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voient aider le magiftrat à juger dans les cas difficiles; il en eft ainfi des brames. La reffemblance qu'on remarque d'ailleurs entre ces deux tribus, pourroit, avec raison, faire foupçonner qu'originairement elles eurent entr'elles des rapports intimes, quoique nos conjectures ne puiffent pas remonter à la fource de cette liaison. J'ai cité quelques exemples de fimilitude entre les loix de Moïfe & celle des Indoux; mais je n'ai pas écrit la centieme partie de ce qui fe présente fur un fujet auffi fertile.

Ce n'eft pas feulement aux loix de Moïfe que ce code reffemble d'une maniere frappante; il jete du jour fur d'autres parties de l'Ecriture fainte dont il confirme les affertions. Dans le livre de la Genefe, on voit que Laban s'excuse ainfi, pour avoir donné à Jacob Lia en place de Rachel. » Ce n'eft pas l'ufage de notre pays, de marier la fille cadette avant l'aî» née. « Ceci étoit de beaucoup antérieur à Moïfe. Suivant ce code, c'est auffi un crime de marier fa fille cadette avant l'aînée; on y déclare en outre qu'un fils cadet eft coupable s'il fe marie avant fon aîné.

De pareils rapprochemens éclairciffent des paffages douteux, & de vieilles coutumes méconnues aujourd'hui, auxquelles la Bible fait allufion. Du refte' quand même aucune de ces loix ne feroit jugée digne du fyftême de légiflation que fe propofe d'établir en Afie le gouvernement Britannique, ce code mériteroit cependant l'attention des politiques, des magiftrats, des théologiens & des philofophes, & feroit un don précieux pour l'Europe, parce qu'il donne une idée jufte d'un grand peuple, floriffant à une époque où il ne pouvoit avoir aucune communication avec l'Europe; parce qu'il traite d'ailleurs de différentes matieres qui intéreffent tout le genrehumain; qu'on y trouve des maximes générales d'adminiftration & de juftice, que la diverfité des mœurs & des opinions religieufes font incapables de changer; qu'il peut être cité à l'appui de quelques fingularités nationales qui font dans l'écriture; & qu'enfin il offre l'hiftoire du genre-humain aux premieres époques de la civilisation.

GEORGE I, Roi d'Angleterre.

GEORGE I, appellé à la couronne d'Angleterre par le teftament de

la reine Anne, naquit le 28 Mai 1660, d'Erneft Augufte, duc de Brunfwick & de Lunebourg, électeur d'Hanovre, & de Sophie, fille de Frédéric V, électeur Palatin, qui avoit époufé Elifabeth Stuart d'Angleterre. Ce prince monta fur le trône en 1714, & loin de fuivre les vues d'Anne fa bienfaitrice, qui avoit élevé le parti des Torys, George donna toute l'autorité aux Whigs: démarche qui trouva bien des cenfeurs, & fit éclore un grand nombre de fatyres contre le nouveau regne. Ma maxime, difoit-il, eft de n'abandonner jamais mes amis, de rendre juftice à tout le

