Page images
PDF
EPUB

TRIBUNAL CIVIL DE GRAY
(14 janvier 1909)

COMMUNE. CONCESSION D'ÉCLAIRAGE PUBLIC ET PRIVÉ.

DROIT DU CANALISATIONS ANTÉRIEURES AU TRAITÉ DE ROUTES NATIONALES ET

PERMISSIONS DE VOIRIE.

CONCESSIONNAIRE.

CONCESSION.

DÉPARTEMENTALES.

La commune qui a accordé le monopole de l'éclairage public et privé sur son territoire à un concessionnaire, n'a pas conféré à celui-ci plus de droits qu'elle n'en avait elle-même.

S'il existait, antérieurement au traité de concession, des canalisations établies dans l'intérieur de la commune pour l'éclairage particulier, en vertu de permissions de voirie qu'il n'appartenait pas à la municipalité d'accorder ou de refuser, la commune et le concessionnaire, qui lui est substitué, sont sans droit et sans qualité pour en demander la suppression.

Le préfet est resté, comme il l'était avant la circulaire ministérielle du 15 août 1893 et la loi du 15 juin 1906, compétent pour délivrer des permissions de voirie en vue de l'adduction de l'eau et de la lumière chez des particuliers, sans l'intervention du corps municipal, lorsqu'il s'agit d'installations qui ne comportent pas un acte de concession, effectuées sur des routes nationales ou départementales traversant le territoire de la commune.

La commune et le concessionnaire ne sont pas fondés à demander la suppression de canalisations établies antérieurement au traité de concession, en vertu de permissions de voirie régulièrement accordées par le préfet au moment où elles sont intervenues.

Il appartient à l'autorité administrative seule de prendre telles mesures qu'elle juge nécessaires lorsqu'une canalisation a été établie sur une route départementale sans permission régulière.

Les circonstances de la cause sont exposées dans le jugement suivant, rendu sur les conclusions de M. Blavin, procureur de la République :

Le Tribunal,

Attendu que Bardot, agissant en qualité de représentant de la Compagnie du gaz de Gray, est opposant à un jugement par défaut faute de conclure du 22 juillet 1908; que son opposition est régulière en la forme;

Au fond attendu que Régnier, directeur de la Société des grands moulins de Gray, concessionnaire de l'éclairage public et privé de la commune d'Arc-lès-Gray et exerçant les droits de ladite commune, demande que Bardot, ès qualités qu'il agit, soit tenu de cesser l'utilisation en vue de l'éclairage privé de toutes les canalisations par lui établies sous les routes nationales nos 69 et 70 et le chemin de grande communication no 2, en tant qu'elles empruntent le territoire de la commune d'Arc; que, pour justifier sa demande, il se prévaut d'un traité conclu avec la municipalité d'Arc, le 7 avril 1902, par lequel il aurait obtenu

le monopole de l'éclairage public et particulier sur tout le territoire d'Arc;

Attendu qu'aux termes de ce traité, la commune s'interdit d'autoriser tout établissement pouvant faire concurrence à l'entreprise de Régnier, pour l'éclairage privé, pendant la durée de la concession, mais sans prendre aucun engagement pour le passé; qu'elle a, en effet, prévenu Régnier que la Compagnie du gaz de Gray avait déjà établi les canalisations dont la suppression est aujourd'hui demandée, en lui indiquant qu'elles avaient été installées sans l'autorisation de la municipalité et qu'il pouvait, de ce chef, exercer les droits de la commune, si bon lui semblait à ses risques et périls et sans aucun recours;

