d'avoir le même droit à leurs égards et à leur respect que le père; on ne peut même lui refuser raisonnablement une certaine autorité sur eux, surtout lorsqu'ils sont mineurs : elle la tient, pour ainsi dire, des mains de la nature, et nos lois la lui confirment bien positivement, lorsqu'elles exigent son aveu pour le mariage de ses enfans. Catellan, liv. 4, chap. 8, s'exprime là-dessus d'une manière remarquable : « Les » droits du père sur ses enfans, si autorisés » parmi les Romains, comme établis par la » nature, sont parmi nous devenus bien plus »sacrés et plus respectables, comme établis » par Dieu même, dans le commandement si >> absolu qu'il nous a fait d'honorer nos pères, » et qui suit de si près et immédiatement » celui de l'honorer. Cette loi divine a fait

(1) Jurisprudencia Papinianea scientia, tit. 9, princip. 8

» passer jusqu'a la mère, l'autorité que le » père seul avait dans l'établissement de ses » enfans. Nous honorons et respectons éga»lement dans l'un et dans l'autre l'image et » l'ordre de Dieu; et, s'il m'est permis de » détourner en ce sens le sens profane d'un » poëte: Deus est in utroque parentum ».

C'est apparemment par cette considération que differens auteurs modernes enseignent que, parmi nous, la femme participe au droit et à l'exercice de la Puissance paternelle; assertion incontestable, en prenant ces mots dans le sens naturel qu'ils leur attribuent. Tel est, entre autres, Le Camus d'Honlouve, dans son Commentaire sur la coutume de Boullonais, tome 1, page 42 : « La Puissance » paternelle (dit-il) n'est pas, à beaucoup » près, aussi étendue en pays coutumier » qu'en pays de droit écrit; cependant, en » pays coutumier, elle a ses droits comme » ses obligations, et elle a lieu en faveur du » père comme de la mère ». Voet dit à peu près la même chose sur le Digeste, liv. 1, tit. 6, n° 3.

Les lois du Hainaut vont plus loin. En conservant à la Puissance paternelle la plupart des effets qu'elle produisait chez les Romains, elles la rendent absolument commune au père et à la mère, de manière cependant que le père l'exerce seul pendant sa vie, et que la mère ne commence à en jouir réellement qu'à l'instant où elle devient veuve. C'est ce que font clairement entendre les chartes générales, chap. 52, art. 8 et 5; et chap. 110, art. 1.

La coutume du chef-lieu de Mons, chap. 8, 9, 10 et 36, nous présente le même esprit.

Celle du chef-lieu de Valenciennes n'est pas moins expresse; elle porte, art. 26, que les enfans en la subjection de leur père ou mère, ne peuvent jouir et profiter des revenus de leurs biens, sans avoir été préala. blement et judiciairement mis hors ladite subjection et manbournie.

Il y a plus si la mère se remarie, elle transfère à son nouvel époux la Puissance qu'elle a sur ses enfans. La coutume du cheflieu de Mons nous en offre une preuve bien claire et bien précise dans la manière dont elle ordonne aux beaux-pères de procéder à l'émancipation des enfans de leurs femmes; car, nous l'avons déjà dit, l'émancipation présuppose nécessairement la Puissance paternelle. Or, on lit dans le chap. 6 de cette loi, « qu'un parátre ne peut les enfaus de sa femme >> mettre hors de pain, qu'ils ne soient ȧgés»... Le chap. 8 contient ces expressions non moins remarquables : « Quand pères et mères qu

» paratres mettent leurs enfans ou enfans » de leurs femmes hors de pain ».

Cette disposition, quelque éloignée qu'elle soit de l'esprit du droit commun, doit être étendue à tout le Hainaut, parcequ'elle est une suite nécessaire de celle qui met les enfans sous la Puissance de leur mère veuve : car celle-ci, en se remariant, tombe dans un état d'inertie; la loi la prive, en faveur de son mari, de l'exercice de tous ses droits actifs; et certainement on doit compter parmi ces droits, la Puissance qu'elle avait sur ses enfans. L'usage est d'ailleurs constant sur ce point: on en a produit un acte de notoriété pour la ville de Valenciennes, dans un procès qui a été jugé au parlement de Flandre, le 13 août 1739, entre le sieur Dubois d'Hâveluy et le procureur-syndic de l'échevinage

de Douai.