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monde, & de ne craindre perfonne. En effet, il donna dans plufieurs circonftances des preuves éclatantes de la fidélité qu'il avoit jurée à fes alliés. Sa valeur qui avoit éclaté dès fa plus tendre jeuneffe, lorfqu'il faifoit fes premieres armes fous fon pere, & l'autorité prefque defpotique avec laquelle il prétendit régner malgré les confpirations multipliées qui fe formerent contre lui, montrent affez qu'il ne craignoit perfonne. Quant à fa juftice, elle fut févere & fouvent inexorable. Il fembloit continuellement irrité par les efforts que faifoit fans ceffe le parti du prétendant en faveur de ce prince infortuné. Le comte d'Oxford, confident & miniftre de la reine Anne, enfermé à la Tour malgré fa vieilleffe & fes infirmités, fept pairs du royaume condamnés à mort, fans qu'il fût poffible à leurs familles éplorées d'émouvoir le cœur du monarque inflexible, un évêque banni du royaume, quoiqu'il eût prouvé clairement fon innocence, un grand nombre d'eccléfiaftiques & de laïques exécutés fur des accufations quelquefois légeres, tels furent les coups de rigueur qu'il crut néceffaires pour s'affermir fur le trône, & qui, loin de lui reconcilier cette partie de la nation qui tenoit pour le prétendant, ne fervit qu'à l'aliéner davantage. On reconnut même dans quelques occafions, que la févérité du roi n'étoit pas approuvée des royaliftes. La néceflité de faire évanouir les projets du prince George qui, errant de cour en cour, fufcitoit des ennemis. à l'Angleterre, fut un prétexte dont George I abufa quelquefois pour fatiguer fes fujets par des demandes de fublides exorbitans, par des exactions dont le peuple Anglois murmura malgré le fuccès des guerres contre la Suede & contre l'Efpagne. Son fol amour pour la ducheffe de Kendall, lui fit faire des extravagances indignes d'un prince éclairé & jaloux de fa réputation. D'ailleurs, on ne peut lui refufer les titres de bon général & d'habile politique. George mourut en 1727, d'une attaque d'apoplexie dans la foixante-huitieme année de fon âge & la quatorzicme de fon regne.

GEORGE II.

GEORGE

EORGE II, fils dé George I, fuccéda à fon pere. Il étoit né en 1683, & avoit quarante-quatre ans, lorfqu'il monta fur le trône. Fatigués du gouvernement d'un prince dur, avide, impérieux, & quelquefois injufte, les Anglois virent avec plaifir le fceptre britannique paffer dans les mains de George II, que le roi fon pere avoit toujours tenu éloigné des affaires, mais qui avoit dans lui des qualités capables de fuppléer à ce qui manquoit à cette partie de fon éducation. A fon avénement au trône, George trouva la nation dans les difpofitions les plus favorables. Les factions, qui pendant tant d'années avoient agité le royaume, fembloient ne plus fe fouvenir de leurs anciennes divifions. On diftinguoit à peine le Whig du Tory, & celui-ci du Jacobite. La mort d'Augufte II, roi de Pologne, avoit occafionné une guerre cruelle. Les droits de Staniflas, foutenus par la

France, & l'oppofition de l'empereur agitoient les cours Européennes. George, par la fageffe de fes négociations, rétablit la concorde entre les maifons d'Autriche & de Bourbon. Mais il fe vit entraîné lui-même dans une guerre fanglante. Les Anglois déclarerent la guerre à l'Espagne, plutôt par une fuite de l'empire qu'ils affectoient fur les mers & par un défir immodéré de dominer dans les deux hémifpheres, que par aucun autre motif. Cette conteftation élevée au fond de l'Amérique, embrafa bientôt l'Europe entiere. Les Anglois eurent des fuccès fur mer, & ces fuccès foutinrent leur courage dans les échecs que leurs armes effuyerent fur terre & fur-tout à Fontenoi. Au fort de cette guerre, un rival qui fembloit réunir les vœux des puiffances Européennes à un parti nombreux dans l'Angleterre, menaça le fouverain & la nation. Le prince Edouard, fils aîné de Jacques III, plus connu fous le nom de prétendant ou de chevalier de S. George, vouloit recouvrer le patrimoine de fes peres. Après des fuccès éclatans la fortune l'abandonna. La guerre cependant continuoit d'embraser les deux mondes. Enfin, l'épuisement des Anglois plutôt que le défir d'une reconciliation fincere leur fit accepter la paix que la France leur offroit. Elle ne fut pas de longue durée. Une nouvelle conteftation élevée entre l'Angleterre & la France, au fujet des limites de l'Acadie, arma les deux nations l'une contre l'autre. Chacune fe fit des alliés, & l'Europe entiere fut en proie aux horreurs de la guerre. George II, n'en vit pas la fin, étant mort le 25 Octobre 1760. Politique habile, il fut faire aimer fon empire d'un peuple qui ne fait guere être gouverné.