Attendu que, dans ces conditions il y a lieu de rechercher uniquement si la commune, aux droits de laquelle Régnier est substitué, avait ou aurait eu qualité pour s'opposer à ce que les permissions de voirie, en vertu desquels les travaux de canalisation ont été exécutés, en 1886 et en 1891, c'est-à-dire plus de dix ans avant la signature du traité avec la Société des grands moulins, fussent accordés par l'autorité compétente; Attendu que Bardot et les habitants d'Arc, qui traitaient avec lui dans la plénitude de leurs droits pour l'adduction du gaz chez eux, empruntaient exclusivement le sous-sol des routes dépendant du domaine de l'État et du département; que, par suite, le préfet avait seul qualité pour accorder ou refuser, dans l'intérêt de la circulation ou de l'entretien de la chaussée, les permissions de voirie nécessaires; qu'à la vérité, une circulaire ministérielle du 15 août 1893, émanant des ministres de l'intérieur et des travaux publics, a décidé, sur avis conforme du Conseil d'État en date du 27 juin 1893, que les communes pourraient accorder des concessions de distribution d'eau et de lumière pour toutes les voies publiques du territoire communal, même pour celles de grande voirie, mais que l'avis du Conseil d'État et la circulaire précités ont formellement réservé le pouvoir qu'a le préfet de donner des permissions de voirie, sans l'intervention du corps municipal, lorsqu'il s'agissait, comme dans l'espèce, d'installations qui ne comportent pas un acte de concession; que cette doctrine n'a pas été modifiée par la loi du 15 juin 1906 sur le transport de l'énergie électrique, dont l'article 5 reproduit la même réserve;

Attendu que la commune d'Arc, et par suite, Régnier, son ayant cause, ne sont pas fondés à se prévaloir de ce que la municipalité n'aurait pas donné son consentement préalable à l'établissement de canalisations installées antérieurement au traité de concession de 1902, en vertu de permissions de voirie régulièrement délivrées par le préfet à l'époque où elles sont intervenues;

Qu'ils sont également sans droit pour soutenir que l'une des canalisations (celle établie pour l'éclairage de la gare de l'Est), qui emprunte, sur un faible parcours, le chemin de grande communication no 2, dans la traversée d'Arc, avait été établie en 1886, sans qu'il soit justifié d'une permission régulière délivrée à cette époque, puisque la commune d'Arc

n'avait pas à donner d'autorisation sur une route dépendant du domaine du département et qu'il aurait appartenu à l'autorité administrative seule de relever une contravention dans les limites de son pouvoir et de sa compétence;

Par ces motifs,

Recevant en la forme et au fond l'opposition de Bardot au jugement du 22 juillet 1908, dit Régnier ès qualités mal fondé dans son action; l'en déboute, etc., etc. »

[blocks in formation]

Celui qui, d'un département où la chasse est ouverte, expédie du gibier dans un département où la chasse est fermée, en déclarant à la gare de départ la nature de la marchandise, d'ailleurs emballée de façon apparente, n'encourt aucune responsabilité pénale.

Son expédition constitue un mandat donné par l'expéditeur au transporteur d'effectuer l'expédition en respectant les règles administratives concernant le transport du gibier, mandat dont l'infraction ne peut lui être imputée.

Au commencement de janvier 1909, alors que la chasse était encore ouverte dans le département de la Lozère, M. Ernest Grousset, propriétaire à Villeneuve-la-Crémade, commune de Chastel-Nouvel, désirant offrir un lièvre à un parent de Paris, l'a fait emballer, en laissant, suivant l'usage, apparaître la tête et la queue, et l'a fait porter à la gare du chemin de fer de Mende en ayant soin de déclarer la nature du colis et de retirer récépissé.

Quelques jours après, il apprit qu'à Paris la chasse était fermée, que le colis avait été confisqué à l'octroi et que procès-verbal lui avait été dressé pour colportage de gibier en temps prohibé.

