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Fille ainée de l'Empereur, faifoit la prémière & principale condition de cette Paix; que Sa Majesté Imperiale & Catholique, y garantiffoit au Roi d'Espagne le recouvrement de Gibraltar, & de Port Mahon, contre Sa Majefté Britannique, & qu'en échange ce Monarque accordoit aux Habitans du Païs-Bas Autrichien le libre Commerce dans fes Indes Occidentales, du moins pour deux ou trois Vaiffeaux par an. Erreurs, dont les deux Cours eurent bientot fajèt d'être defabufées, fi elles voulurent l'être, & par le double Mariage du Portugal, conclu & déclaré peu de tems après, & par la Publication des mêmes Traitez de Paix & de Commerce, dont il étoit queftion. Elles les virent, & certainement, elles ne pûrent, ou ne dûrent y trouver aucune Claufe préjudiciable à leurs Droits & Intérêts. La Quadruple Alliance faite avec elles, & avec le Roi de Sardaigne en 1718., & acceptée, par le Roi d'Efpagne en 1720., y eft pofée pour base & pour fondement de tout, y compris nommément les Difpofitions des Traitez d'Utrecht, touchant l'ordre de fucceder aux Royaumes de France, & d'Efpagne.

Tout cela neanmoins n'a pas été capable de diffiper les nuages de mecontentement, dont elles ont jugé à propos de couvrir le mystère de leurs Negociations, jufqu'à ce que leur Traité, conclu à Hanovre avec le Roi de Pruffe, en a laiffé entrevoir une partie.

Véritablement, on ne fçait pas encore au vrai, les motifs qui ont pu les porter à cela. Car ce feroit leur faire tort, de penser que ce fut fimplement le chagrin, de n'avoir pas exer

cé leur Mediation, dans le Traité de Vienne. On ne doit point préfumer, que ces deux Cours ayent voulu ralumer le feu de la Guerre en Europe pour un fi maigre fujèt. On s'en eft prévalu à Cambrai auffi long-tems qu'on a pû fe flater , que leurs bons offices améneroient les chofes à une heureuse conclufion, & le changement furvenu à cet égard, par les raifons fufdites, ne peut pas être imputé à l'Empereur, qui n'a fait en cela que s'accommoder à l'état des chofes, fans préjudice de perfonne. Après tout, les Mediateurs ne font pas des Parties priucipales, fans qui un Traité de Paix ne fe puifle faire. Ce font des Amis communs, dont les bons offices font ordinairement utiles, & quelquesfois néceffaires. Mais comme ils ne font pas obligez de les employer toujours, fi eux mêmes ne le jugent à propos, on ne l'eft pas auffi de s'en fervir, quand il y a des raifons pour ne le pas faire. La liberté à cet égard eft entiere de part & d'autre. Les Anglois le doivent mieux fçavoir que perfonne, eux dont la Médiation à Nimégue, demeura fans activité, à l'égard des Efpagnols, pendant tout le Congrez, à caufe de quelque diferent furvenu à l'occafion des prémières vifites.

Quelques-uns regardent l'Article XII, du Traité du 30. Avril, comme la principale Caufe du mécontentement des deux Cours, & il· y a lieu de croire qu'ils ne fe trompent pas. Les Difcours tenus en France, & à Hanovre fur ce fujèt l'ont affez fait comprendre: cependant ce feroit la chofe du monde la plus infoutenable. Car, notoirement, cet Article ne peut tendre qu'au maintien de la Tranquillité de V s

l'Eu

l'Europe, qui eft le but, que les trois hauts Confederez difent auffi avoir en vûë dans leur Traité. D'ailleurs fi les Rois de France, & de la Grande-Brétagne, ont crû au tems de la Quadruple-Alliance, & croyent encore, comme on n'en fçauroit douter, que la tranquillité de l'Europe eft intereffée au maintien de l'ordre de Succeffion établi par les Couronnes de France, d'Efpagne, & de la GrandeBretagne, comment pouroient-ils croire qu'elle ne l'eft point à celui qui a été pareillement établi, & reglé, avec tant de fageffe, pour les Couronnes héréditaires de l'Augufte Maifon d'Autriche? ne feroit-ce pas une formelle contradiction? Il faut donc neceffaire. ment qu'il y ait la deffous quelque fecret myftère, qu'on ne puiffe pas encore penetrer. Peut être ont-ils en vûë, quelque nouveau Traité de Partage; ce que pourtant, on ne veut pas croire. On a vû quelles ont été les fuites de celui de l'an 1700.

