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attendoient avec patience qu'un décret plus étendu confacrâi ces mêmes droits. Ce décret, rendu le 15 mai 1791, arriva dans la colonie; il n'étoit qu'une conféquence de celui du 28 mars 1790, puifque, entre autres difpofitions, porte dans fon préambule: « L'affemblée nationale s'étant » fait rendre compte de l'article 4 des inftructions du 28 » mars 1790, &c. ».

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Blanchelande pouvoit-il méconnoftre la conféquence, puifqu'il avoit promulgué le principe? Mais ce gouverneur perfide, à la réception de ce décret qui lui ôtoit tout espoir d'em brater S. Domingue, fit arborer la cocarde noire à quelques factieux qu'il foudoyoit dans la ville du Cap, & notamment à fon affidé Caduret, préfident de l'affemblée coloniale. Ce mouvement foi-difant populaire lui donna le prétexte de déclarer hautement à Saint-Domingue que dans tous les cas il ne mettroit pas le décret du 15 mai à exécution, d'écrire à l'affemblée conftituante pour motiver fon reius, & mendier la loi de fang du 24 feptembre, qu'il favoit devoir perdre la colonie.

Les citoyens de couleur indignés de ce comble de fcélérateffe, prirent les armes non contre Blanchelande qui auroit dû être l'objet de leur fureur, mais contre les blancs dont ils connoiffoient les anciens préjugés. Peu après l'un & l'autre parti reconnut fon erreur; on figna un concordat au Port-au-Prince. Ce concordat eût fait loi dans toute la colonie, fi Blanch lande n'eût eu l'art de le faire caffer par un arrêté de l'affemblée coloniale. Ce concordat étoit dans les principes de l'art. 4 des inftructions du 28 mars 1790. Comment Blanchelande a-t-il pu, par fon approbation & fa fignature, donner force de loi à un acte contre-révolutionnaire qui outrageoit un décret national? Il étoit refponfable de l'inexécution de ce décret, & cependant c'eft contre ce décret que Blanchelande agiffoit. La caflation dú concordat enveloppa la colonie d'un crêpe funèbre; le fang couloit de part & d'autre : Blanchelande mit à profit cette méfintelligence générale pour armer les nègres de la partie du Nord, & faire commettre au nom de Dieu & au nom du roi des maffacres & des incendies. Blanchelande eft en correfpondance avec le gouvernement efpagnol, & les foldats efpagnols qui bordent la frontière livrent les Français aux nègres révoltés. Blanchelande demeure spectateur tranquille de ces défor dres; que dis-je ? il n'en inftrut la France que par la voie de l'Angleterre, intercepte par

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filence les fecours que la mère-patrie pouvoit envoyer à Saint-Domingue. Après avoir tout détruit dans la partie du Nord, en faifant mettre le feu aux habitations & donnant le pillage à fes foldats, il fe tranfpo te dans les autres quartiers de la colonie, tous prétexte d'y prêcher l'évangile de la paix. La flamme & le carnage accompagnent en tous lieux fes pas c'est ainsi que ce montre destructeur, qui s'intituloit par-tout le représentant de Louis XVI ( & bien digne de le représenter) ruina de fond en comble une colonie floriffante, pour accélérer la contre-révolution que fes coopérateurs, exécutoient dans les plaines de la Champagne. Le voilà couvert du fang de 80 mille hoinines, ce repréfentant du roi! Le voilà détenu comme Louis XVI! Puiffent-ils l'un & l'autre, ainfi que leurs complices, par leur jufte fupplice, fatisfaire à la patrie dont ils ont déchiré le fein, à la patrie dont ils ont médité la ruine, aux manes de nos concitoyens, de nos frères !

