Page images
PDF
EPUB

>>

Quelque jugement que nos contemporains ou la postérité puissent porter de nous, nous n'aurons pas à craindre celui de notre conscience; à quelque danger que nous soyons exposés, il nous restera le bonheur d'avoir épargné les flots de sang français qu'une conduite plus faible aurait fait couler; nous échapperons du moins aux remords, et nous n'aurons pas à nous reprocher d'avoir vu un moyen de sauver la patrie et de n'avoir osé l'embrasser! »

L'ASSEMBLÉE NATIONale aux Français. ( Adresse présentée par M. Delaunay d'Angers, décrétée et publiée le 19 août 1792.)

Lorsque les représentans du peuple, placés entre une conjuration puissante qui voulait les disperser pour ensevelir la liberté sous les cadavres de ses défenseurs, et le vœu de cent mille citoyens qui demandaient la déchéance du roi, ont cru ne devoir céder ni au zèle trop ardent des amis de la liberté ni aux menaces de ses ennemis; lorsque, fermes au milieu des plus grands orages, ils ont voulu, bravant tous les dangers, sauver la patrie et rester fidèles à leurs sermens, ils prévoyaient bientôt une lumière terrible éclairerait tous les complots, que et que la France entière bénirait à la fois et leur modération et leur justice.

» La suspension du roi était le seul moyen de mettre aa grand jour les trahisons d'une cour conspiratrice, qui espérait couvrir tous ses crimes du voile de l'inviolabilité constitutionnelle; et ce voile est déchiré !

» Le roi s'opposait-il par un acte formel aux entreprises contre la nation lorsqu'il soudoyait aux dépens du peuple ses anciens gardes, réunis à Coblentz en corps de troupe, prenant sur une terre étrangère le titre de gardes du roi de France, et affichant avec insolence et leur zèle pour leur roi, et leurs projets contre leur patrie?

>>

S'opposait-il par un acte formel aux entreprises des émigrans lorsqu'il faisait placarder des affiches en leur nom, ou lorsqu'il pensionnait des hommes occupés de lui préparer les moyens de fuir vers les frontières, ou lorsque, dans leur con

[ocr errors]

respondance secrète, ses frères l'invitaient à continuer de tromper le peuple? Enfin s'opposait-il par un acte formel aux entreprises faites en son nom par les puissances étrangères lorsqu'il payait de vils écrivains. pour avilir les assignats, et anéantir en les discréditant tous nos moyens de défense?

» N'avait-il pas rétracté le serment de maintenir la Constitution lorsqu'il cherchait à rassembler auprès de lui la minorité des députés, à les rendre l'instrument servile de ses projets, et à créer, pour détruire la Constitution, un simulacre de représentation nationale?

N'avait-il pas rétracté ce serment lorsqu'il cherchait à captiver par des signatures secrètes, machinées dans des réunions de députations particulières, ce vœu que, suivant la Constitution, les représentans du peuple ne doivent émettre que dans une assemblée générale et publique?

» N'avait-il pas rétracté son serment lorsqu'il rassemblait dans son palais des troupes étrangères au mépris de la Constitution, lorsqu'il s'assurait de leur obéissance par une paie additionnelle et secrète, lorsqu'enfin de perfides insinuations les forçaient à violer les ordres de leurs souverains et triomphaient de leur répugnance à verser le sang français ?

» N'était-ce pas encore avoir rétracté ce serment que de récompenser les officiers qui refusaient d'accepter des places dans l'armée nationale, et promettaient de servir le roi contre la nation?

Chargé par la loi du maintien de la tranquillité publique, remplissait-il son serment lorsqu'il payait sur la liste civile des folliculaires, des libellistes, des afficheurs chargés en son nom d'employer les plus vils moyens de la troubler?

>>

Ainsi, dès le premier moment où la suspension du pouvoir royal a permis de fouiller dans ces repaires jusqu'alors couverts par son inviolabilité, ce grand acte de justice autant que de prudence a été justifié par les machinations secrètes qu'il a dévoilées, comme il l'était d'avance par les faits publics qui l'avaient rendu nécessaire.

[ocr errors]

» Fallait-il donc, par un superstitieux respect pour la Cons. titution, laisser paisiblement le roi et ses conseillers perfides détruire là liberté française, et la Constitution avec elle? Fal

lait-il, dociles aux sophismes d'un parti dont le masque est enfin tombé, confondre avec une violation coupable de la Constitution la convocation du souverain, à qui appartient le droit imprescriptible de la réforme? Non, sans doute, et puisque la trahison du roi et de ses complices a pu acquérir une évidence irrésistible, quels reproches pourrait-on adresser encore à ceux qui, à la fois convaincus d'avance de cette trahison, et ne pouvant réunir entre leurs mains les moyens de la prouver, ont su en prévenir les effets, et ont eu l'impartiale équité de laisser à d'autres le soin de la juger?

1

» Ce respect hypocrite pour la loi qu'affectaient les conspirateurs des Tuileries, et dont leurs complices ou leurs dupes osent encore se servir dans quelques portions de l'empire, n'est donc plus qu'une dérision perfide! Qui oserait encore se plaindre que le soin de repousser les ennemis du dehors ait été enlevé à un roi convaincu d'avoir soudoyé une partie de leur armée, et que le devoir de maintenir la tranquillité publique ne soit plus confié à celui qui se servait des bienfaits de la nation pour anéantir le crédit public, pour susciter des mouvemens populaires, pour semer les divisions et les troubles.