Cependant la feule penfée de cet évenement, confideré comme une chofe poffible, fuffit pour faire connoître, combien Sa Majesté Imperiale & Catholique a eu de raifons pour prétendre que l'ordre de la Succeffion, établi pour fon Augufte Maifon, fut garanti par fes Amis & Alliez de la même maniere qu'elle s'engageoit fi génereufement au maintien de celle de leurs Couronnes. L'un ne pouvoit aller fans l'autre. L'Equité le vouloit; l'Interêt de tous fes Etats héreditaires l'exigeoit; & la tranquillité de l'Europe entiere y étoit attachée. Auffi eft-il certain, que la Paix n'auroit pu, fans cèla, être fignée à Cambrai ; & que hors de cette jufte recipro

cation, tant de la part du Roi d'Espagne, que des autres Puiffances, Sa Majesté Impériale feroit demeurée libre, ipfo jure & cafu, de tout engagement à cet égard.

Au refte, il eft à remarquer que le Traité de l'Empire, figné le 25. Juin, ne parle point de cette Garantie, & que cependant les Rois de la Grande-Bretagne, & de Pruffe, ont fait tout ce qu'ils ont pu à Ratisbonne , pour en empêcher la Ratification. Preuve évidente que ce n'eft pas feulement l'Article XII. du Traité de l'Empereur, qui les bleffe, & qu'ils ont eu encore d'autres raisons, pour ne pas voir avec plaifir cette double Paix. Elles ne font pas tout à fait inconnuës. On en a reçû des avis de plus d'un endroit, & fans trop donner à la conjecture, on pourroit en mar quer quelques-unes. Mais nous laifferons au Lecteur éclairé le foin de les penetrer. Le nôtre se bornera, en continuant l'Analyfe du Traité d'Hanovre, à découvrir du moins en partie, à quoi il tend, & ce que l'on en doit efperer, ou craindre.

Articles I. II. III. & IV.

ANALYSE.

Nous pafferons fur ces quatre Articles fans nous y arrêter. Les Reflexions, qu'on y pourroit faire, ont été en partie prévenues, par celles que nous avons déja faites fur le Préambule. La Tranquillité de l'Europe ne court aucun rifque, moins encore les Royaumes, Etats, Villes, & Commerce des Rois de France, de la Grande-Bretagne, & de Pruffe, foit en Europe, foit hors de l'Euro

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pe. Ainfi le Traité de Hanovre n'étoit d'aucune neceffité. Mais il n'y aura que le tems qui puiffe faire connoitre au vrai, quelle Interprétation les Puiffances Conféderées voudront donner à ces Droits, Immunitez, & Avantages, dont lefdits Alliées jouiffent, ou doi vent jouir respectivement, & dont elles fe promettent mutuellement la Garantie, par l'Article II. Ce qu'il y a de certain, eft que, dans le fens des Constitutions Imperiales, les feuls Droits, que les Princes & autres Etats de l'Empire, peuvent fe garantir entre eux par des Alliances font ceux dont on jouït, ou fans conteftation de parties, ou en vertu d'une Sentence juridiquement, & définitivement rendûë, mais non pas ceux dont on pourroit croire, ou prétendre devoir jouir, vel lite pendente, vel judicio prætermisso. C'eft l'ordre de l'Empire, fermement établi par la Paix publique de Frideric III., & de Maximilien I., par les Ordonnances Judiciaires, qui ont fuivi de tems en tems, par les Traitez de la Paix de Weftphalie, & enfin par les Capitulations Impériales, lefquelles en obligeant les Empereurs, à rendre la Juftice aux Princes, aux Etats, & à tous les Sujets de l'Empire, conformement aux Constitutions anciennes & nouvelles & aux louables Coutumes, obligent par confequent auffi lefdits Electeurs & Princes à s'y foumettre. Cet ordre eft le recours, & le falut de l'Empire. On ne fçauroit s'en départir, fans retomber dans les funeftes defordres des fiecles paffez; d'où fuivroit enfin la deftruction de l'autorité judiciaire, & l'aneantiffement de l'Union, hors de laquelle, le Corps de l'Empire ne feroit plus un Corps, mais une multitude con

fuse

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