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&

Dans tout le cours de la révolution, Paris n'a pas encore joui d'un calme plus long & plus parfait que depuis fix femaines; & ce qui fait l'éloge de cette ville, c'eft qu'elle eft depuis fix femaines fans maire. On feroit tenté d'en conclure qu'il ne devroit pas être tant difficile de rencontrer le citoyen qu'il faut pour une magiftrature dont l'abfence ne fait pas aller les chofes plus mal.

Cependant le contraire arrive; tantôt c'eft la difette des candidats; tantôt c'eft leurs refus. Pétion veut refter à la convention, Hérault de Séchelles auffi. Antonelle n'eft point tenté de la première écharpe parifienne, D'au tres, femblables aux polichinello de nos places publiques, ne demanderoient pas mieux que d'en exercer les fonctions, pourvu qu'un homme à eux fe chargeât des geftes, Malgré la résolution formelle de ne point accepter, le citoyen le Fèvre d'Ormeflon fe voit honoré une feconde fois de la pluralité des fuffrages, & il réitère officielle ment fon refus.

Seroit-ce parce que le citoyen Luillier, eft celui qui a balancé avec lui l'urne des fcrutins? Sans doute que non. Ce qui pourroit nous arriver de mieux, &

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prouver par le fait que le règne de l'égalité exifte véritablement, ce feroit de rencontrer dans toutes les profeffions de la vie civile des fujets propres à tous les poftes de la république. Et pourquoi un cordonnier ne feroitil pas maire de Paris, s'il a de la probité, de la conduite & des lumières? Car s'il faut des lumières pour être le premier magiftrat d'une grande population ignorante & ftupide; il en faut auffi pour l'être d'un peuple qui a le fentiment, & qui bientôt poffédera à fond la con1 noiffance de fes droits. Que ce citoyen artisan propofé pour maire ait hanté les cabarets, ou qu'il y aille encore cette circonftance ne dit rien pour ou contre lui. Dans les jours brillans du defpotifme, fous Louis XIV, nos plus beaux génies n'alloient ils pas au cabaret?

Ce qu'il importe, c'eft que le maire de Paris ait de la probité, de la conduite, des lumières, & nous ajouterons du caractère. De ces quatre conditions, les deux premières font exigibles de rigueur, & au plus haut degré poffible. Un homme probe, & qui met de la décence dans fon maintien, eft certain de la confiance du peuple, dont il a déjà l'eftime; quant au caractère & aux lumières, il en faut moins pour faire entendre raison à la multitude, que pour ne pas fe laiffer circonvenir par certains donneurs d'avis officieux, qui fouvent font autant de piéges.

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Les citoyens capables de remplir le pofte de maire de Paris ne devroient donc pas, ce femble être trèsrares. Pourquoi donc les liftes des candidats ont-elles été fi avares de noms ? Sans doute parce que le nombre des votans a toujours été extrêmement petit. Qui croiroit que fur une population de 7 à 800,000 ames, le dépouillement des procès-verbaux du dernier fcrutin n'a pas donné pour résultat 10,000 votans? Et nous nous difons républicains! nous nous fommes en effet conftitués tels il y a près de deux mois, c'est-à-dire, que nous fommes dans toute la première ferveur du feul régime convenable à la liberté, & au bien-être de la chofe publique; & voilà comme nous nous y intéreffons à Paris, dans cette ville d'où le cri de vive la république eft parti pour remplir les 82 autres départemens!

Cette conduite des Parifiens eft incroyable; nos neveux se mettront l'efprit à la torture pour en chercher

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la caufe. Epargnons-leur ce foin; difons-leur, & nous pourrions l'affirmer , que cette tiédeur, ou plutôt cette apathie immorale & incivique, ne vient que de la mauvaife organisation des affemblées primaires ou de fections. Il faut quelquefois du courage & de la patience, felon le cas, pour y affifter & y faire valoir fes droits à l'avantage de la chofe publique.