Mais la mort de la mère opère-t-elle la dissolution de la Puissance qu'elle avait transmise à son second mari?

On ne croit pas que l'affirmative soit sus. ceptible du moindre doute. C'est un principe avoué de tout le monde, et consacré par la loi 54, D. de regulis juris, qu'on ne peut pas transférer à un tiers plus de droit qu'on n'en a soi-même. Or, la Puissance qu'une mère a sur ses enfans, est certainement limitée à l'espace de sa vie; elle ne peut donc pas la transmettre à son second mari pour un plus long terme. D'ailleurs, à proprement parler, un beau-père n'a aucune Puissance sur les enfans de sa femme; il ne fait qu'exercer celle qui appartient à sa femme elle-même et l'exercice d'un droit quelconque ne peut pas durer plus long-temps que le droit même.

La coutume de Liége consacre, par une disposition expresse, tout ce que nous venons de dire par rapport au Hainaut. Voici comment est conçu l'art. 7 du chap. 1 de cette loi : « Les enfans de mariage légitime sont » en la Puissance de leur père, et, advenant » la mort d'icelui, tombent en la Puissance » et manbournie de leur mère; et si elle se >> remarie, deviennent en celle de leur parâ »tre, et peut le parátre administrer les biens » appartenans en plein droit à l'enfant mi» neur de sa femme, voire en donnant cau» tion de rendre compte de ce qu'il aura reçu, » et rem pupilli salvam fore; voire aussi que » la Puissance du parâtre cesse par la mort » de sa femme ».

La coutume de Gorze porte également, tit. 1, art. 13, que l'enfant de famille non marié est en la Puissance de son père ou mère

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rubr. 17, tumes de Bergues-Saint- Winock, art. 27; de Courtrai, rubr. 12, art. 9; de Bailleul, rubr. 11, art. 1; de Gand, rubr. 21, art. 1; d'Audenarde, rubr. 17, art. 1 et 2; d'Alost, rubr. 17, art. 19; de Teremonde, rubr. 13, art. 1; de Bouchante, rubr. 18, art. 1; d'Assenède, rubr. 14, art. 8. Toutes ces coutumes portent que « les enfans demeu>> rent en la Puissance de leurs père et mère», jusqu'à ce qu'ils soient émancipés par l'une des voies qu'elles indiquent.

[[Voici quelles sont là-dessus les disposi tions du Code civil.

« Art. 371. L'enfant, à tout age, doit hon neur et respect à ses père et mère.

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372. Il reste sous leur autorité, jusqu'à sa majorité ou son émancipation.

» 373. Le père seul exerce cette autorité durant le mariage ».

Mais une fois le mariage dissous, la Puissance paternelle se convertit de plein droit, pour la mère comme pour le père, en tutelle légitime; et la mère, en se remariant, ne transfère cette tutelle à son nouveau mari, qu'autant que le conseil de famille croit devoir la lui conserver à elle-même. V. l'article Tutelle.]]

IV. Une autre singularité que les lois du Hainaut présentent sur cette matière, est que les roturiers et les nouveaux nobles sont les seuls à qui elles accordent la Puissance paternelle. V. l'article Fourmorture, S. 4.

On sent combien cette jurisprudence est opposée aux idees les plus communes. Les exemples et les chartes que nous avons cités dans la section première, sont des preuves dans les autres pays, bien authentiques, que, on ne met aucune difference sur cette matière entre la noblesse et la roture. D'ailleurs les lois 6 et 7, D. de senatoribus, nous font voir qu'on ne pourrait effectivement en mettre une, sans heurter de front les principes de la jurisprudence romaine.

