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il: eft bien plus étonnant encore qu'on prenne tous ces foins pour garder un homme par qui le tribunal criminet auroit dû commencer fes jugemens. Ou Louis XVLeft le principal moteur de l'affaire du ro, ou il n'y a pas trempé; dans le fecond cas, on commet envers lui une grande injustice, en le privant de la liberté, & de fon rang. Dans le premier cas, d'Aigremont, par exemple, qu'on vient d'exécuter ayoit le droit de dire à fes juges e

Meffieurs, nous étions, une troupe de brigands, dignes fans doute du dernier fupplices, mais notre chef eft entre vos mains, qu'en faites-vous? Pourquoi, n'est-il pas ici avec nous ? Son sang doit couler avec le nôtre fur l'écha faud, les loix de l'égalité vous en font un devoir; c'est fa caufe que nous fervions nous n'avons pas commis le crime pour notre propre compte; c'eft pour lui que je dreffois, que j'endoctrinois une armée d'efpions. S'il n'eût point exifté un roi des Français, nommé Louis XVI, trois mille patriotes n'euffent point trouvé la mort fous des murs de fon château; nous demandons à être confrontés avec ce roi & fa compagne qui nous ont induits à mal par l'appât de leur lifte civile. Nous ne pré tendons pas nous juftifier en le. chargeant, mais on ne peut nous refuser la fatisfaction, de, voir, tomber sa tête avant de perdre la nôtre. Puniffez d'abord les grands coupables Entendez-vous le peuple qui murmure, & regrette d'avoir laiffé, aux doix le foin de le venger? Il n'y a point de confidérations qui tiennent; frappez où eft le crime, quel que foit le criminel, & fuivez dans vos jugemens la férie des forfaits; vos premiers coups doivent tomber fur celui qui a donné l'ordre & le premier fignal, du maf

Jacre.

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Nous n'imaginons pas ce que le tribunal auroit eu à répondre à de telles obfervations.

Argenterie des églifes.

La véritable religion, la piété folide & modefte: n'aime pas le bruit; elle pouvoit fe paffer de toutes ces cla ches, qui', loin de porter les fidèles au recueillement, faifoient murmurer les gens paifibles contre les riches, jaloux de fe diftinguer fur le bord de leur foffe par une fonnerie bruyante. C'est donc par un efprit vraiment évangélique qu'on a décrété la fonte de tout l'airain qui le trouvoit dans les minarets catholiques.

Cette

Cette réforme en appeloit une autre. Nos évêques conftitutionnels fembloient braver les loix de l'égalité fainte, en étalant avec orgueil fur leur poitrine une belle croix d'or, comme fi l'inftrument du fupplice de leur divin maître n'avoit point été de bois. On a donc, fagement agi en fubftituant l'ébène au métal brillant qui faifoit contrade avec l'humilité chrétienne que doivent profeffer nos pasteurs apoftoliques.

Ce n'eft pas tout encore; quand le fils d'une vierge pauvre inftitua la facrée euchariftie, il étoit à table; mais cette table frugale n'étoit point fervie en vaiffelle plate. J. C. ne hantoit que les fans-culottes de Jérufalem; ne buvoit point de vin de Tokai dans des coupes d'or; des calices & des patènes d'argent ou de ver- meil font donc un luxe inutile & fcandaleux fur les autels de nos églifes. C'eft donc rappeler les prètres à leur première inftitution que de leur dire: La patrie manque de numéraire pour la paie de fes foldats aux frontières. Le Dieu que vous métamorphofez en pain, & dont le fang prend la place du vin verfé dans vos calices n'exige pas que ces calices foient d'or; il defcendra tout auffibien dans une coupe de fougère ou d'argile, pourvu que la bouche du pontife qui l'appelle foit pure comme les lèvres de l'enfant à la mamelle. Ainfi donc, prêtres du Seigneur, donnez-nous vos calices, vos patènes, vos burettes, vos ciboires, vos foleils ou faint-facremens, vos croix, vos chandeliers vos encenfoirs, de même que vos habits facerdotaux & vos dais, fi lourds à porter tant ils font chargés d'or relevé en boffes. Vous n'avez pas besoin de tous ces tréfors; votre Dieu vous tiendra sûrement compte de ce petit facrifice fait à la patrie: aimeriez-vous mieux que le Hulan ou l'Autrichien vienne vous les enlever en les profanant comme il a fait déjà fur la frontière? La religion ne fera jamais plus augufte que quand elle reprendra cette antique fimplicité qui lui gagna d'abord tous les cœurs honnêtes. Imitez votre divin fondateur. J. C. pour le faire homme a'eut garde de choisir les entrailles d'un arifocrate, d'une reine ou d'une princeffe; il donna la préférence à une citoyenne obfcure, femme d'un charpentier; la vierge Marie fut fa mère; fidèle à fes principes d'égalité, quand par la fuite il vous donna l'idée de la transfubftantiation, il préféra une pâte légère de farine à quantité d'autres matières précieuses. Il defcendra tout aufli-bien fur un autel de bois ou de pierre, au fond d'un tabernacle de fleurs, que dans une niche d'or enrichie de diamans. Prêtres du Seigneur, fuivez donc les intentions & livrez No. 163. Tome 13. D

