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cent trente élections nouvelles son patriotisme et son dévouement. Tous mes devoirs me sont tracés par votre inébranlable volonté, de maintenir pure et intacte la Charte qui unit à jamais la nation au Roi des Français; cette Charte, notre plus beau titre, dans laquelle votre prévoyance a placé le gerine de toute amélioration progressive, que le pays a droit d'attendre de notre glorieuse révolution.

« J'accepte le nouvel bonneur que vous avez voulu me faire, et je serai benreux d'imiter les exemples que m'a laissés mon honorable prédécesseur à ce fauteuil, d'où il s'est éloigné sans cesser, pour cela, de rester l'expression de vos vœax et de vos principes, qui ne pouvaient me porter au pied du trône par un organe plus digne et plus sincère. »

On venait d'ouvrir la discussion sur le projet de loi présenté par le gouvernement, dès le 9 octobre, sur les récompenses nationales, indemnités ou pensions à décerner en commémoration des glorieuses journées de juillet. La commission chargée de l'examiner n'y avait proposé (rapport fait par M. Kératry, le 6 novembre) que des modifications peu importantes à relever ici, excepté quant à la décoration spéciale que le gouvernement proposait de créer en faveur de ceux qui s'étaient distingués dans les trois journées. La commission, d'un sentiment presque unanime à cet égard, avait craint qu'une décoration spéciale n'engendrât des jalousies ou des ressentimens, qu'il était important de prévenir ou d'assoupir.

- Nous vous demanderons, disait M. Kératry, si cette décoration ne pogr. rait pas devenir, soit pour l'armée dans les cadres de laquelle vous appelez déjà les braves auxquels on la destine, soit pour notre ordre civil au sein duquel on les verra se disperser, un motif de rivalité entre des hommes faits pour s'estimer et dont les services, dans les carrières diverses, sont utiles à la patrie? Certes vous ne voudrez pas que l'époque de la délivrance d'un grand peuple s'efface jamais de sa mémoire; mais nous vous demanderons s'il faut que les chefs et les soldats d'un régiment français lisent sans cesse sur la poitrine d'un camarade, le jour où, obéissant certes à regret et peut-être avec mollesse aux ordres menaçans d'un pouvoir dont la déchéance n'était pas encore prononcée, ils ont abaissé leurs armes devant une milice nouvelle, forte de son scul courage ?...

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Ainsi la commission proposait de substituer à la décoration spéciale celle de la Légion-d'Honneur, qui, destinée à récompenser tous les services, n'excitait partout qu'une noble et salutaire émulation.

La discussion n'offrit d'opposition que relativement à la décoration. La plupart des orateurs, ceux du côté gauche (MM. Au

dry-de-Puyraveau, le général Lamarque, le général Lafayette et Alexandre de Laborde, etc.), appuyaient à cet égard la proposition du gouvernement; tous, dans des discours pleins d'exaltation sur la conduite héroïque du peuple de juillet, insistaient principalement sur ce que, comme cette victoire offrait un caractère parti→ culier, les vainqueurs désiraient eux-mêmes une décoration spéciale. Le général Lamarque demandait, en outre, que l'arc de triomphe du Carrousel fût consacré à la mémoire de ces glorieux événemens, etc., etc. M. le général Lafayette, revenant à la spécialité de la décoration, disait qu'il la réclamait avec d'autant plus de force, qu'elle était vivement désirée par les héros des barricades, et qu'il y voyait un moyen d'ordre public, « car ils se rappelleront toujours, disait-il, cet axiome d'un de leurs vieux amis, « axiome que la malveillance a singulièrement mutilé pendant qua<rante ans, et qui consiste à dire que si, sous un gouvernement des« potique, l'insurrection est le plus saint de tous les devoirs, sous un « gouvernement libre et vraiment constitutionnel, le plus saint des « devoirs est l'obéissance aux lois. »

Quoique la commission insistât sur ses conclusions, la décoration spéciale fut adoptée. Les modifications faites à la proposition du gouvernement tombent principalement sur les derniers articles (11, 12, 13, 14, 15, 16, 17), dont le plus remarquable (15) ordonne l'érection d'un monument en mémoire des événemens de juillet, au moyen de quoi l'arc de triomphe du Carrousel a conservé sa destination primitive.

Quant aux charges résultant des secours, indemnités ou pensions accordés aux blessés, aux veuves ou orphelins de ceux qui avaient succombé, dans la cause nationale, elles étaient de 7,000,000 de fr., comme le gouvernement les avait évaluées. Il était ouvert an ministère de l'intérieur un crédit de 2,400,000 fr. qui devaient être distribués, indépendamment des produits de souscriptions particu lières, d'après les états dressés par la commission des récompenses nationales, à titre d'indemnités ou de secours une fois payés. M. le ministre des finances était autorisé à faire inscrire au trésor pu blic, et jusqu'à concurrence de 460,000 fr., les pensions et secours

annuels, qui représentaient, comme rentes viagères, un capital de 4,600,000 fr.

