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confpiration; mais il a prétexté l'infuffifance des forces à fa difpofition, & le défaut de fubfiftance pour fe refufer à marcher contre les révoltés. Il s'eft réfugié chez les Anglois. Le pavillon blanc eft arboré fur la frégate Calypfo. Duval refufa de déployer l'étendart infamant fur fa corvette la Perdrix, préférant de périr à la honte de tourner. le dos au peuple. Il demanda la levée de la configne de fon vaiffeau arrêté dans le port. Sur le refus qu'on lui en fit, il étoit résolu d'opposer la force à la force; mais il trouva moyen de mettre à la voile pour la France, fans en venir à ces extrémités. Il vient demander des fecours pour les patriotes qu'on opprime à la Guadeloupe. Il ignoroit que le pavillon national flottât déjà fur toutes les mers. Il ne défefpère plus de voir dans peu le triomphe de la liberté dans une île où elle eft maintenant avilie, profcrite, & perfécutée de toutes les manières.

Pour premier gage de la véracité de fes fentimens patriotiques, le capitaine Duval fit l'offrande de fa croix de SaintLouis.

Le préfident répondit avec dignité à ces nouvelles dé-. faftrenfes. Une grande agitation règne dans l'affemhlée. Barrère veut qu'on décrète d'accufation les commiffaires civils et militaires de la colonie révoltée, après avoir rendu témoignage au civisme du porteur de nouvelles & de fon équipage.

Un autre demande qu'on étende le décret d'accufation aux membres de l'affemblée coloniale de la Guadeloupe. Un troisième opine pour que cette contre-révolution foit. rangée parmi les charges intentées à Louis Capet, comme une fuite des trames infernales ourdies dans le cabinet des Tuileries.

Le capitaine Duval observe fort fenfément qu'il ne faut. pas décréter l'île entière. Tous les colons ne font pas ariftocrates; on a féduit les uns, on a fait violence aux autres. Des lumières & des fecours, voilà le plus preflé.

Un député, qui fans doute a lu les livres des économistes, crut que c'étoit le moment favorable pour difcuter l'indépendance de nos colonies, & leur féparation d'avec la France. Les huées qui l'accueillirent apprendront au préopinant à mieux choifir fon temps. En effet, en dépit des principes, il y auroit de la lâcheté à émanciper nos îles, & à les abandonner à elles-mêmes en ce moment. Nous aurions Pair de lâcher ce que nous défefpérons de retenir; & en outre quand il n'y auroit qu'un feul patriote perfécuté dans la Guadaloupe, c'en feroit affez pour me tiver l'équipement d'une flotte vengereffe,

Briffot ne s'eft point fait honneur dans cette difcuffion devenue affez vive. Lui-même, dans différens rapports à l'affemblée légiflative fur nos colonies, avoit articulé contre Blanchelande, fi connu déjà, de nombreux chefs d'accufation plus que fuffifans pour le décréter. Les nouveaux griefs fembloient ne devoir lui laiffer aucun défenfeur.

Qui fe feroit attendu que ce feroit Briffot lui-même qui auroit voté pour qu'on ajournat la propofition de Blanchelande? Offelin fut obligé de rappeler au préopinant que les précédens délits motivoient de refte cette mesure. Appuyé par plufieurs autres députés, elle fut enfin adoptée. La convention décréta des mefures plus urgentes encore qui lui furent préfentées par le comité colonial. En voici les `difpofitions (1).

On revint aux différens décrets d'accufation qu'on ne ne pouvoit guère fe difpenfer de lancer contre les chefs de la contre-révolution. On en frappa d'abord:

Le gouverneur de l'ile d'Aros;

Dubarail, lieutenant-colonel du régiment de la Guadeloupe;

Fitzmoritz, commandant en fecond; c'est lui qui fit paffer au capitaine Duv I une lettre du gouverneur général