#

4

» Citoyens, on vous parle de vous rallier auprès de la Constitution, c'est à dire, dans le sens des conspirateurs, de remettre encore une fois vos destinées aux mains d'un roi parjure, au moment même où la volonté souveraine du peuple, légalement interrogée, est prête à se manifester! On vous invitę, sous le masque de l'amour pour la loi, à ne pas reconnaître l'autorité de vos représentans, lorsque, venant de l'abdiquer avant le terme, ils n'attendent pour cesser leurs fonctions que des successeurs investis par vous du pouvoir de sauver la liberté ! Mais vous saurez éviter ces piéges grossiers; vous ne balancerez point entre ceux qui ont défendu vos droits et ceux qui les ont trahis, entre ceux qui vous ont remis les pouvoirs émanés de vous et ceux qui en ont abusé pour vous asservir; vous ne balancerez point entre une anarchie funeste et la soumission à l'autorité des représentans élus du peuple, autorité provisoirement légitime par elle-même du moment où l'appel au vœu national a été prononcé ; vous vous réunirez à nous pour vivre ou mourir libres, pour combattre avec nous les armées de nos courtisans

"

C

conspirateurs comme celles des rois étrangers, pour maintenir l'intégrité du territoire français, pour assurer la convocation libre, prompte et paisible de cette Convention nationale, qui va établir la liberté, l'égalité des citoyens et la souveraineté du peuple sur des bases inébranlables.

» Des ennemis étrangers nous menacent, et notre union seule peut les vainere. Une nouvelle assemblée de représentans du peuple doit mettre un terme à nos dissensions; mais elle ne peut nous sauver si les citoyens ne s'unissent dans le vœu unanime de la reconnaître pour l'arbitre unique et suprême de tous leurs intérêts.

sf

» Citoyens, l'Assemblée nationale vous offre seule ce point de ralliement nécessaire au salut public; vous ne pouvez vous séparer d'elle sans trahir sa patrie; et lorsque, par sa volonté même, les pouvoirs que vous lui avez donnés vont cesser avant le terme fixé par vous, elle peut sans doute vous rappeler avec plus de force le devoir d'être soumis à son autorité constitutionnelle, qui subsiste encore tout entière. Français, les hommes qui ont bravé pour vous les menaces des rois et les poignards des conspirateurs ne peuvent connaître qu'une seule crainte, celle de vous voir perdre par vos divisions le fruit de leur courage; et pour prix d'avoir brisé les fers qu'une cour perfide vous avait préparés, ils ne vous demandent qu'une seule récompense, c'est de les aider encore quelques jours à sauver la patrie! »

T

ADRESSE de l'Assemblée nationale à l'armée du nord, et décret d'accusation contre le général Lafayette; proposés par MM. Lasource et Ducos au nom de la commission extraordinaire, et adoptés dans les séances des 19 et 20 août 1792.

P

(A cette adresse étaient jointes les pièces trouvées dans le cabinet du roi et dans les bureaux de l'intendant de la liste civile. L'analyse en est présentée dans un rapport que nous consignons plus loin, page 352.)

[ocr errors]

་་

« Braves soldats, vous êtes trompés! De perfides conspirateurs, ennemis plus dangereux pour vous que les étrangers qui nous menacent, veulent allumer la guerre civile en France, et tourner contre le sein de la patrie les bras qu'elle dirigeait

[ocr errors][ocr errors]

contre les satellites des tyrans du nord : ne pouvant vous corrompre, ils cherchent à vous égarer. L'Assemblée nationale, convaincue que le soldat français peut être induit en erreur, mais jamais entraîné jusqu'au crime, va vous faire entendre le langage de la vérité, arracher de vos yeux le bandeau qui les couvre encore, et vous épargner la douleur d'avoir pu balancer entre votre pays et quelques rebelles.

» Enfans et défenseurs de la patrie, écoutez la voix de vos représentans! Une grande conjuration se tramait à la cour de Louis XVI contre la liberté publique; vous étiez vous-mêmes le jouet des artisans de cette œuvre de ténèbres et de contrerévolution, et vous serviez à votre insu les alliés de Coblentz en croyant combattre contre eux : les citoyens de Paris, dont la surveillance infatigable a déjà déjoué tant de complots ont encore fait avorter celui qui se préparait, le dernier sans doute que nous ayons à redouter si vous restez fidèles à votre devoir. Le corps législatif a secondé par de grandes mesures de salut public l'énergie des braves Parisiens et des fédérés des quatrevingt-trois départemens : c'est ainsi qu'en 1789 la prise mémorable de la Bastille enfanta la Déclaration des Droits de l'homme et l'abolition des priviléges; la France entière célébra cette heureuse journée, et de toutes parts, dans tous les départemens, dans chacune des armées, un concert d'adhésions et d'actions de grâces s'élève aujourd'hui pour récompenser les représentans du peuple de l'avoir sauvé sur les bords de l'abîme.

»

1

Déjà les partis qui divisaient l'Assemblée nationale se sont réunis en un seul; les trahisons de Louis XVI ont ouvert les yeux à ses plus confians défenseurs, et les représentans du peuple marchent aujourd'hui dans la plus heureuse harmonie. Est-ce sous ces couleurs que les agitateurs de l'armée du nord

ous ont peint les événemens du 10 août? Ils vous ont dit que Louis XVI était suspendu de ses fonctions: mais ils n'ont pas ajouté que ce roi parjure, coalisé avec les ennemis du dehors, entretenait à Coblentz ses anciens gardes du corps, correspon dait avec ses frères, leur fournissait les moyens de vous combattre; et employait contre le peuple le pur sang du peuple, consacré à la splendeur de son trône; que tous les libelles qui pervertissaient l'opinion publique et préparaient le retour de l'ancien régime étaient payés par la liste civile; ils n'ont pas

« PreviousContinue »