et de Revigny, elle s'exposait à y rencontrer les forces Sept. 1792. réunies de Dumouriez et de Kellermann. Le 8 septembre, le quartier général de l'ennemi était à Raucourt, non loin de Sedan, et l'armée prussienne occupait la plaine depuis Briquenay et Buzancy jusqu'à Clermont en Argonne. Dès le lendemain, l'attaque commença sur tout le front des avant-postes; mais partout l'ennemi fut repoussé. Le 10, le général Miranda, aventurier péruvien alors au service de la France, contint les Prussiens qui avaient essayé de le forcer au village de Mortaume; le même jour, l'ennemi attaqua sans succès le général Stengel, au poste de Saint-Jouvin. Dans ces attaques, Dumouriez faisait descendre de son camp des pièces de canon et des bataillons, qui, sans être aperçus de l'ennemi, se portaient sur tous les points menacés. Les Prussiens, ayant donc toujours en tête un front de cinq à six mille hommes, et ne pouvant en déployer davantage, se faisaient une idée très-exagérée des forces de l'armée française. Cependant Dumouriez était chaque jour contrarié dans ses plans par ses lieutenants et par le ministre de la guerre; il lui fallait beaucoup d'énergie pour imposer silence aux généraux et aux officiers, qui, las de subir de grandes privations, insistaient auprès de lui pour qu'on se repliât derrière la Marne. Quant au ministre, il adressait chaque jour au général l'ordre d'abandonner ses positions de l'Argonne, et ne faisait en cela que se rendre l'organe des idées et des craintes de Luckner, qu'on avait appelé à Paris autant pour lui demander conseil que pour lui retirer, sans affront, un commandement à la hauteur duquel ses talents ne Sept. 1792. l'avaient point élevé. Dumouriez, pénétré de la sagesse de ses propres combinaisons, résistait à ses lieutenants et aux ministres, regrettant, a-t-il dit lui-même, de ne pouvoir crier aux Français, comme Phocion aux Athéniens : « Vous êtes bien heureux d'avoir un capitaine qui vous connaît! sans cela vous seriez perdus. >> Cependant, malgré les échecs qu'il avait subis, et à cause d'eux peut-être, l'ennemi avait réussi à réunir toutes ses divisions dans l'ordre suivant : le général Clairfayt était devant la clairière de la Croix-aux-Bois; le roi de Prusse menaçait Grand-Pré; le prince de Hohenlohe, stationné devant les Islettes, occupait Varennes et Clermont. L'ennemi parut disposé à ne point attaquer du côté du Chêne-Populeux, ce qui permit à Dumouriez de dégarnir en partie ce poste. Par malheur, il s'entendait assez mal avec son collègue Kellermann, celui-ci voulant opérer sa jonction et livrer baLaille; l'autre aimant mieux temporiser, et attendre de la mauvaise saison, des fatigues, de la disette et de la dyssenterie, la destruction de l'armée ennemie, tenue en échec le long de l'Argonne. On était au 13 septembre; les pluies rendaient les chemins difficiles; les Prussiens, après avoir consommé les vivres qu'ils avaient trouvés dans Longwy et Verdun, se voyaient obligés de tirer du pays de Trèves et de Luxembourg leur subsistance; les garnisons françaises allaient être en mesure d'intercepter les convois; Beurnonville était attendu à Rethel le 14; Kellermann devait être à Bar le 18, au plus tard; la situation de l'armée d'invasion était donc fort périlleuse, lorsque tout fut compromis par la faute qu'avait faite Dumouriez en négligeant de fortifier convenablement le passage de la Croix-aux- Sept. 1792. Bois. L'ennemi force le pas sage de la Croix-aux- L'officier chargé de défendre ce poste avait omis de prendre les mesures de précaution usitées à la guerre, et s'était borné à quelques abattis de peu d'importance; le général Clairfayt, instruit par ses espions de cette négligence grave, donna l'ordre au prince Charles de Ligne d'attaquer la Croix-aux-Bois et de s'en rendre maître. Ce défilé n'était guère gardé que par une cenlaine d'hommes, qui, débordés de toutes parts, prirent la fuite au travers des bois, et se réfugièrent dans le camp de Dumouriez. Averti par leur présence de ce qui se passait, Dumouriez donna l'ordre au général Chazot de se porter en avant et de reprendre la position dont les Autrichiens s'étaient emparés. Elle fut enlevée le 15, après un engagement très-vif; mais, les Français