En vérité, on feroit difpofé à croire à une prédeftination, à une heureufe fatalité. Il y a du bonheur dans nos affaires, elles vont mieux que nous n'aurions le droit de l'efpérer. La maison militaire conventionale, qu'un mauvais génie a foufflée au fein de l'affemblée nationale, n'eft pas encore décidée; nous favons qu'il est des députés qui s'opiniâtrent à la faire paffer en loi. Paris eft plein de fédérés arrivés fans motifs déterminés, & qui y reftent fans trop favoir pourquoi. La procédure du grand fcélérat eft entamée; on fait même courir le bruit qu'il eft empoifonné; les fubfiftances & quantité d'autres objets de commerce croiffent de prix tous les jours. Pour furcroît de motifs ou de prétextes, on s'occupe enfin de donner le dernier coup de hache fur cette vieille fouche tant révérée, qu'on appelle prêtraille; le peuple, à qui chaque jour on coupe une lifière trouve pas encore fur fo chemin la porte ouverte d'une feule école primaire; car enfin fi un préjugé, même religieux, comme on difoit jadis, n'eft bon à rien, il faudroit tout au moins le remplacer par un enfeignement général & à la portée du grand nombre (1). Eh bien ! malgré toutes les chances, dont une feule, il n'y a pas feulement trois mois, auroit fuffi, pour bouleverfer Paris, fur-tout privé comme il l'eft du premier magiftrat auquel il avoit confiance, Paris eft tranquille, gai, nous dirions presque heureux. Puiffe-t-il l'être encore long-temps !

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(1) Et la convention recule toujours pour s'occuper de la formation des écoles primaires; le rapport du comité d'inftruction publique étoit fixé à jeudi, & la féance s'eft paffée à toute autre chose que l'inftruction Pu blique.

No. 176. Tome 14.

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Sur l'affemblée électorale du département de Paris.

Il faut le répéter: quelque mauvais génie préfide å toutes les élections de Paris. Depuis fix femaines on tient affemblées fur affemblées pour la nomination d'un maire, & toutes ces féances multipliées n'ont donné qu'un modérantifte qui refufe. Si cela continue, nous aurons une municipalité à Pâques. Depuis trois semaines, l'assemblée électorale eft convoquée, & elle n'a pas pu encore obtenir un local, malgré des demandes & des réclamations continuelles.

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La convention, qui n'aime point Paris, & qui en aime encore moins les électeurs, n'a pas été fâchée de leur jouer pièce; & fous prétexte du grand principe d'égalité, elle a ordonné que les électeurs du département de Paris alterneroient comme les autres, & fe tranfpor teroient tour à tour dans chacun des diftricts qui le com pofent. Ce décret ne pourra avoir d'effet que cette feule fois, puifque fans doute la nouvelle conftitution supprimera l'intermédiaire des électeurs; mais qu'importe à la convention? Les ariftocrates prétendoient qu'avec les mots peuple, liberté, patriotifme, on peut faire accroire à la multitude tout ce qu'on veut, & violer impuné ment les droits du peuple & les principes de la liberté & du patriotifme. La convention a-t-elle cru auffi qu'a vec le mot d'égalité, elle perfuaderoit à tous les Parifiens, à toute la république, que la loi de l'alternat fût applicable à Paris, & qu'on pût y aftreindre les élec teurs de ce département?

Sans doute la ville de Paris n'a pas plus de droits que toutes les autres; fans doute les habitans de Paris n'ont pas plus de poids dans la balance politique, qu'un égal nombre de Français pris fur un efpace quelconque de la furface de la France. La conftitution doit être la même pour tous, & aucune portion du fouverain ne peut ni ne doit influencer plus qu'une autre la légiflation; mais il eft des localités, des circonstances particulières qui peuvent apporter des modifications néceffaires à quelques loix générales.

On l'a dit long-temps avant la révolution; les grandes villes font des monftres dans un état ; ce font des exceptions à la nature, qui n'a pas créé les hommes pour être ainfi preffés, entaffés fous des malles de pierres; mais

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