Réflexions politiques fur les affaires d'Angleterre pendant les premieres années du regne de George I, & fur les mécontentemens parmi les Anglois qui en furent les fuites. (a)

ON n'a jamais vu parmi les Anglois une joie plus universelle, que lorfque le roi George eft monté fur le trône; tout le monde, pour ainfi dire, étoit prévenu en faveur d'un prince, fi renommé pour fa fageffe & pour fa modération, & on n'auguroit que du bien de fon regne; on fe flattoit que Sa Majefté trouveroit le moyen de mettre fin à tous ces différens de parti, qui avoient fi long-temps défiguré la face du gouvernement d'Angleterre, & que l'on verroit confpirer & les Whigs & les Torys au bien général de la nation. Les Whigs, qui avoient eu le deffous du temps de la feue reine, croyoient avoir mérité la faveur du nouveau roi, par le zele qu'ils avoient témoigné en diverfes rencontres pour la fucceffion pro

(a) Ces réflexions, préfentées au roi dont elles examinent la conduite, nous ont paru mériter une place dans cet ouvrage, quoiqu'elles regardent le commencement de ce fiecle.

teftante, & les Torys, qui fe trouvoient dans la poffeffion des charges, elpéroient de pouvoir s'y maintenir, en fe comportant comme de bons & fideles fujets; ou que, fi on dépoffédoit quelques-uns, ce ne feroit que ceux qu'on foupçonneroit avec raifon d'être dans les intérêts du prétendant, ou ceux dont les confeils & la conduite avoient donné d'ailleurs un jufte fujet de plainte à la maifon de Hanover. En un mot, on peut dire, qu'à l'avénement du roi à la couronne, il y avoit tout lieu de croire que fon regne feroit heureux & tranquille, & fi on excepte les Jacobites, dont le nombre n'étoit pas alors fort confidérable, tous les autres Anglois paroiffoient être perfuadés, qu'ils trouveroient leur compte fous l'adminiftration d'un prince, qui, en gouvernant fes fujets en Allemagne, avoit déjà donné de fi grandes preuves de fon habileté & de fa juftice. D'où vient donc qu'il fe trouve à préfent tant de mécontens parmi les Anglois? Le roi ne poffede-t-il pas toujours les mêmes bonnes qualités, qu'il porta avec lui en Angleterre? N'a-t-il pas auffi la même envie de faire fleurir les nations qu'il gouverne? Oui fans doute; & cependant on ne fauroit nier que le nombre de fes amis dans les ifles Britanniques, ne foit confidérablement diminué depuis cinq ou fix ans.

Un tel changement arrivé dans la fituation des affaires de Sa Majefté, mérite bien qu'on en recherche les caufes; mais, je ne fais s'il fera facile d'en alléguer, dont tout le monde demeurera également d'accord: car d'un côté, je vois que les étrangers, pour la plupart, ne font que trop portés à imputer tous les mécontentemens des Anglois, à une inconftance & légéreté qu'ils croient particulieres à ceux de cette nation; par conféquent, ils jugeront peut-être, qu'il eft affez inutile d'en chercher d'autres raifons. D'un autre côté, les Anglois eux-mêmes font fi divifés, & fi animés les uns contre les autres, que ce qui plaît fouvent aux Whigs, par exemple, déplaît pour la même raison aux Torys; & ce qui plaît aux Torys, déplaît aux Whigs: le moyen donc de les contenter tous; quoi qu'il en foit, comme j'ai une fincere affection pour les intérêts du roi, & comme je m'imagine qu'il pourroit être de quelque utilité pour fon fervice, fi on lui repréfentoit naïvement ce qu'il y a dans fa conduite, ou dans celle de fes miniftres, qui peut avoir donné lieu à cette aliénation des efprits, & à cette défaffection au gouvernement, qu'on remarque depuis quelque temps en Angleterre ; j'ai cru devoir hafarder cet écrit, & quoique j'aie réfolu de dire mes penfées un peu librement, j'efpere qu'on ne m'accufera pas de malignité; puifque je n'ai nulle autre vue en écrivant que de contribuer, autant qu'il m'eft poffible, à faire prendre des mesures qui à l'avenir pourront procurer à Sa Majefté tout l'agrément, & toute la fatisfaction qu'un prince doué de fi belles qualités puiffe mériter.