On a cependant prétendu assimiler sur ce point la coutume d'Angoumois aux chartes du Hainaut. Brodeau, dans ses notes sur cette loi municipale, fait mention d'un arrêt de 1612, qui avait confirmé cette opinion; mais, ajoute-t-il, « le contraire a été jugé par l'ar » rêt de Barraud, qui est postérieur, confor>mément à l'usance et à la pratique de la pro» vince, dont il y a eu acte de notoriété au » sujet du procès du sieur de Jarnac contre » ses sœurs du second lit ».

L'erreur adoptée par l'arrêt de 1612, avait sa source dans le texte même de la coutume. L'art, 120 porte que, « si le fils d'aucun ro

» turier marié demeuré en son ménage, hors
» l'hôtel et domicile de son père par an et
» jour entiers, il est, eo ipso, émancipé et
» réputé personne usant de ses droits ». Mais
il ne faut point conclure de ce texte, que les
roturiers soient seuls soumis à la Puissance
paternelle; on ne doit lire dans la coutume
que ce qui y est écrit ; et l'article cite porte
seulement que le fils de famille roturier peut
être émancipé par le mariage suivi d'une
habitation séparée pendant un jour; ainsi,
l'on inférera bien de là, que l'émancipation
tacite n'a point lieu à l'égard des nobles, et
que la coutume d'Angoumois est, à cet égard,
conforme à celle de Poitou; mais on ne dira
point pour cela que la Puissance paternelle
n'y étend pas son empire sur les nobles.
V. Vigier sur les art. 48, 120 et 121 de cette

coutume.

V. Pour qu'il y ait lieu à la Puissance paternelle, il ne suffit pas que le père soit habile à l'exercer : il faut encore qu'il n'y ait rien dans le fils qui résiste à l'imposition de ce joug.

Il n'y a que deux qualités qui pourraient produire cet effet dans sa personne : celle de mort civilement, et celle de batard.

La raison qui, dans un père, exige la vie civile comme une condition sans laquelle il ne peut avoir la Puissance paternelle, la necessite également dans le fils pour l'assujetir à ce droit. Aussi voyons-nous la loi 19, §. 11, D. de captivis et postliminio reversis, déclarer la Puissance paternelle résolue, ou plutôt tenue en suspens, par la mort civile qu'encouraient, chez les Romains, les fils de famille pris à la guerre et tenus en captivité par les ennemis de l'Etat.

Quant à la qualité de bâtard, elle forme (tant qu'elle subsiste et n'est pas effacée par la légitimation) un obstacle insurmontable à l'assujétissement du fils à la Puissance paternelle. C'est la disposition textuelle des Institutes de Justinien, liv. 1, tit. 9, S. 7, et tit. 10, S. 12; de la loi 11, D. de his qui sui vel alieni juris sunt; et de la loi 45, D. de adoptionibus.

Il semblerait qu'il en dût être autrement en Hainaut par rapport à la mère : cela paraît même d'autant plus conforme à l'esprit des lois de cette province, que deux de ses coutumes particulières, Valenciennes et Lessines, établissent un droit de successibilité réciproque entre la mère et ses enfans naturels. Cependant on trouve dans les chartes générales, une disposition qui ne laisse, à cet égard, aucune différence entre le droit

commun et la jurisprudence de ce pays. Voici ce qu'elles portent, chap. 126, art. 14 : « Un ■ batard est entendu hors de pain, dès-lors qu'il est né ». Il n'y a là, comme on le voit, aucune distinction entre la mère et le père. Il est d'ailleurs constant qu'en Hainaut, le mot pain signifie la même chose que Puissance; c'est l'effet le plus commun employé pour désigner la cause.

[[ V. l'art. 383 du Code civil, rapporté ciaprès, sect. 3, §. 1. ]]

SECTION III. Des effets personnels que produit la Puissance paternelle. J'entends par effets personnels de la Puissance paternelle, ceux qui se rapportent directement à la personne, soit du père, soit du fils, et qui, ou n'ont aucune espèce de relation avec les biens de l'un et de l'autre, ou n'en ont qu'une indirecte et dépendante de la condition des personnes.

Pour les exposer dans tout leur jour, on divisera cette section en six paragraphe : Le premier concernera le droit de correction qu'a le père sur son fils.