n'ayant point mis cet avantage à profit pour fortifier le passage, l'ennemi revint à la charge avec des forces plus considérables, et le corps de Chazot fut rejeté sur Vouziers, en pleine déroute. Le même jour, les émigrés forcèrent le passage du Chêne-Populeux, que le géné- Les émigrés ral Dubouquet, chargé de leur tenir tête, avait cru devoir abandonner, en apprenant la défaite de Chazot à la Croix-aux-Bois. Ainsi, par l'effet de ces échecs successifs, Dumouriez se trouvait n'avoir plus sous ses ordres que quinze mille hommes placés entre l'armée prussienne, forte de quarante mille hommes, et les vingtcinq mille Autrichiens commandés par le général Clairfayt, de plus, l'ennemi avait traversé par deux points la forêt de l'Argonne. Le danger était grand; mais Dumouriez sut conser forcent le passage du Chêne-Popu leux. Sept. 1792. ver les apparences du calme et de la confiance. Sans hésiter, il envoya à Beurnonville l'ordre de partir à l'instant de Rethel, de côtoyer l'Aisne jusqu'à Attigny, et de se diriger sur Sainte-Menehould pour opérer sa jonction; il manda, en même temps, à Kellermann de presser sa marche par Bar et Revigny, et de se diriger à son tour sur Sainte-Menehould; enfin, il prescrivit à Dillon de tenir avec plus de vigueur que jamais les débouchés des Islettes et de la Chalade, prenant, en outre, toutes les mesures propres à accroître le nombre de ses troupes et à multiplier les points de résistance. L'ennemi, toujours incertain dans ses manœuvres et timide dans ses moindres mouvements, lui laissait vingt-quatre heures pour s'arranger; et, pour un homme tel que Dumouriez, les heures étaient des années. La pluie et les boues lui servaient d'ailleurs d'auxiliaires. Le prince de Hohenlohe lui ayant fait demander une entrevue, il y envoya le général Duval, vieux militaire à cheveux blanchis, à démarche noble. Tout se passa en politesses réciproques; mais le prince allemand ne cacha pas sa surprise de voir la tenue digne et vraiment martiale des troupes françaises; les émigrés avaient annoncé que les défenseurs de la révolution n'étaient qu'un ramas d'ouvriers tailleurs et de cordonniers, et l'ennemi les voyait transformés en soldats. A la faveur de la nuit, Dumouriez commença à battre en retraite : ce mouvement s'opéra sans obstacle de la part de l'ennemi; mais, plusieurs cris de Sauve qui peut! ayant affaibli le moral de la troupe, il y eut des tentatives de fuite et de désertion. Voici dans quels termes Dumou abandonne riez rendit compte de cet événement à l'assemblée na- Sept. 1792. tionale : « J'ai été obligé d'abandonner le camp de Dumouriez Grand-Pré; la retraite était faite, lorsqu'une terreur son camp de <«< panique s'est mise dans l'armée. Dix mille hommes et commence <«< ont fui devant quinze cents hussards prussiens. La perte ne monte pas à plus de cinquante hommes et quelques bagages. Tout est réparé, et je réponds de <<< tout. >> de Grand-Pré, une retraite habile. du corps de Kellermann Dumouriez, qui s'était montré sévère envers les fuyards, les frappant à coups de sabre et leur infligeant des punitions déshonorantes, prit avec ses soldats, lorsqu'ils eurent atteint Sainte-Menehould, le ton d'un père qui pardonne une faute, et qui, par une généreuse indulgence, se concilie de plus en plus les cœurs. En même temps, il fortifia avec soin ses nouvelles positions. Kellermann, en apprenant la retraite de Dumouriez, Mouvements s'était replié sur Vitry, au lieu de se porter au lieu indiqué pour la concentration des troupes; Beurnonville, quoique mieux informé par Macdonald, alors aide de camp Dumouriez, se dirigea sur Auve, pour se tenir à portée de gagner Châlons ou Sainte-Menehould, selon la position que le général en chef aurait prise. Trompé par de faux avis, il se replia sur Châlons, où d'autres troupes s'étaient aussi retirées. Il s'y trouvait entre autres huit ou dix bataillons de volontaires et de fédérés, qui, à l'arrivée des fuyards, au lieu de les arrêter, s'étaient mis à piller les magasins; ils avaient ensuite repris le chemin de Paris en commettant les plus grands excès et en publiant que Dumouriez avait vendu la patrie. Ces hordes, indignes du nom français, étaient en horreur à l'armée régulière. |