Je dirai donc en premier lieu, que je fuis du fentiment de ceux qui croient, que la conduite, qu'a tenue le feu baron Schutz en Angleterre, a fait un tort confidérable aux affaires de fon maître, & que la grande

diftinction que ce miniftre trouva à propos de faire entre les deux partis, des Whigs & des Torys, doit être regardée comme la premiere source des difficultés, que le roi a rencontrées dans fon gouvernement, depuis qu'il

' eft monté fur le trône.

On ne fauroit, je crois, nier, que les Torys n'aient concouru également avec les Whigs, au premier réglement qu'on a fait de la fucceffion proteftante, & qu'ils ne fuffent même alors autant perfuadés que les autres, que de ce réglement dépendoit la fureté de leur religion, & de la conflitution du gouvernement Anglois. Si quelque temps après on a vu du refroidiffement dans leur affection pour la maifon de Hanover, ou s'il y en a quelques-uns, qui ont véritablement tramé des deffeins pour renverfer la fucceffion, on prétend que cela doit être imputé à la maniere dont M. Schutz s'eft comporté à leur égard; & qu'on n'aura pas la peine à en convenir, pour peu qu'on faffe réflexion fur ce qui s'eft paffé en Angleterre, & à Hanover, pendant quelques années avant la mort de la feue reine. En effet, lorfque les Torys ont vu que d'un côté M. Schutz les évitoit, & les regardoit comme des gens fufpects, ou comme des Jacobites; & que de l'autre, il s'attachoit uniquement aux Whigs, comme s'il n'y eut eu que ceux qu'on nommoit ainfi, qui fuffent bien intentionnés pour les intérêts de fon maître, ils commencerent d'abord à fe récrier contre une telle partialité, & à fouhaiter que le miniftre de Sa Majefté en Angleterre changeât un peu de conduite; mais comme ils voyoient que leurs plaintes & leurs fouhaits à cet égard, ne leur fervoient de rien, & que M. Schutz ne revenoit pas de fes préventions; ils difent qu'il leur étoit alors affez naturel d'appréhender, que ce monfieur ne tâchât auffi de leur rendre de mauvais offices à Hanover, & qu'il ne donnât à cette cour-là, une idée auffi défavantageufe de leur parti, que celle qu'il paroiffoit avoir lui-même, ce qui avec le temps leur pouvoit être d'un très-grand préjudice; c'eft pour cette raifon entr'autres, qu'ils difent avoir projeté & propofé dans le parlement l'affaire de l'invitation, efpérant que, fi Son Alteffe Royale madame l'électrice fût alors venue en Angleterre, ils auroient pu trouver de bonnes occafions de la convaincre qu'ils ne cédoient aux Whigs, ni en zele, ni en affection pour les intérêts de la maifon de Hanover; mais les Whigs s'oppoferent à ce deffein d'appeller madame l'électrice, & comme ils étoient alors en poffeffion des charges du gouvernement, il femble qu'ils aient cru que leur principale affaire étoit de ménager les bonnes graces de la reine, & de ne point confentir à ce qui pût en aucune maniere déplaire à Sa Majefté : c'eft pourquoi ils parlerent par-tout du projet de l'invitation comme d'une chofe, qui pourroit caufer de la méfintelligence entre la cour d'Angleterre & celle de Hanover, & qui, bien-loin d'affurer la fucceffion comme prétendoient les Torys, la mettroit plutôt en danger. Ils trouverent auffi le moyen de faire entrer M. Schutz dans leurs vues, & on ne fauroit niér, que ce miniftre n'ait

beaucoup

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