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nom de la nation française, et en vertu des pouvoirs qui lui sont délégués par la Constitution.

» 2. Le roi sera invité de demander à l'empereur si, comme chef de la maison d'Autriche, il entend vivre en paix et bonne intelligence avec la nation française, et s'il renonce à tout traité et convention dirigés contre la souveraineté, l'indépendance et la sûreté de la nation.

» 3. Le roi sera invité de déclarer à l'empereur qu'à défaut par lui de donner à la uation avant le 1er mars prochain pleine et entière satisfaction sur tous les points ci-dessus rapportés, son silence, ainsi que toute réponse évasive ou dilatoire, seront regardés comme une déclaration de guerre.

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4. Le roi sera invité à continuer de prendre les mesures les plus promptes pour que les troupes françaises soient en état d'entrer en campagne au premier ordre qui leur en sera donné. >>

Ce décret, qu'une députation porta le même jour au roi, provoqua de sa part une réponse que l'Assemblée reçut très froidement.

LETTRE du roi à l'Assemblée nationale..

Paris, le 28 janvier 1792.

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› » J'ai examiné, messieurs, l'invitation en forme de décret que vous m'avez fait présenter le 25 de ce mois. Vous savez que par la Constitution c'est à moi seul qu'il appartient d'entretenir les relations politiques au dehors, de conduire les négociations, et que le corps législatif ne peut délibérer sur la guerre que sur ma proposition formelle et nécessaire : sans doute vous pouvez me demander de prendre en considération tout ce qui intéresse la sûreté est la dignité nationale; mais la forme que vous avez adoptée est susceptible d'observations importantes : je ne les developperai point aujourd'hui; la gravité des circonstances exige que je m'occupe encore plus de maintenir l'accord de nos sentimens que de discuter constitutionnellement mes droits. Je dois donc vous faire connaître que j'ai demandé à l'empereur depuis plus de quinze jours une explication positive sur les principaux articles qui font l'objet de votre invitation. J'ai conservé avec lui les égards que se doivent

respectivement les puissancès: si nous avons la guerre n'ayons à nous reprocher aucun tort qui l'ait provoquée; cette certitude peut seule aider à soutenir les maux inévitables qu'elle entraîne.

» Je sens qu'il est glorieux pour moi de parler au nom d'une nation qui montre un si grand courage; et je sais faire valoir cet incalculable moyen de force; mais quelle preuve plus sincère puis-je donner de mon attachement à la Constitution que de mettre autant de mesure dans les négociations qui tendent à la paix que de célérité dans les préparatifs qui permettront s'il le faut d'entrer en campagne avant six semaines? La plus inquiète défiance ne peut trouver dans cette conduite que la conciliation de tous mes devoirs. Je le rappelle à l'Assemblée, l'humanité défend de mêler aucun mouvement d'enthousiasme à la décision de la guerre ; une telle détermination doit être l'acte le plus mûrement réfléchi, car c'est prononcer au nom de la patrie que son intérêt exige d'elle le sacrifice d'un grand nombre de ses enfans. Je veille cependant à l'honneur et à la sûreté de la nation, et je hâterai de tout mon pouvoir le moment de faire connaître à l'Assemblée nationale si elle peut compter sur la paix ou si je dois lui proposer la guerre. Signé Louis, et plus bas M. L. F. Duport.

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Tandis que l'Assemblée veillait sur les ennemis de l'extérieur des ennemis plus dangereux redoublaient d'activité pour entretenir au dedans l'agitation et les troubles : les prêtres réfractaires et les agens des émigrés semaient partout les soupçons et la discorde; iln'était pas un seul départeinent qui n'eût à gémir de leurs manoeuvres. Au sein même de Paris on tramait la contre-révolution : des réunions secrètes où l'on conspirait la destruction des lois nouvelles et de leurs auteurs, des émeutes ayant pour cause une apparente disette, des pamphlets incendiaires, des bruits absurdes, la conduite équivoque de la cour, la lenteur des travaux de l'Assemblée nationale, la méfiance et la désunion entre les pouvoirs, tout se réunissait pour exciter la guerre civile, et elle eût éclaté sans la force morale du peuple.

Dans ces circonstances M. Condorcet proposa une adresse aux Français ; il la motiva ainsi :

M. Condorcet. (Séance du 16 février 1792.) « Dans un moment où de grands événemens peuvent nous obliger à changer l'ordre de nos travaux, à remplacer par des objets plus pressans ceux qui ont été préparés dans nos comités, j'ai cru qu'il serait utile de présenter à la nation un exposé très simple de ce que ses représentans ont fait depuis l'ouverture de leurs séances. On dira peut-être que l'Assemblée n'a pas besoin d'apologie je le sais; aussi ne s'agit-il pas de confondre ses ennemis, mais de présenter à ses commettans un compte qui dissipe les inquiétudes dont on cherche à les agiter.

