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Ici, Me Crémieux présente quelques observations sur les motifs du refus, puis il ajoute :

<< Mais l'autorisation refusée hier peut nous être accordée demain; demain un ministre peut croire que le temps. n'est plus de craindre qu'une école, ouverte à l'éducation de quelques jeunes gens, soit une institution destinée à raviver, à perpétuer les haines politiques; demain un ministre peut croire, au contraire, que le meilleur moyen d'éteindre ces haines, c'est de donner une bonne éducation, une éducation nationale même à de petits enfants de Vendéens, enfants qui, d'ailleurs, ne peuvent souffrir, aux yeux d'un gouvernement juste, des fautes que leurs pères auraient commises! Croyez-moi, messieurs, l'autorisation peut encore nous être accordée; les 100,000 fr. annuellement affectés par le duc de Bourbon à cette généreuse institution seraient 100,000 fr. bien employés, et la Légion d'honneur, objet de nos respects, la Légion d'honneur, qu'il serait si facile de dédom. mager si un acte injuste l'avait dépossédée, la Légion. d'honneur nous pardonnerait sans peine les efforts que nous tentons pour obtenir un établissement tout favorable, qui, nous n'en doutons pas, serait accueilli par l'opinion publique avec un véritable intérêt. »

Me Delangle, avocat de M. le maréchal Gérard, Chancelier de la Légion d'honneur, s'exprime en ces termes :

« Si la volonté personnelle du Chef de l'État eût été suivie, si la délibération du conseil de famille eût été respectée, il n'y aurait pas de procès, et la Légion d'honneur eût obtenu la restitution qui lui est due. Aussi n'est-ce pas sans regret que le procès a été engagé, mais il ne dépendait pas du maréchal Gérard de reculer devant une action que lui imposaient les nécessités et les devoirs de sa position. >>>

Me Delangle, après avoir cité le décret qui fonde la Légion d'honneur et affecte à ses besoins une dotation mobilière et immobilière, expose que, le 6 juillet, un décret impérial porta concession à son profit du château d'Écouen, à titre onéreux, et moyennant l'abandon de rentes qui lui appartenaient. Écouen fut peu après destiné à recevoir les filles de légionnaires, et c'est alors qu'intervint le décret de 1807,

qui, loin de renfermer une concession purement gratuite, se rattachait nécessairement à celui de 1806, en disant que les bois d'Ecouen faisaient partie de la dotation et seraient affectés aux dépenses de la maison impériale Napoléon!

<< Il est si vrai, dit Me Delangle, que le décret de 1807 ne constitua pas, dans l'intention de l'empereur, un supplément de dotation à titre gratuit, que M. le Ministre des finances écrivait à M. le Chancelier de la Légion d'honneur, qu'il avait invité le directeur des domaines à remettre les bois à la Légion, à valoir sur les remplacements qui lui étaient dus.

» En 1814, les agents du prince de Condé se présentaient pour prendre possession d'Ecouen. Ils invoquaient une ordonnance de restitution. On ne pouvait comprendre une pareille ordonnance, en présence de la Charte, qui maintenait les ventes nationales et reconnaissait la Légion d'honneur, évidemment avec la constitution qui lui appartenait.

Il ne faut pas croire que la Légion d'honneur se laissa dépouiller sans réclamer: d'abord pendant les cent jours, elle obtint une restitution; mais en 1815, M. le prince de Bourbon fut de nouveau mis en possession.

» Vous comprenez, Messieurs, ce que les circonstances imposaient alors de ménagement aux hommes éminents qui étaient à la tête de la Légion d'honneur. L'ordre de la Légion d'honneur était plutôt, alors, toléré que respecté; il est vrai que la Charte le reconnaissait, mais on savait qu'il était vu avec défaveur, parce qu'il se rattachait au souvenir d'une révolution, et qu'on désirait le faire disparaître, pour le confondre dans l'ordre de Saint-Louis. En outre, la Légion d'honneur n'avait pas de revenus suffisants pour faire face à ses dépenses, et on espérait que le budget pourrait un jour renfermer une allocation qui permettrait de venir au secours des légionnaires; ces considérations commandaient la prudence. Mais ce qui prouve qu'on ne se considéra jamais comme légalement dépouillé, c'est qu'en 1816 et 1817 des ouvriers, ayant réclamé le paiement de certains travaux faits à Écouen, le conseil de la Légion d'honneur ordonna ce paiement. Enfin, sous le ministère Villele, M. le maréchal Macdonald, alors Chancelier, crut devoir renouveler, avec modération, mais avec

persistance, les réclamations de la Légion. Il écrivit à M. de Villele; on lui répondit de garder le silence, et qu'un article du budget allait comprendre la Légion pour 4 ou 5 millions; on lui fit entendre, en outre, que M. le prince de Condé n'était plus jeune, et que le temps où une réclamation pourrait être présentée d'une manière plus utile, n'était peutêtre pas très éloigné.

