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5576.4. A

Harvard College Library, 22 May, 1890:

From the Library of

PROF. EW. GURNEY.

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Une révolution faite au nom du droit de réunion, un gouvernement qui invoquait pour unique raison d'existence la volonté du peuple ne pouvaient ni limiter ni entraver aucun des modes d'expression de l'opinion populaire. Les organisateurs des banquets, les rédacteurs du National et de la Réforme étaient engagés d'honneur et contraints par la nécessité politique à reconnaître la liberté absolue de la presse et de l'association. C'est ce que fit le gouvernement provisoire en abrogeant les lois de septembre 1835, en abolissant l'impôt du timbre sur les écrits périodiques, le cautionnement des journaux, en laissant enfin s'ouvrir des clubs dans Paris et dans toutes les villes de France. En même temps, il ordonnait la mise en liberté des détenus politiques et rendait ainsi à l'agitation de la place publique des noms connus, des hommes considérés

par le peuple comme les martyrs de sa cause, autour desquels allaient se grouper et s'organiser les forces révolutionnaires qui, ne se sentant pas suffisamment représentées au pouvoir, aspiraient à s'en emparer à leur tour.

L'origine des clubs, le mot l'indique assez, est anglaise. Le nom de club (massue) fut pris, au temps de la lutte des têtes rondes et des cavaliers, par les premières assemblées populaires qui se formèrent dans le but de terrasser la monarchie. Plus tard, en changeant d'acception, le mot passa dans le vocabulaire de la royauté représentative. L'engouement de la noblesse française pour les modes britanniques et l'admiration de nos hommes d'État pour les mœurs politiques de l'Angleterre préparèrent l'introduction des clubs en France.

Plusieurs clubs se formèrent spontanément à Versailles, en 1789, autour de l'Assemblée nationale1 et la suivirent quand elle vint s'établir à Paris. Là, au sein d'une population effervescente, les clubs crurent rapidement en nombre et en force; ils rivalisèrent bientôt d'influence avec l'Assemblée et finirent, en se propageant sur tout le territoire, par s'emparer presque absolument de la direction des affaires. Leur influence expira, comme on sait, le 9 thermidor avec la domination des jacobins qui leur avaient donné une organisation formidable 2.

Il serait hors de propos d'examiner ici leur action dans ses détails; il convient seulement de remarquer que les clubs contribuèrent puissamment à répandre dans les masses cette opinion funeste, beaucoup trop ac

1 Le premier club avait été ouvert à Paris, par le conseiller Duport, dans sa maison au Marais. Il était composé de parlementaires. Il se transporta à Versailles à l'ouverture de l'Assemblée et prit le nom de Club breton. Revenu à Paris, il s'établit dans l'ancien couvent des Jacobins où il changea complétement de caractère et de tendances, sous l'influence de Danton et de Camille Desmoulins.

2 Il y eut, pendant le cours de la Révolution, jusqu'à 2,400 sociétés jacobines qui formèrent un gouvernement véritable, rendant des décrets, prononçant des jugements, etc.

créditée encore dans certains esprits, que la liberté se peut fonder par le despotisme et que la compression violente des adversaires de la révolution est une œuvre de raison politique. Le nouvel essai tenté pendant les trois premiers mois de la révolution de Février ne montre pas l'influence des clubs beaucoup plus favorable au progrès des idées, et l'organisation des réunions populaires demeure encore aujourd'hui, après ces expériences réitérées, une des difficultés les plus considérables de l'établissement républicain1.

Le gouvernement provisoire avait conscience de ces dangers, mais il pensa que, manquant du temps nécessaire pour préparer une sérieuse et utile organisation des clubs, il agirait néanmoins sagement en favorisant leur propagation, afin que, par leur nombre et leur diversité même, toute action commune leur devint impossible. En conséquence, le maire de Paris mit à la disposition des réunions popu laires des salles convenables dans les édifices publics 2, et chacun des membres du conseil s'occupa d'avoir dans les clubs ses agents particuliers chargés de détourner les discussions dangereuses, de distraire, en les flattant, les passions révolutionnaires, de semer la division entre les meneurs de la place publique et surtout d'avertir à temps le conseil des entreprises concertées contre l'Hôtel de Ville.

J'ai raconté comment s'improvisa, le 25 février au soir, autour de M. Blanqui, le premier club. Le lendemain, M. Xavier Durrieu, rédacteur en chef du Courrier français, pu

1 << Rien n'est plus mal combiné, dit madame de Staël (Considérations sur la Révolution française), dans un temps où les esprits sont agités, que ces réunions d'hommes dont les fonctions se bornent à parler; on excite ainsi d'autant plus l'opinion qu'on ne lui donne point d'issue. » C'était aussi l'opinion de Carnot, « d'accord avec Rousseau dans la pensée que les clubs agitent plus qu'ils n'éclairent.» (Mémoires, t. I, 1e partie.)

Le 14 mai suivant, les établissements de l'État furent fermés aux clubs.

bliait une note par laquelle il invitait à se constituer en association et à s'entendre dans un but commun tous les hommes d'intelligence et de dévouement consacrés par dixsept années de lutte contre la tyrannie. Un grand nombre d'écrivains de nuances diverses répondirent à cet appel. On vit à la réunion préparatoire de la société, qui prit le nom de Société centrale républicaine, MM. Vidal et Toussenel, économistes de l'école socialiste, M.Renouvier, M.Thoré, publiciste, ami de M. Barbès, M. Lachambeaudie, fabuliste populaire, ancien saint-simonien, etc. Mais beaucoup, soit qu'ils devinassent aussitôt que l'organisation de la Société centrale avait, sous une apparence de libre discussion, un dessein secret et qu'elle subissait déjà la loi d'un homme, soit par d'autres motifs particuliers, ne suivirent point M. Blanqui quand celui-ci transporta les séances dans la salle du Conservatoire de musique; ils rejoignirent M. Barbès qui, de son côté, ouvrait au Palais national le club de la Révolution.

La Société centrale, appelée bientôt, du nom de celui qui en était l'âme, le club Blanqui, devint ainsi la réunion à peu près exclusive des communistes matérialistes. Présidé par Blanqui, ou quand l'épuisement de ses forces le retenait chez lui, par l'un ou l'autre de ses plus fanatiques adeptes, le docteur Lacambre ou le cuisinier Flotte, ce club attira une affluence considérable, non-seulement de prolétaires, mais aussi de bourgeois, curieux de voir de près l'homme qui passait pour le plus terrible des révolutionnaires et flattés dans leurs secrets penchants par les critiques acerbes qui se faisaient là de toutes les personnes et de tous les actes du gouvernement provisoire.

La société parisienne, après le premier moment de consternation, trop troublée encore pour reprendre ses réunions et ses plaisirs accoutumés, mais trop avide de distraction pour rester chez elle, courait de club en club et se donnait, comme elle l'eût fait à un spectacle mélodramatique, une excitation de nerfs qui la tirait de son abatte

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