sages vues de cette loi, que la faculté de donner des immeubles joindrait à tant d'autres inconvéniens, celui de devenir un prétexte de solliciter et d'obtenir, sous les apparences d'une fondation libre, la restitution souvent forcée des biens qui ont appartenus aux ecclésiastiques, et dont l'aliénation a été ordonnée par les lois. Cependant il a paru raisonnable de faire une exception à la défense de donner des immeubles, dans les cas où la libéralité n'aurait pour objet qu'un édifice destiné à ménager un logement convenable à l'évêque ou au curé. Le logement fait partie de la subsistence et du nécessaire absolu: il a toujours été rangé par les lois dans la classe des choses qu'elles ont indéfiniment designées sous le nom d'alimens. Au reste, le produit des fondations est trop éventuel pour garantir la subsistence actuelle des ministres ; celui des oblations est étranger aux évêques, et il serait insuffisant pour le curé. Il faut pourtant que les uns et les autres puissent vivre avec décence et sans compromettre la dignité de leur ministere; il faut même, jusqu'à un certain point que les ministres du culte puissent devenir des ministres de bienfaisance, et qu'ils aient quelques moyens de soulager la pauvreté et de consoler l'infortune. D'après la nouvelle circonscription des métropoles, des dioceses, et des paroisses, on a pensé que l'on ne pouvait assigner aux archevêques ou métropolitains un revenu au-dessous de quinze mille francs, et aux évêques, au-dessous de dix-mille. Les curés peuvent être distribués en deux classes. Le revenu des curés de la premiere classe sera fixé à quinze cents francs; celui de la seconde, á mille francs. Les pensions décrétées par l'assemblée constituante en faveur des anciens ecclésiastiques, seront payées en acquittement du traitement déterminé. Le produit des oblations et des fondations présente une autre resource; en sorte qu'il ne s'agira jamais que de fournir le supplément nécessaire pour assurer la subsistence et l'entretien des ministres. Les ecclésiastiques pensionnaires de l'état, ne doivent point avoir la liberté de refuser arbitrairement les fonctions qui pourront leur être confiées: ils seront privés de leurs pensions, si des causes légitimes, telles que leur grand âge ou leurs infirmités, ne justifient leur refus. En déclarant nationaux les biens du clergé catholique, on avait compris qu'il était juste d'assurer la subsistence des ministres à qui ces biens avaient été originairement donnés: on ne fera donc qu'exécuter ce principe de justice, en assignant aux ministres catholiques des secours supplémentaires jusqu'à la concurrence de la somme réglée pour le traitement de ces ministres. Telles sont les bases des articles organiques. Quelles espérances n'est-on pas en droit de concevoir pour le rétablissement des mœurs publiques! Les sciences ont banni pour toujours la superstition et le fanatisme, qui ont été si long-tems les fléaux des états. La sagesse ramene à l'esprit de la pure antiquité, des institutions qui sont, par leur nature, la source et la garantie de la morale. Désormais les ministres de la religion seront dans l'heureuse impuissance de se distinguer autrement que par leurs vertus. Tous les bons esprits bénissent, dans cette occurrence, les vues et les opérations du gouvernement. Dans le seizieme siecle, le chef de la religion catholique fut le restaurateur des lettres en Enrope; dans le dix-neuvienie, un héros philosophe devient le restorateur de la religion. Rapport du Citoyen Portalis sur les Articles Organiques des Cultes Protestans. Une portion du peuple Français professe la religion protestante. Cette religion se divise en diverses branches; mais nous ne connaissons guere en France que les protestans connus sous le nom de réformés, et les luthériens de la confession d'Augsbourg. Toutes les communions protestantes s'accordent sur certains principes. Elles n'admettent aucune hiérarchie entre les pasteurs ; elles ne reconnaissent en eux aucun pouvoir émané d'en haut: elles n'ont point de chef visible. Elles enseignent que tous les droits et tous les pouvoirs sont dans la société des fideles, et en dérivant: Si elles ont une police, une discipline, cette police et cette discipline sont réputées n'être que des établissemens de convention. Rien dans tout cela n'est réputé de droit divin. Nous ne parlerons pas de la diversité de croyance sur certaines doctrines; l'examen du dogme est étranger à notre objet. Nous observerons seulement que les diverses communions protestantes ne se régissent pas de la même maniere dans leur gouvernement extérieur. Le