1°. Le miniftre de la marine eft autorifé, d'après fa demande, à rappeler & remplacer ceux des commiffaires civils actuellement aux îles-du-Vent, ai fi que les commandans militaires, administrateurs en chef, & tous autres fonctionnaires employés aux îles-du-Vent & fous le vent de l'Amérique, dont le civiíme pourra être fufpect. 2. Il fera paffer aux îles - du - Yent trois bataillons de gardesnationales, de huit cents hommes chacun, & il fera armer, pour lear transport, des bâtimens nationaux, vaiffeaux, frégates, corvettes ou gabarres. 3°. Il ordonnera l'armement en guerre d'un vailfeau de 74 canons, qui, avec le vaiffeau le Républicain, de 110 canons, déjà armé, fera deftiné aux îles-du-Vent, les vaiffeaux feront accompagnés de quatre frégates ou corvettes. 4°. La convention nationale nommera elle-même, mais hors de fon fein, quatre commiffaires qui feront deflinés, l'un pour Cayenne, & les trois autres pour les îles-du-Vent. 5°. Ces commiffaires feront revêtus de tous les pouvoirs. Les commandans & officiers militaires de terre & de mer, les ordonnateurs & officiers d'administration, les corps adminiftratifs & judiciaires, ainfi que toutes les affemblées délibérantes, foit géné ales, foit particulières; enfin tous les fonctionnaires publics leur feront fubordonnés, ils pourront deftituer ceux qu'ils jugeront ne pas remplir dignement leurs places, ou qui fe rendroient cou pables d'incivifme, & ils pouvoiront à leur remplacement. 6°. Les comminaires départis aux iles-du-Vent pourront, s'ils le jugent utile, après leur miffion remplie, paffer à Saint-Domingue pour fe réunir à ceux envoyés dans cette colonie, & ils pourront y emmener avec eux le nombre des bataillons de ligne ou de gardes nationales qu'ils eftimeront néceffaire pour foutenir & protéger leurs opérations.

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'de la colonie pour l'inviter à céder aux circonftances, & à prendre la cocarde blanche, à l'exemple des colons & des foldats.

Pommier ou Saulnier, major de la Baffe-Terre; Celleron, major de la Pointe à Pitre; Behague, gouverneur des îles du Vent; Vimude, intendant civil de la Guadeloupe; Dachet, Villevieille, Talbot & Larivière, capitaines de vaiffeau.

On n'oublia pas 'Vivier, commandant d'une frégate; qu'il fit couler bas pour en rerirer les canons fur un fort, afin de protéger les contre révolutionnaires; il empêcha le capitaine Duval de fauver cette frégate.

L'ardent Billaud de Varenne follicita long-temps un même décret contre Lacoste, l'ex-miniftre de la marine, dont l'administration laiffe du louche; la propofition fut appuyée. Les griefs fe préfentoient en foule à la mémoire de plu fieurs députés. Ils furent combattus un moment par Rouhier & Guillermann: on vouloit du moins que Lacoîte fût traduit à la barre; on fe contenta de le mander (1).

Au commencement de cette difcuffion, un député avoit rappelé un fait affez grave. C'est que nombre d'émigrés défefpérant enfin de faire contre-révolution en France paffent en Angleterre, & s'embarquent pour les colonies; la Guadeloupe va devenir leur point de réunion; il faut s'y attendre. Il demanda en conféquence un décret de peine de mort contre tout émigré mettant le pied à la Guadeloupe. Mais la convention paffa à l'ordre du jour, la loi existant déjà pour la république française, dont cette île fait partie.

Il faut convenir que ce fâcheux événement eft un peu notre faute; c'eft un forfait de plus de la cour. Les affaires de l'intérieur nous ont occupés exclufivement à celles du dehors, & l'on a profité de notre imprévoyance.

Peut-être l'époque n'eft pas éloignée où la république française, abandonnant les colonies à leurs propres deftinées, ne leur fera plus attachée que par un lien fédératif; & c'eft peut-être tout ce que nous pouvons raisonnablement prétendre, à d'auffi grandes diftances.

Mais pour l'inftant faifons des facrificés de troupes & d'argent, & ne fouffrons pas que des monftres, qui n'ont pu venir à bout de déchirer le fein de leur patrie, réuffiffent à la démembrer, & plantent au milieu des mers l'oriflame de l'ariftocratie, qu'ils n'ont pu tenir debout fur le continent, devant l'étendart de la liberté.