On examinera, dans les deux suivans, si le père est responsable des délits que son fils peut commettre;

S'il est tenu de ses dettes, et s'il peut exercer les actions personnelles qui lui appartiennent.

On s'occupera, dans le quatrième, de la question de savoir quelle est, dans les pays de droit écrit, l'influence de la Puissance paternelle sur la capacité d'état du fils par rapport aux actes de la vie civile.

Le cinquième roulera sur la même question, mais relativement aux pays coutumiers.

[[ On exposera dans le sixième, quel est, sur ces deux derniers points, l'état actuel de la législation française. ]]

S. I. Droit de correction du père sur le fils.

I. On a vu, plus haut, sect. I, que les pères ont eu long-temps à Rome plein droit de vie et de mort sur leurs enfans. Ce droit odieux, et bien digne de la férocité de ses auteurs, a été remplacé par un autre plus favorable et plus analogue au vœu de la nature, celui de correction: on en a déjà parlé sous ce mot; nous ne ferons ici qu'ajouter quelques décisions particulières et détachées, qui le concernent.

On trouve dans le recueil de Boniface, tome 4, liv. 9, tit. 4, chap. 5, un arrêt du 16 décembre 1669, par lequel, sur la question

de savoir si un père, traitant mal sa fille, doit être déclaré indigne de la Puissance paternelle, et si l'aïeul maternel doit, en ce cas, avoir la conduite de l'enfant; le parlement de Provence ordonna, avant faire droit, que l'aïeul maternel ferait preuve des mauvais traitemens exercés par le père envers fille, en la chassant de sa maison, lui refusant des alimens, et la faisant coucher nue dans une écurie.

sa

Il a été rendu, de nos jours, un arrêt semblable au même parlement.

Marguerite Caillot se plaignait de mauvais traitemens exercés sur elle par son père et sa belle-mère, et elle demandait que le premier fût condamné à lui payer une pension alimentaire de 600 livres, qui la mít en état de vivre hors de la maison paternelle. Le père niait les mauvais traitemens, et soutenait que la preuve n'en était point admissible, tant parcequ'ils étaient d'une atrocité qui les rendait invraisemblables, que parcequ'il n'en existait aucun commencement de preuve par écrit. Il faisait d'ailleurs valoir le danger de l'indépendance des enfans, surtout dans la classe laborieuse du peuple; et il semblait aller jusqu'à prétendre que le juge ne devait mettre aucune borne au droit de correction parternelle.

Là dessus, M. l'avocat général de Calissane a dit :

«S'il faut prendre garde de détruire l'autorité paternelle, il faut prendre garde aussi d'établir la tyrannie.

» Il n'est pas à craindre que les enfans protégés contre leurs pères, deviennent indépendans.

» Le plus souvent ils ne connaissent pas seulement leurs protecteurs ni les lois qu'ils doivent invoquer.

» Leur timidité, leur faiblesse, sont de sûrs garans de leur obéissance.

» n'y a aucun excès de dépravation à appréhender de la part de jeunes cœurs si fidèles encore aux impressions de la nature.

» L'éducation de la classe indigente du peuple n'est pas plus éloignée de la sensibilité.

» L'indigence connaît également l'indépendance de l'amour-propre.

> En vain dirait-on que les châtimens sont nécessaires pour élever cette classe de citoyens, qui ne laisse à l'éducation d'autre ressource que celle des coups.

» Il est certain, au contraire, que l'indigence est l'état le plus rapproché de la nature;

» Qu'on y trouve plus de pudeur, plus

même de ces préjugés sublimes qui sont la sauve-garde des mœurs et des vertus;

» Que les mariages y sont plus chastes, les familles plus unies, les liens du sang plus révérés, la nature plus écoutée, le tendre nom de père plus doux à prononcer;

» Que ce nom y porte dans l'âme des enfans l'idée du respect, jointe à celle de la reconnaissance, surtout lorsqu'ils mangent un pain qu'ils voient arrosé des sueurs de leur père et souvent de ses larmes ».