Le projet, ainsi adopté (séance du 13 novembre) à une majorité de 184 voix sur 224 votans (204 cuntre 20), a passé dans la Chambre des pairs, le 10 décembre, sans autre discussion que celle élevée sur une motion de M. le marquis de Dreux-Brézé, qui réclamait aussi l'entrée aux Invalides pour les soldats de la garde royale et de la ligne, blessés dans les fameuses journées, réclamation qui, on le pense bien, n'eut pas de suite. (V. l'Appendice.)

13 novembre. Ce jour même étaient attendues des interpellations que M. Mauguin se proposait d'adresser au ministère, sur l'état des rapports extérieurs de la France. Les ministères de la restauration avaient résisté plus d'une fois à ces interpellations, passées en droit dans les deux Chambres du parlement britannique; mais le gouvernement sorti de la révolution de juillet crut devoir plus de déférence à la représentation nationale, et M. Mauguin eut l'initiative de cette conquête nouvelle.

L'honorable membre exposait d'abord l'influence que la révolution française avait exercée sur l'Europe, qu'elle avait allumé la guerre entre deux principes inconciliables, le droit divin et le droit populaire; le premier, qui avait momentanément triomphé sur les buttes Saint-Chaumont et à Waterloo, venait d'être vaincu; et la victoire de juillet avait soulevé de nouveau les idées de liberté dans toute l'Europe. Les deux principes se trouvaient en présence, et la France, signalée par la politique étrangère comme un foyer de bouleversement et de désordres, devait s'attendre à ne trouver que des ennemis dans les cabinets signataires des traités de 1814 et 1815. M. Mauguin en trouvait la preuve dans le dernier discours prononcé par le roi d'Angleterre, à l'ouverture du parlement britannique ( 2 novembre. Voyez hist. étr., chap. ). Il y voyait l'intention avouée d'intervenir dans les affaires des peuples en 1830, par le même droit qu'elles avaient proclamé en 1792 et en 1814.

On lit dans le discours du roi d'Angleterre, dit M. Manguin, qu'il est déterminé avec ses alliés à maintenir les traités généraux en vertu desquels le système politique de l'Europe a été établi; or, ces traités sont ceux de 1814, et

ils sont inséparables dans leur exécution des décisions du congrès de Vienne, inséparables du droit d'intervention et du système de la sainte-alliance, qui fait partie du système politique de l'Europe.

« Il est inutile de s'aveugler, et je ne gonnais point de raisonnement possible contre les faits. Lorsqu'on rapproche cette déclaration d'un attachement itamuable au système de 1814, de la froideur avec laquelle le cabinet britannique parle de notre révolution; lorsqu'on en rapproche ce qu'il dit de la Belgique, dont la position est analogue à la nôtre, et les éloges qu'il donne à l'administration prétendue éclairée du roi des Pays-Bas, et le nom de révolté dont il flétrit le Belge vainqueur, il faut le dire, et le cabinet britannique l'a laissé voir d'une manière trop marquée, notre révolution lui déplaît, elle le fatigue: or, tout cabinet qui annonce ses répugnances annonce aussi ses projets.

. Quand on rapproche le discours dont je viens de parler du fait connu, qu'un congrès est ouvert à Londres pour décider la question belge, on ne peut s'em. pêcher de concevoir des inquiétudes sur la politique adoptée par la dernière administration. Elle est partie, comme un de ses membres le disait naguère à cette tribune, du principe que la révolution de juillet n'a voulu s'écarter de la restauration que le moins possible; et, en appliquant ce principe aux affaires extérieures, elle en a tiré cette conséquence, que la France de juillet ne voulait s'écarter que le moins possible des traités de 1814. Je ne fais point ici nue vaine supposition. Dans le document britannique, nous lisons que le gouver, nement français a donné l'assurance qu'il maintiendrait inviolables tous les engagemens subsistant avec l'Angleterre, et au nombre de ces engagemens fi. garent les traités dont je viens de parler.