Poursuivi devant le tribunal correctionnel, il a été relaxé, après réquisitions de M. Viguier, substitut du procureur de la République, par le jugement ainsi conçu :

Le Tribunal,

Attendu qu'il est argué et qu'il n'est point contesté : 1o que le lièvre expédié par M. Grousset à Paris, par colis postal, a été déposé par l'ex

péditeur à la gare de Mende, chef-lieu du département de la Lozère, le 11 janvier, époque où la chasse était encore ouverte dans le département; 2o que M. Grousset a déclaré la nature du colis expédié, ainsi qu'il résulte du récépissé versé aux débats; que le lièvre, d'ailleurs, était apparent, la tête et la queue restant découvertes dans l'emballage;

Attendu qu'une expédition faite dans ces conditions loyales constitue un mandat donné par l'expéditeur au transporteur d'effectuer l'expédition en respectant les règles administratives concernant le transport du gibier; que, si le transporteur, au lieu de refuser ce mandat en indiquant qu'une pareille expédition est impossible de Mende à Paris, l'accepte et y contrevient en violant les règles administratives précitées qu'il avait mission tacite de respecter, il ne saurait faire encourir à l'expéditeur une responsabilité pénale;

Par ces motifs,

Relaxe, etc.

Dans le même sens : C. d'Amiens, 23 février 1882.

En ce qui concerne le transport du gibier, l'article 51 de l'ordre de service 8, série B, des gares de chemins de fer porte:

Le transport du gibier est interdit pendant toute la durée de la fermeture de la chasse. La date de l'ouverture ou de la fermeture de la chasse n'étant pas la même dans tous les départements, une expédition de gibier ne peut être acceptée que si le transport ne doit traverser que les départements dans lesquels la chasse est autorisée.

Tous les ans, des ordres du jour de la série B font connaître aux gares les dates des ouvertures ou fermetures de la chasse dans les départements desservis par le réseau et, autant que possible, dans tous les départements français. La connaissance de ces dates permet aux gares d'assurer l'application des règles précédentes.

Lorsqu'une gare ignore si la chasse est ouverte dans certains départements, elle n'accepte les expéditions devant traverser ces départements que si l'expéditeur est solvable et consent à signer une déclaration ainsi

conçue:

« Je déclare expédier... colis gibier à..., département de..., garantissant que la chasse est ouverte dans ce département, ainsi que dans tous ceux à traverser, et m'engageant, s'il y a saisie, à prendre à ma charge toutes les difficultés auxquelles ce transport viendrait à donner lieu au point de vue des règlements de la chasse et de toutes leurs conséquences. »

[blocks in formation]

Celui qui chasse sur une terre portant un piquet indiquant que le droit de chasse est abandonné au profit de la commune, alors même que ce piquet a été abusivement déplacé, tombe dans une erreur véritablement invincible, et ne se rend coupable d'aucune infraction caractérisée; il doit être relaxé.

C'est ce qu'a décidé le jugement ainsi conçu :

Le Tribunal,

Attendu que Jeanlin, huissier, demeurant à Attigny, est traduit par Léonard, industriel à Givonne, devant le tribunal correctionnel, pour avoir, à la date du 4 octobre 1908, chassé sur une terre appartenant aux consorts Grosieux, dont le droit de chasse appartient à Léonard; Attendu que le fait matériel de chasse est reconnu;

Attendu, d'autre part, qu'il est constant que la parcelle, sur laquelle Jeanlin a chassé, portait un piquet comme en portent toutes les parcelles dont le droit de chasse est abandonné au profit de la commune; Attendu que Jeanlin, qui est étranger à la commune, a été, par le fait de cette circonstance, induit en erreur; qu'il a cru être en droit de chasser sur cette parcelle; que, sans doute, il résulte de l'enquête à laquelle il a été procédé, que ce piquet, qui se trouvait sur une parcelle voisine, a été déplacé et replanté dans la terre Grosieux, et ce, par une tierce personne, dans des conditions et pour une raison qui n'ont pu être établies; mais qu'il n'en est pas moins certain que Jeanlin, en chassant sur la terre Grosieux, qui était à ce moment-là munie du piquet, est tombé dans une erreur véritablement invincible et que le tribunal ne peut retenir aucune infraction caractérisée à sa charge; qu'il y a lieu dans ces conditions de le relaxer des fins de la poursuite sans dépens;

Par ces motifs,

Acquitte le prévenu et le renvoie des poursuites sans dépens; condamne auxdits dépens la partie civile demanderesse.

« PreviousContinue »