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Toutefois les bourgeois de naissance ou d'admission jouissaient d'avantages qui n'étaient pas communs aux habitants. Ceux-ci ne pouvaient entrer dans un métier organisé, ils ne pouvaient également pas exercer les industries nommées industrie de bourgeois; et cette réserve était fondée sur ce que, suivant l'ordonnance de 1421, les métiers avaient le droit d'entrer pour une partie dans l'exercice de l'autorité communale, ce qui ne pouvait pas appartenir aux simples habitants non bourgeois. Mais pour l'appréciation du caractère politique du régime communal dans les grandes villes des Pays-Bas, nous croyons utile de donner une analyse des éléments qui le composaient dans la commune que les actes de Charles-Quint et de Philippe II ont rendue la plus importante.

A l'exception de quelques sujets particuliers, les magistrats, suivant leur titre, étaient législateurs, administrateurs, chefs militaires de la commune, répartiteurs des impôts et juges au civil et au criminel.

A ce que nous avons dit sur la qualité de bourgeois de Bruxelles, il faut ajouter qu'elle entraînait la naturalisation brabançonne. Des châtelains ou vicomtes, chargés dans le principe de la garde de Bruxelles, perdirent peu à peu les prérogatives dont ils avaient joui. L'amman était nommé par le prince, qui le révoquait à sa volonté; dans le principe il était chef de la justice dans la ville et dans l'ammanie, partie de territoire divisée en huit chefs-mairies, mais peu à peu

sa juridiction se borna à Bruxelles et la banlieue. L'amman ne recevait d'ordre que du prince ou du gouverneur général, il était le conservateur des droits du prince, aucune ordonnance ne pouvait être exécutée sans son adhésion; il avait la mission de s'opposer à toute décision du magistrat contraire aux lois, à l'autorité du prince ou au bien public.

il

Il présidait le magistrat comme représentant direct du prince, dont il faisait exécuter les décrets, ainsi que les ordonnances de l'administration locale ; jouissait encore d'autres prérogatives assez importantes, telles que l'admission à la bourgeoisie, la collation de l'autorité de la tutèle, l'émancipation, etc. L'amman devait être né Brabançon, issu d'un mariage légitime, et jurer en conseil de Brabant, entre les mains du chancelier, d'observer les lois existantes, la Joyeuse Entrée, et de conserver intacts les droits et les priviléges du duché et de la ville.

Ici l'histoire nous conduit à faire une observation que nous croyons assez importante, et qui nous montre la nature et l'esprit quelquefois d'antagonisme des institutions communales dans l'ancienne Belgique. L'autorité des échevins avait successivement pris un accroissement considérable, qu'arrêtait, non sans peine, l'influence de l'amman; les ducs, croyant lui donner une force nouvelle, le choisirent habituellement dans gens des lignages, mais ceux-ci abusèrent à leur tour de cette préférence par des prétentions démesu

les

rées, les nations leur firent une vive opposition et alors arriva l'espèce de révolution de 1421, dont nous avons signalé un des principaux résultats. Les ducs crurent prudent et possible de donner un nouveau lustre et une nouvelle force à la dignité de l'amman en le choisissant dans la haute noblesse; mais ils ne parvinrent qu'à donner une nouvelle force à l'opposition, puisqu'alors les lignages humiliés se joignirent aux nations et, par un intérêt qu'on peut juger différent, secondèrent leur résistance. Ainsi nous voyons dans ces conflits de l'inégalité politique des classes, d'abord la démocratie en guerre contre le patriciat, puis celui-ci se réunir à l'élément démocratique pour combattre la haute noblesse et la supériorité de ses priviléges; luttes presque toujours inévitables quand la classification, amenant l'inégalité dans l'existence politique, donne aux uns le privilége de l'autorité, aux autres la nécessité de la soumission. La création des bourgmestres et l'organisation de la magistrature aux termes de l'acte de 1421, vint encore amoindrir le pouvoir de l'amman qui ne conserva guère que stérile honneur de la représentation.

le

Un lieutenant-amman remplaçait au besoin l'amman ou le secondait; d'abord son subordonné, il s'affranchit de cette position subalterne; mais l'autorité principale étant amoindrie, l'accessoire suivit nécessairement dans la même décadence.

La magistrature communale était divisée en trois

parties auxquelles on donnait le nom de membres.

Le premier membre: magistrat ou college, constituait le pouvoir exécutif de la commune; l'amman en faisait partie, remplacé en cas d'empêchement par son lieutenant.

La composition du collége était mixte.

D'un côté un bourgmestre, sept échevins, deux receveurs patriciens nommés par le prince, ou en son absence par le gouverneur général, sur une liste de vingt et un candidats dressée par les lignages.

D'autre part, un bourgmestre, six échevins, deux receveurs plébéiens nommés par leurs pairs.

Je crois pouvoir passer sous silence quelques modifications introduites aux 16 et 17° siècles, pour ne pas entrer dans des détails qui n'ont qu'un rapport assez éloigné avec mon sujet.

Le deuxième membre s'appelait le large conseil pour le distinguer du premier membre, qualifié aussi de conseil intime depuis 1700. Il était composé de vingt-quatre membres douze patriciens et douze plébéiens. Ce conseil ne connaissait que des objets que lui soumettait le magistrat; s'il se plaignait de griefs ou s'il avait des demandes à présenter, il devait les exposer au magistrat et s'il n'y était pas fait droit il recourait au chancelier de Brabant.

Le large conseil délibérait et décidait à la majorité des membres présents.

Le troisième membre se formait des doyens de mé

tier en exercice et d'anciens doyens dont le nombre fut successivement réglé par diverses ordon

nances.

Quand les bonnes gens des neuf nations étaient réunies le magistrat se rendait dans la salle de leurs séances, le pensionnaire (avocat de la ville) exposait l'affaire dont il était question. Les résolutions étaient prises à la majorité des membres présents. Si la résolution était négative, on les assemblait de nouveau jusqu'à ce qu'on eût obtenu leur assentiment ou perdu tout espoir de l'obtenir.

Le vote de chacun des membres était subordonné à la condition « que les autres membres suivissent et autrement pas. » Pour former le consentement de la commune, il fallait celui des deux premiers membres et de quatre nations, ou de l'un des deux premiers membres et de cinq nations (1).

Nous nous bornons à ce qui précède en ce qui concerne le système communal, et nous renvoyons aux ouvrages spéciaux pour le développement et la comparaison des détails.

Nous allons maintenant jeter un coup d'oeil rapide sur l'institution des États.

(1) Nous devons tous ces détails au grand ouvrage de MM. Henne et Wouters, sur l'Histoire de Bruxelles, 3 vol. grand in-8°. Brux., 1845.

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