Mais les traités de 1814 assurent la possession de la Belgique à la maison d'Orange. Nous voilà donc logiquement conduits à prendre le parti du Hollandais contre le Belge. Que ferons-nous donc au congrès ? Les intentions de l'Angleterre ne sont pas douteuses, et l'on connaît la ténacité du ministre qui est à la tète de ses affaires. Si nous prenons le parti de la Belgique contre la Hollande, nous manquerons aux traités de 1814, dont nous avions promis l'observation. Si, au contraire, nous exécutons la loi diplomatique ; si nous prenous le parti de la maison d'Orange, qu'arrivera-t-il ? Le Belge refusera de se soumettre. Faudra-t-il par hasard que nous lui déclarions la guerre ? La France tout entière se révolterait contre cette idée. Triste position où nous a placés une politique im prévoyante: ou de compromettre la paix de l'Europe, ou de combattre nos voisins les plus chers. Espérons que l'administration nouvelle saura nous faire sortir de cette crnelle alternative. Elle trouvera des moyens de conserver au Belge sa liberté. Si nous n'intervenons pas pour le soutenir de notre main puissante, aucun autre État du moins ne doit intervenir contre lui. »>

Passant de la question belge aux rapports de la France avec l'Espagne, M. Mauguin, établissant la nécessité de les faire entrer dans le même système, rappelait l'exemple de Louis XIV et de Napoléon, et il déplorait que depuis long-temps, sous la restauration même, malgré les services qu'elle avait rendus à Ferdinand VII, l'influence étrangère dominât le cabinet de Madrid au grand préjudice de la France.

• Lorsque la révolution de juillet, poursuit M. Mauguin, eût rendu à notre

politique, devenue nationale, sa fierte et sa puissance, il y avait un parti à prendre vis-à-vis de l'Espagne, Certes, je suis loin de soutenir qu'il fallait lui déclarer la guerre. On n'en avait pas besoin pour obtenir de justes réparations, Mais il fallait adopter un parti net ek décidé; point de demi-mesures, elles n'appartiennent qu'aux gouvernemens faibles. C'est cependant à des demi-mesures que la dernière administration à borné ses efforts. Sous elle, les constitutionnels espagnols ont pu lever, organiser des troupes, acheter des armes et préparer la guerre; sous elle aussi, au moment marqué pour leur expédition, ils ont vu leurs armes saisies et leurs troupes dispersées. Obligés d'essayer une fortune inégale, ou de renoncer au glorieux projet de délivrer leur patrie, ils ont mieux aimé être vaincus que de ne pas tenter la victoire. Le résultat est connu, ils ont succombé, et des hommes généreux errent maintenant sur le sommet des Pyrénées, accusaut la France et sa politique indécise. (Sensation.)

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Si l'on voulait protéger le pouvoir absolu de Ferdinand, pourquoi avoir souffert ces rassemblemens armés qui lui dénonçaient la guerre et jetaient le trouble dans ses États? Si l'on voulait favoriser, au contraire, ces nouveaux Pélasges qui marchaient aussi à la conquête d'une patrie, pourquoi a-t-on saisi leurs armes et arrêté leurs efforts?

• Vent-on connaître les résultats de cette politique incertaine? Nous ne comptons plus en Espagne que des ennemis; l'absolutiste nous craint et le constitutionnel nous accuse. Le nouveau ministère saura, sans doute, abandonner enfin ce système des demi-mesures, si funestes à un État. Le pacte de famille existe-t-il encore? S'il existe, pourquoi la loi salique est-elle abolie dans la péninsule? S'il n'existe pas, quel est notre position avec l'Espagne? Le cabinet de Madrid reconnaîtra-t-il enfin les bons des cortès! Le gouvernement a pris des mesures à cet égard? Pense-t-il à soutenir les droits de tant de nos concitoyens, dont la boune-foi a été trahie? Est-il vrai que le nom français ait été impuissant pour protéger quelques-uns de nos négocians en Catalogne? Est-il vrai encore que, dans les combats de l'armée royale contre les guerriers de Mina, le territoire français ait été violé; que les fugitiss aient été poursuivis jusqu'en France; que plusieurs d'entre eux y aient même reçu la mort? Le bruit en a couru; l'honneur national est intéressé à le détruire. Qui touche la terre de France, n'a plus à craindre d'ennemis. Notre loi le protége, et la protection de la loi française ne saurait être impuissante.

« Une question grave préoccupe maintenant tous les esprits: Aurons-nous la paix ? aurons-nous la guerre? La paix, nous la désirons tous; la guerre, qui connait la France, sait qu'elle ne l'a jamais redoutée.

« Si l'on s'enquiert de nos mouvemens, nous n'avons qu'une réponse à faire, c'est que nous ne nous enquérons pas de ceux des autres. Que le gouvernement prenne de l'énergie, de la force; qu'il entre franchement et nettement dans les principes de notre révolution, et qu'il laisse agir l'Europe en faveur du droit divin. Nous ne voulons pas l'attaquer; mais nous n'avons pas à la craindre. »

Enfin M. Mauguin, après quelques mots sur l'importance de la conquête d'Alger et sur la nécessité de la garder, résumait ainsi sa

motion.

• Sommes-nous encore enchaînés par les traités de 1814? Adopteṛions-nous,

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