:

» Nous ne devons rien aux calomniateurs, mais nous devons beaucoup à des citoyens égarés ou timides, à ceux qu'une grande distance sépare de nous, et qui sont exposés à nous juger sur des récits infidèles. N'y aurait-il pas dans les circonstances vraiment singulières où nous nous trouvons plus d'orgueil que de véritable grandeur à dédaigner de donner quelques explications utiles et rassurantes? D'après l'idée que je me suis faite de cette exposition de nos travaux, de notre position actuelle, j'ai pensé qu'elle ne pouvait être trop simple, trop à la portée du plus grand nombre. Si l'Assemblée veut bien entendre la lecture de celle que j'ai rédigée, elle jugera mieux encore de l'utilité de la proposition que je lui fais, ou j'espère qu'elle n'y verra du moins qu'une nouvelle preuve de mon respect et de mon zèle. » ( Lisez, lisez.)

M. Condorcet fait lecture de son projet ; il est accueilli par des témoignages unanimes d'approbation, et « l'Assemblée nationale adopte l'adresse proposée comme le récit exact de ses travaux, l'exposition de ses principes, et l'expression fidele de ses sentimens ; décrète qu'elle sera imprimée et envoyée aux quatre-vingt-trois départemens, dont les directoires demeureront chargés de la faire parvenir à toutes les municipalités de l'empire, et que le maire ou à son défaut un officier municipal en donnera lecture dans chaque municipalité un jour de dimanche à tous les citoyens assemblés.» (Expressions du procès verbal.)

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L'ASSEMBLÉE NATIONALE AUX FRANÇAIS.

(Février 1792, an IV de la liberté. )

« Une conjuration de rois suscitée par les ennemis de l'égalité, les complots des conspirateurs, les trames du fanatisme, les intrigues des ambitieux, les ruses de la corruption ont entouré d'orages et de dangers le berceau de la liberté française. Les représentans du peuple, forcés de donner aux soins toujours renaissans d'une surveillance pénible les heures qu'ils auraient voulu consacrer à compléter, à consolider la nouvelle organisation sociale, doivent à leurs commettans un compte fidèle de leurs efforts, de l'état où ils ont trouvé la chose publique, de celui où elle est aujourd'hui, des obstacles qu'ils ont éprouvés, et de ce qu'ils ont fait pour les vaincre.

>> Quatre grands objets semblaient devoir appeler leurs premiers regards : la nécessité d'établir enfin dans les finances un ordre simple et rigoureux; la destruction d'un droit civil incohérent et barbare, qu'il faut remplacer par un code uniforme pour tout l'empire, et fondé, comme la Constitution même, sur les droits que l'homme tient de la nature, et que la société lui doit garantir; une instruction nationale digne de la France libre et des lumières du dix-huitième siècle; enfin l'organisation d'un système fraternel de secours publics où le malheur soit consolé sans être avili, et l'indigence secourue sans que l'oisiveté soit encouragée ; où l'enfant abandonné soit élevé pour la patrie; où des maisons de force, des moyens répressifs, malheureusement nécessaires encore, servent moins à punir les fautes qu'à corriger les vices.

» Les finances exigeaient à la fois et des mesures promptes et des travaux longs et difficiles.

>> Un papier fondé sur l'hypothèque certaine des biens nationaux et sur la foi d'une nation libre était devenu la seule monnaie : mais l'organisation de cette monnaie n'était pas complète; le nombre des billets de cinq livres répandus dans la circulation ne suffisait pas aux besoins journaliers des citoyens.

» Vos représentans en ont augmenté la masse et diminué d'une somme égale celle des billets de 2,000, 1,000 et 500

livres, dont la contrefaçon, encouragée par de plus grands intérêts, était plus dangereuse, dont l'échange contre les monnaies métalliques était plus onéreux.

>> Ils ont arrêté entre les départemens une distribution proportionnelle de cette monnaie nouvelle, devenue nécessaire au commerce, aux dépenses les plus indispensables de la vie

commune.

>> Mais cette mesure ne suffisait pas : des billets d'une valeur inférieure à celle des assignats les plus faibles avaient été répandus par les municipalités et par des caisses particulières ; la masse de ces derniers billets augmentait celle du papier-monnaie, puisque ces sociétés n'avaient formé leurs établissemens que pour employer en opérations de commerce les assignats qu'elles avaient reçus en échange.

» Ainsi, à une monnaie qui avait une hypothèque territoriale et la sauvegarde de la bonne foi publique, on avait substitué une monnaie sans hypothèque, et garantie par la seule bonne foi particulière.

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» Vos représentans ont donc senti l'utilité de remplacer ces billets par un papier national plus sûr, aussi commode pour le commerce: par là ils diminuaient la masse du papier-monnaie, et compensaient, du moins en partie, les nouvelles émissions que les besoins de l'État pouvaient rendre encore

nécessaires.

» Les plus petites monnaies de papier ont été fixées à dix sous, et par conséquent il a fallu accélérer la fabrication des sous de cuivre ou de métal de choche, destinés aux derniers échanges, afin d'avoir un système monétaire complet, de pouvoir se passer de monnaies d'or ou d'argent pour la presque universalité des transactions formées entre les citoyens sur le territoire français, de rendre moins onéreuse la différence entre la monnaie de papier et même celle d'argent, et d'anéantir une des causes de cette différence en faisant cesser le besoin réel des monnaies de métaux précieux.

» Ces opérations, simples en elles-mêmes, exigent des détails. minutieux, des combinaisons multipliées, et il a fallu plusieurs pour les terminer.

mois

>> Convaincue de la nécessité de fixer à scize cents millions la

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