nous tout ce métal inutile, corrupteur & scandaleux, qui fe trouve dans vos facrifices, & déparez vos temples qui ne doivent être pleins que de Dieu.

En conféquence de ces motifs louables fans doute à tous égards, la municipalité vient de requérir toute l'argenterie des églifes fous quelques formes qu'elle s'y trouve. Des fentinelles ont été pofées à la porte des trefors, dont les gardiens fe montroient peu difpofés à céder avec exactitude leur dépôt entre les mains de la patrie fouffrante, & mal perfuadés de tout l'honneur qu'il en revient à la religion de feconder de tous fes moyens l'établiffemeut & le règne nouveau de l'égalité.

Sans doute que tous les départemens imiteront celui de Faris, & dépouilleront fans fcrupule l'autel pour affurer le trône de la liberté. Un de nos anciens defpotes n'hésita point à enlever les lames d'argent parfe mées fur la voûte de l'églife de Saint-Denis, pour fubvenir aux frais d'une guerre injufte. Il s'agit en ce moment des droits de vingt-cinq millions d'hommes. Quel facrifice pourroit-on refufer à une auffi belle caufe?

Religion fainte! que les impies croyoient détruite avec le deípotifme, tu vas renaître de tes cendres, & les fervices que tu rendras à la patrie te feront tous comptés.

Obfervations de P. L. Rhæderer, fur des réponses faites par des officiers fuiffes dans leurs interrogatoires.

P. L. Rhæderer, ci-devant procureur général - fyndic du département de Paris, eft accufé, par des officiers fuiffes, dans leurs interrogatoires, d'avoir paffé dans les rangs avec le roi, lors de la fameufe revue du 10 au matin, & donné ordre de repouffer la force par la force. P. L. Rhoderer nie d'abord le fait de la manière la plus abfolue. Il auroit dû borner là fa juftification; mais un légifte pourroit-il fe réfoudre à envoyer une ligne à l'ìmpreffion? pourroit il fe réfoudre à ne point recourir à la forme & aux lieux communs fophiftiques? C'est ce qu'on peut appeler fe blanchir avec de l'encre. Si nous étions chargés des fonctions d'acculateur public auprès d'un jury, formé pour juger P. L. Rhæderer, il nous feroit facile peut-être de démontrer la futilité des preuves qu'il entaffe pour étayer fa dénégation. Le principe, accufation des accufés ne fait pas peuve, eft fufceptible de mille exceptions; la preuve négative prife du filence de ceux qui ont pu voir le fait, n'eft pas applicable à tous les cas; appeler en témoignage deux ou trois roues, ci

devant miniftres, n'eft rien moins que prouver; l'alibi peut-il être jamais bien prouvé, lorfqu'on ne s'est éloigné qu'à la diftance de trente ou quarante pas ? P. L. Rhoederer paffe enfuite à l'explication de la conduite qu'il a tenue au château des Tuileries, dans la matinée du 10. Ceci mérite quelque attention.

1o. De fon propre aveu, il a dit aux gardes nationaux & aux canonniers: Si l'on vous attaque, vous vous défendrez; fi la force veut vous chaffer de votre pofte Vous y réfifter z. Pour donner même plus de poids à fon difcours, il leur a lu les deux premières difpofitions de l'article 25 de la loi du 25 août.