Après ces observations, M. l'avocat général a examiné si les faits imputés à Caillot père, excédaient les bornes de la correction paternelle :

« Les lois (a-t-il dit) ont tracé aux pères la route qu'ils ont à suivre en corrigeant leurs enfans: s'en écarter, c'est abuser de l'autorité paternelle. Il est certain que, pour autoriser la réclamation de l'enfant contre le

père, et de la femme contre le mari, il ne faut pas des faits qui constatent le danger immi. nent de la vie. Decormis dit que de la femme au mari, la séparation a lieu, dès la première plainte, quand les mauvais traitemens ont été fort graves.

» Et observons qu'en fait de sévices, le père est moins excusable que le mari. Mille circonstances peuvent concourir à troubler la raison de celui-ci; tout doit, au contraire, enchaîner la colère de celui-là. Des soupçons, quoiqu'injustes, l'ivresse d'une passion trompée ou irritée, la jalousie, cette furie domestique qui se nourrit de probabilités et d'alarmes, tout excuse, en quelque sorte, le mari coupable. Mais rien n'allume le sang d'un père contre son fils; la faiblesse, les pleurs de l'enfant, ses caresses, qui deviennent ses seules armes, le nom de père répété d'une voix plus tendre et plus émue, tout se réunit pour l'attendrir. Le mari furieux peut n'être que malheureux; le père cruel est toujours coupable ».

M. l'avocat général a ensuite discuté chacun des faits articules par Marguerite Caillot; et après en avoir démontré la gravité, après avoir établi qu'ils suffisaient pour autoriser la réclamation de celle-ci, il a ajouté qu'à la vérité, elle n'en rapportait aucun commencement de preuve par écrit, mais qu'exiger une preuve écrite en pareil cas, c'était demander l'impossible; qu'au surplus, il était ridicule d'argumenter de leur atrocité, pour soutenir que la preuve en était inadmissible; que refuser la preuve de faits qui ne sont invraisemblables que parcequ'ils sont atroces, ce serait autoriser l'excès de la barbarie la plus tyrannique, et vouloir que l'invraisem TOME XXVI.

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Dufail, liv. 2, chap. 93, nous retrace un arrêt du parlement de Bretagne, rendu sur une contestation semblable, le 26 avril 1559.

Jeanne Lante avait été battue par son père à l'occasion du nommé Daniel. Sur les plaintes qu'elle porta en justice, le juge des lieux l'admit à en faire preuve; et la preuve faite, l'autorisa à se séquester. Appel de la part du père, et arrêt, en conséquence, qui mit les parties hors de cour, ordonna néanmoins que la fille serait tenue de rentrer dans la maison

paternelle, moyennant la caution d'y être bien traitée, et fit defense au père de ne plus sévir sur elle de cette manière, à peine de 500 livres d'amende et de prison.

Graverol, sur la Roche-Flavin, liv. 3, tit. 5, au mot Serviteur, après avoir remarqué que les maîtres ne doivent pas battre leurs domes. tiques, ajoute :

« Quoique les enfans soient sous la puissance de leur père, ils peuvent s'en tirer quand ils en sont extrêmement maltraités, surtout quand c'est à cause d'une marâtre que leur père leur a donnée par un second mariage. C'est précisément l'espèce d'un arrêt d'audience, donné à la grand'chambre du parlement de Toulouse, le dernier janvier 1675, contre le nomme Rége, procureur des gabelles, aux enfans duquel, agés d'environ vingt ans, il fut permis de se séparer de lui, et de se mettre entre les mains d'un oncle paternel; leur père fut condamné à leur fournir annucllement à chacun 100 livres de pension pour leur nourriture.

« Cet arrêt est d'autant plus singulier, qu'il n'eut pour motif que les mauvais traitemens que ses enfans soutenaient qu'ils souffraient de leur marâtre, sans les justifier autrement que par ce qu'en dit leur oncle, qui était présent à l'audience »..

Brillon, au mot Débauche, nous présente ainsi l'espèce d'un arrêt du parlement de Paris, du 25 mai 1680 :

« Un père avait fait enfermer son fils dans les prisons de Conflans-Sainte-Honorine, par forme de correction; ce fils, après y avoir

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