» Les choses étaient en cet état en 1829, lorsque M. le prince de Condé fit son testament. »

Me Delangle, après avoir raconté que l'exécution du legs, relativement à Écouen, devint inexécutable en raison du refus d'autorisation du conseil d'État, combat l'intervention de Mme de Feuchères, comme faite sans droit, puisque, par suite de la caducité du legs, elle n'a conservé aucun droit aux biens en litige.

« C'est donc entre M. le duc d'Aumale et la Légion d'honneur que s'élève la question de propriété.

» Aussitôt le décès de M. le prince de Condé, le Chancelier de la Légion d'honneur s'empressa de protester en rappelant ce qu'avaient d'explicite les décrets de 1806 et de 1807... >>

Ici Me Delangle est interrompu par M. le président, qui déclare que la cause est entendue.

L'affaire est remise à huitaine pour les conclusions de M. Thévenin, avocat du Roi.

(Extrait de la Gazette des Tribunaux, no du 4 juillet 1838.)

M. Thévenin, avocat du Roi, a donné aujourd'hui ses conclusions dans l'affaire pendante, entre M. le Chancelier de la Légion d'honneur et M. le duc d'Aumale, relativement au château et aux bois d'Écouen. M. l'avocat du Roi a pensé que les décrets de 1806 et 1807, ayant mis la Légion d'honneur en possession de ces biens à titre onéreux, une ordonnance n'avait pu légalement les comprendre dans les restitutions faites à M. le prince de Condé. Il a donc conclu à l'admission de la réclamation de M. le Chancelier de la Légion d'honneur. Quant à l'intervention de

Mme de Feuchères, M. l'avocat du Roi a dit qu'elle avait eu lieu sans qualité, Mme de Feuchères n'ayant plus aucun droit sur le château et le bois d'Ecouen, depuis qu'il a été décidé souverainement que ces biens devaient être attribués au légataire universel.

(Extrait de la Gazette des Tribunaux, no du 12 juillet 1838.)

La re Chambre du tribunal, présidée par M. de Belleyme a rendu son jugement dans l'affaire de M. le Chancelier de la Légion d'honneur contre M. le duc d'Aumale et Mme la baronne de Feuchères. Le tribunal a pensé que les décrets de 1806 et de 1807 avaient conféré à la Légion d'honneur la propriété du château et des bois d'Écouen, à titre onéreux; qu'en conséquence, cette propriété, maintenue par la Charte, n'avait pu être transmise à M. le prince de Condé par une ordonnance postérieure; qu'en outre la possession prise par M. le prince de Condé n'avait pas créé de droit à son profit; en conséquence, M. le duc d'Aumale a été condamné, comme héritier du prince, à restituer à la Légion d'honneur le château et les bois. Mme de Feuchères a été déclarée non recevable dans son intervention, comme n'ayant ni droit, ni intérêt à intervenir.

TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS

CHAPITRE PREMIER

SOMMAIRE. État de l'éducation des femmes à la fin du

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de Mme Campan.
Sa séparation.

Marie-Antoinette.

-

Intervention

-

Sa jeunesse. - Son mariage.
Première femme de chambre de

-

Courage dans le malheur.

Pension de Saint-Germain. Miles de Beauharnais

et Bonaparte.

Religion.

-

-

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Enseignement de Mme Campan. -

Patriotisme.

Étude de l'histoire.

-

Respect du peuple. - Plan d'une institution publique
de jeunes filles.

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SOMMAIRE. Décisions du Conseil d'État. - Napoléon
adopte les enfants des soldats tués à la bataille d'Aus-
terlitz. Joie de Mme Campan. Création de trois
maisons d'éducation de la Légion d'honneur. - Nom-
breux édifices proposés. — Les châteaux de Bourg-la-
Reine, de Clermont, de Choisy. Les abbayes de
Flines, de Denain. Les monastères des Recollets,
du Bec. - Les couvents de Moulins, de Saint-Maixent.
- La pension de Mayence.-Désignation du palais de
Chambord. Sursis aux travaux. Choix définitif
d'Écouen.

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Pages.

V

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