Quelle perfidie! M. Rhoderer, foi-disant magistrat du peuple, voyoit, de fon propre aveu, d'un côté, une infurrection que chaque minute rendoit plus générale, & par conféquent plus légitime; de l'autre, il foupçonnoit des intentions hoftiles à la cour, des moyens cachés; il appréhendoit un combat cruel, & il difpofe tout au moins à la réfiftance les fatellites du tyran. Ignoroit-il que la loi du 23 août n'eft relative quà la force publique, & que dès ce moment la garde du château ne pouvoit être qu'une force de rebellion, & que le premier devoir de ceux qui n'avoient pas renoncé au titre glorieux de citoyen, étoit de mettre bas les armes ?

M. Rhoederer prétend légitimer fon difcours aux canonniers & gardes nationaux, par l'approbation qu'il reçut de l'affemblée nationale, à laquelle il en rendit compte. Si ce difcours eût été coupable, euffai-je été admis à l'honneur de la féance, s'écrie-t-il? Quel pitoyable raifonnement! L'affemblée nationale n'a-t-elle pas accordé les honneurs de la féance à Lafayette, lorfqu'il eut le frond de l'infulter en face? M. Rhoederer fent fi bien le poids de l'accufation qui retombe fur lui, d'après fon difcours aux canonniers & gardes nationaux, qu'il prétend les avoir dégagés de, leur configne. Comment! en emmenant le roi & fa famille à l'affemblée nationale, faire évacuer le château, s'écrie-t-il, c'étoit déclarer as fez hautement qu'on renonçoit à les garder. C'étoit trop fubtil, M. Rhoderer, pour des foldats, puifque vous les aviez confignés par votre difcours ; il falloit ôter la configne, non indirectement, mais pofitivement, & en leur intimant, au nom de la loi, de fe retirer, & vous n'auriez pas dû même attendre cet inftant.

2o. M. Rhoderer ofe dire qu'il a bien mérité de la patrie dans la matinée du 10, en emmenant le roi & fa famille à l'affemblée nationale. Comme magiftrat, dit-ilje devois préferver la vie du roi & de fa famille ; pla

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cer le roi dans le fein de l'affemblée nationale, c'étoit interdire à la faction qui la menace d'attenter fur elle. Non, M. Rhoderer, ce n'étoft point une faction qui menaçoit les jours de Louis XVI, & ce n'eft point non plus par le fentiment intime de votre confcience que vous ofez dire que vous avez bien mérité de la patrie;› vos raisonnemens froids & tortueux décèlent aflez fon déchirement; interrogez-la; elle vous dira que, comme magiftrat du peuple, votre devoir n'étoit point de préferver la vie d'un roi dont toute la noirceur & la perfidie vous étoient connues; que votre devoir étoit de le fommer de fe rendre, & que s'il eût perfifté dans fon délire fanguinaire, vous deviez vous faifir de l'étendard tricolore & monter à la brèche le premier. Non, monfieur Rhoderer, en plaçant Louis XVI & fa mégère au fein de l'affemblée nationale, vous n'avifiez aucunement à la sûreté de nos repréfentans; peut-être même le monftre couronné n'étoit-il là que pour exercer fes dernières vengeances lorfque les exterminateurs auroient paru. Vous ajoutez, M. Rhoderer: comme citoyen j'ai confidéré que le roi & fa famille étoient d'utiles otages; jonglerie que cela! Quand même, ce qui n'eft pas, après la prife du château, on eût pu confidérer le roi & fa famille comme d'utiles otages, il n'en eft pas moins vrai : que vous ne l'avez point conduit à l'affemblée comme un otage, mais bien comme dans un port affuré, d'où il pouvoit paisiblement contempler l'orage, fans s'expofer: aux coups de la foudre.

Vous terminez enfin votre apologie, en vous écriant: Qu'on examine mes papiers, mes opinions, mes dif- cours, &c. &c. Hélas! tout cela ne fert qu'à nous rappeler une vérité bien affligeante les tribunes nous ont montré jufqu'ici des orateurs en foule, & peu de citoyens.

M. d'Afry, commandant des fuiffes, a été acquitté par le juré; il a prouvé qu'il n'étoit point à la journée du 10, & que le 9 il avoit refufé opiniâtrement de tirer fur les Français, quoique la reine l'en eût preflé vivement. Le peuple a vu fon innocence avec plaifir.

M. Laporte, intendant de la lifte civile, a été condamné à mort, après une féance de trente-fix heures. Il a été exécuté vendredi dernier, place du Carroufel. On a remarqué que fes derniers regards fe font tournés vers le château des Tuileries. Sa mort a vivement affecté Louis feize & fa femme.

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