gouvernement des églises de la confession d'Augsbourg est plus gradué que celui des églises réformées; il a des formes plus sévères. Les églises reformées, par leur régime, sont plus constamment isolées; elles ne se sont donné aucun centre commun auquel elles puissent se rallier, dans l'intervalle plus ou moins long d'une assemblée synodale à une autre. Ces différences dans le gouvernement des églises réformées, et dans celui des églises de la confession d'Augsbourg, ont leur source dans les circonstances diverses qui ont présidé à l'établissement de ces églises. Les pasteurs des diverses communions protestantes nous ont adressé toutes les instructions nécessaires. Je dois à tous le témoignage qu'ils se sont empressés de faire parvenir leurs déclarations de soumission et de fidélité aux lois de la république et au gouvernement. Ils professent unanimément que l'église est dans l'état, et que l'on est citoyen avant d'être ecclésiastique, et qu'en devenant ecclésiastique, on ne cesse pas d'être citoyen. Ils se félicitent de professer une religion qui recommande partout l'amour de la patrie et l'obéissance à la puissance publique. Ils bénissent à l'envi le gouvernement Français, de la protection éclatante qu'il accorde à tous les cultes qui ont leur fondement dans les grandes vérités que le christianisme a notifiés à l'univers. D'après les instructions reçues soit par écrit, soit dans des conférances, il était facile de fixer le régime convenable à chaque communion protestante. On ne pouvait confondre des églises qui ont leur discipline particuliere et séparée. Delà les articles organiques ont distingué les églises de la confession d'Augsbourg d'avec les églises réformées, pour conserver à toutes leur police et la forme de leur gouvernement. D'abord on s'est occupé de la circonscription de chaque église ou paroisse; on a donné un consistoire local à chaque église, pour représenter la société des fideles, en qui, d'après la doctrine protestante, résident tous les pouvoirs. On a fixé le nombre des membres qui doivent composer ce consistoire; on a déterminé leur qualité et la maniere de les élire. Les églises réformées sont maintenues dans la faculté d'avoir des assemblées synodales; et les églises de la confession d'Augsbourg auront, outre les consistoires locaux et particuliers à chaque église des inspections et des consistoires généraux. Les articles organiques s'occupent ensuite du traitement des pasteurs: ils maintiennent en leur faveur les oblations qui sont consacrées par l'usage, ou qui pourront l'être par des réglemens; ils pourvoient à l'établissement des académies ou séminaires destinés à l'instruction de ceux qui se vouent au ministere ecclésiastique. Rien n'a été négligé pour faire participer les protestans au grand bienfait de la liberté des cultes. Cette liberté, jusqu'ici trop illusoire se réalise aujourd'hui. Qu'il est heureux de voir ainsi les institutions religieuses placées sous la protection des lois, et les lois sous la sauve-garde, sous la salutaire influence des institutions religieuses. PROJET DE LOI. La convention passée à Paris, le 26 Messidor, an 9, entre le Pape et le gouvernement Français, dont les ratifications ont été échangées à Paris, le 23 Fructidor an 9, (10 Septembre 1801), ensemble les articles organiques de ladite convention les articles organiques des cultes protestans, dont la teneur suit, seront promulgués et exécutés comme des lois de la république. Convention entre le Gouvernement Français et Sa Sainteté Pie VII. échangée le 23 Fructidor, An 9. (10 Septembre, 1801). LE PREMIER CONSUL de la république Française, et Sa Sainteté le Souverain Pontife Pie VII, ont nommé pour leurs plénipotentiaires respectifs : Le premier consul, les citoyens Joseph Bonaparte, conseiller d'état; Cretet, conseiller d'état, et Bernier, docteur en théologie, curé de Saint-Laud d'Angers, munis de pleins pouvoirs; Sa Sainteté, son Eminence Monseigneur Hercule Consalvi, cardinal de la sainte église romaine, diacre de Sainte-Agathe ad Suburram, son secrétaire d'état; Joseph Spina, archevêque de Corinthe, prélat domestique de Sa Sainteté, assistant du trône pontifical, et le pere Caselli, théologien consultant de Sa Sainteté, pareillement munis de pleins pouvoirs en bonne et due forme; Lesquels, après l'échange des pleins pouvoirs respectifs, ont arrêté la convention suivante: Convention entre le Gouvernement Français et Sa Sainteté Pie VII. Le gouvernement de la république reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine, est la religion de la grande majorité des citoyens Français. Sa Sainteté