(1) Il a été décrété d'accufation le lendemain,

A préfent que les jours de feptembre font paffés nous pouvons revenir un moment fur le compte du cidevant chevalier Jourgniac de Saint-Meard, & parler de lui du ton qu'il fe permet en parlant de nous dans fa Brochure intitulée: Mon agonie de 38 heures. .... &c. Il en agiffoit fort leftement avec la révolution d'abord patriote, tant qu'il crut pouvoir conferver fes titres & fes places, il étoit devenu royaliste, du moment qu'il avoit vu la cour prendre le deffus, & M. le chevalier s'égayoit aux dépens des patriotes; il étoit tous les jours chez le journaliste Gauthier, & lui fourniffoit une bonne partie de ces platitudes dénigrantes qui amufoient les femmes ariftocrates. C'est encore le chevalier de Saint Meard qui imaginoit toutes ces caricatures de mauvais goût qui inondoient le Palais-Royal, & qui tendoient à jeter le ridicule fur la perfonne des magiftrats du peuple & des repréfentans de la nation les plus eftimés. Nous avons dit qu'il faifoit ce métier pour de l'argent, parce que nous avons penfé que le befoin d'un petit écu pouvoit feul pouffer quelques malheureux à écrire ou à deffiner des balourdifes de cette force. Le chevalier de Saint-Meard nous apprend que fans être auffi riche que M. de Ségur, comme l'a avancé l'auteur du Courrier français, il jouit pourtant d'une fortune qui le dispense de travailler pour vivre.

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Nous l'en félicitons; car aujourd'hui qu'il eft devenu franc républicain, ( du moins d'eft le député Gorfas qui l'affure, mais nous ne ferions pas fa caurion) on ne gagne pas fa vie à dire ou à faire des quolibets.

Quoi qu'il en foit, le chevalier de Saint- Meard a bien expié les abus de fon efprit & les faillies de fon imagination par les 38 heures de fon agonie; & la brochure dans laquelle il en décrit avec intérêt les circonf tances principales eft la meilleure réponse qu'on puiffe faire à ceux qui ont faifi l'occafion du feptembre, qui l'ont peut-être fait naître pour avoir un prétexte de calomnier le peuple de Paris. Affurément le récit du chevalier eft moins fa juftification que celle de la conduite de fes juges. Son aventure et bien la preuve qu'ils ne cherchoient point des coupables dans tous les prifonniers, No. 174. Tome 14.

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toute la dextérité de l'auteur ne lui eût fervi de rien avec des bourreaux maffacrant pour le feul plaifir de maffacrer. On aime à voir ce bon peuple tout couvert du fang, des traîtres, fe dédommager de la rigueur néceffaire de fes fonctions, en faifant grace fur les premiers indices d'une innocence apparente. Il faut en lire Les détails dans l'écrit même, le plus piquant qui ait paru dans la révolution, mais qui fe refuse à l'analyse.

Compte rendu au miniftre de la guerre par le lieutenantgénéral Dillon, commandant l'armée des Ardennes.

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Nous fommes inondés de comptes. Pétion fait le fien Roland l'imite, Robefpierre auffi, Briffot fait de même,Dillon vient à fon tour; & ce qu'il y a de fingulier c'eft que tous ces comptes ne font que des comptes moraux. Heureufement que nous ne fommes plus au temps de Necker, qu'on ne s'enthoufiafme plus pour un compte rendu, & qu'après l'avoir lu on garde à peu près la même opinion fur les perfonnages. Un compte moral n'eft, à proprement parler, qu'un amas de lieux communs, de vérités fi générales, qu'elles font applicables tout, & chacun les emploie à fa manière. Quoique Dillon n'intitule pas ainfi fon compte, c'eft cependant le nom qu'il mérite; car il ne répond aux accufations intentées contre lui que par des principes vagues, & la plupart des faits qu'il y cite font étrangers aux chefs d'accufation.

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Dillon, mandé à Paris par le pouvoir exécutif, a amené avec lui, pour fa juftification, fon maréchal de camp Galbaud, & fon adjudant général Gobert. Dans tout le cours de fon ouvrage, il paroît que ces deux officiers étoient fes amis, fes hommes de confiance. Ne peut-on pas, d'après cela récufer leur témoignage ? Nous y fommes d'autant plus fondés, que dans une autre efpèce de compte moral de Gobert intitulé Obfervations fur la campagne de 1792, cet officier dit, en parlant de Dillon: J'ai coopéré à toutes les opérations. S'il a encour le blâme, je dois le partager; mais fi, comme je le crois, il mérite des éloges, je veux auffi les partager. Il eft affez plaifant de voir trois complices prétendre fe fervir de témoins réciproquement, fe juftifier l'un l'autre, &, qui plus eft, fe renvoyer des louanges.

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