reconnaît également que cette même religion a retiré et attend encore en ce moment, le plus grand bien et le plus grand éclat de l'établissement du culte catholique en France, et de la profession particuliere qu'en font les consuls de la république. En conséquence, d'après cette reconnaissance mutuelle, tant pour le bien de la religion que pour le maintien de la tranquillité intérieure, ils sont convenus de ce qui suit : Art. Ier. La religion catholique, apostolique et romaine, sera librement exercée en France. Son culte sera public, en se conformant aux réglemens de police que le gouvernement jugera nécessaires pour la tranquillité publique. II. "Il sera fait par le saint-siége, de concert avec le gouvernement, une nouvelle circonscription de diocéses Français. III. Sa Sainteté déclarera aux titulaires des évêchés Français, qu'elle attend d'eux, avec une ferme confiance, pour le bien de la paix et de l'unité, toute espece de sacrifices, même celui de leurs siéges. D'après cette exhortation, s'ils se refusaient à ce sacrifice commandé par le bien de l'Eglise (refus néanmoins auquel Sa Sainteté ne s'attend pas), il sera pourvu, par de nouveaux titulaires, au gouvernement des évêchés de la circonscription nouvelle, de la maniere suivante : IV. Le premier consul de la république nommera, dans les trois mois qui suiveront la publication de la bulle de Sa Sainteté, aux archevêchés et évêchés, de la circonscription nouvelle. Sa Sainteté conférera l'institution canonique suivant les formes établies par rapport à la France, avant le changement de gouverne ment. V. Les nominations aux évêchés qui vaqueront dans la suite, seront également faites par le premier consul; et l'institution canonique sera donnée par le saint-siége en conformité de l'article précédent. VI. Les évêques, avant d'entrer en fonctions, prêteront directement, entre les mains du premier consul, le serment de fidélité qui était en usage avant le changement du gouvernement, exprimé dans les termes suivans: "Je jure et promets à Dieu, sur les saints évangiles, de garder "obéissance et fidélité au gouvernement établi par la constitu" tion de la république Française. Je promets aussi de n'avoir " aucune intetligence, de n'assister à aucun conseil, de n'entretenir " aucune ligue, soit au-dedans, soit au-dehors, qui soit contraire " à la tranquillité publique; et si, dans mon diocese ou ailleurs, " j'apprends qu'il se trâme quelque chose au préjudice de l'état, " je le ferai savoir au gouvernement." VII. Les ecclésiastiques du second ordre prêteront le même serment entre les mains des autorités civiles désignées par le gouvernement. VIII. La formule de priere suivante sera récitée à la fin de l'office divin, dans toutes les églises catholiques de France: Domine, salvam fac Rempublicam; IX. Les évêques feront une nouvelle circonscription des paroisses de leurs diocéses, qui n'aura d'effet que d'après le consentement du gouvernement. X. Les évéques nommeront aux cures. Leur choix ne pourra tomber que sur des personnes agréés par le gouvernement : XI. Les évéques pourront avoir un chapitre dans leur cathédrale, et un séminaire pour leur diocése, sans que le gouvernement s'oblige à les doter. XII. Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres non aliénées, nécessaires au culte, seront remises à la disposition des évêques. XIII. Sa sainteté, pour le bien de la paix et l'heureux rétablissement de la religion catholique, déclare que ni elle, ni ses successeurs, ne troubleront en aucune maniere les acquéreurs des biens ecclésiastiques aliénés, et qu'en conséquence la propriété de ces mêmes biens, les droits et revenus y attachés demeureront incommutables entre leurs mains ou celles de leurs ayant cause. XIV. Le gouvernement assurera un traitement convenable aux évêques et aux curés dont les diocéses et les paroisses seront compris dans la circonscription nouvelle. XV. Le gouvernement prendra également des mesures pour que les catholiques Français puissent, s'ils le veulent, faire en faveur des églises, des fondations. XVI. Sa sainteté reconnaît dans le premier consul de la répulique Française, les mêmes droits et prérogatives dont jouissait près d'elle l'ancien gouvernement. XVII. Il est convenu entre les parties contractantes que, dans le cas où quelqu'un des successeurs du premier consul actuel ne serait pas catholique, les droits et prérogatives mentionnés dans l'article ci-dessus, et la nomination aux évêchés, seront réglés, par rapport à lui, par une nouvelle convention. Les ratifications seront échangées à Paris dans l'espace de quarante jours. |