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Extrait de la féance du famedi 7. M. Boutidoux, ex-député, employé il y a peu de jours dans l'armée de Lafayette, a été entendu. Il a déclaré qu'ayant trouvé inconftitutionnelles les adreffes qu'on faifoit figner dans l'armée Lafayette, & non moins inconftitutionnelle la conduite de ce général auprès du corps législatif & du roi, il at refulé de figner ces adreffes; il a déclaré en outre que pour être à l'abri des perfécutions de plufieurs officiers, & notamment de M. Latour-Maubourg, il a cru ne pouvo'r mieux faire que de donner fa démiffion. Le rapport de cette dénonciation a été fixé à lundi.

L'ordre du jour appeloit la difcuffion fur les mefures de sûreté générale. M. Lamourette, évêque de Lyon, a demandé la parole pour une motion d'ordre; il a dit que la grande fource du mal étoit dans la déunion de l'affemblée nationale, dont chaque côté s'accufoit mutueilement de vouloir porter atteinte à la conftitution; il a fini fon difcours en invitant, par les motifs les plus puiffans, ces deux côtés à fe réunir, pour fauver la patrie. « Foudroyons, a-t-il d't, par un dernier & irrévocable » ferment, la république & les deux chambres». A ces mots, tous les députés fe font levés; ils ont prêté ce ferment avec tranfport, puis la gauche & la droite fe font mêlées, & les mutuels embraffemens des repréfentans du peuple excitoient l'enthoufiafme des fpectateurs attendris. Il a été décrété enfuite que toutes les magiftratures, toutes les adminiftrations de la capitale étoient invitées à venir le même foir apprendre ce qui s'étoit paffé à l'affemblée, & que le ferment qu'elle venoit de prêter feroit fur le champ notisé au roi, par une députation.

Sur ces entrefaites eft arrivée une députation du confeil général de la commune, qui a été introduite à la barre, & qui a appris que le confeil général du département de Paris venoit de fufpendre de leurs fonctions MM. Petion & Manuel; que M. Bory étoit maire par interim : un inftant après plufieurs officiers municipaux ont paru à la barre, & ont répété la même nouvelle. «Si le maire, file procureur de la commune, ont-ils dit, font coupables de n'avoir pas déployé l'étendart de la mort, vous » voyez leurs complices». Ils ont été accueillis.

La députation qui étoit allée chez le roi, a annoncé que le roi venoit à l'assemblée. Il est entré entouré des ninif

tres, & a dit : « J'ai défiré depuis long-temps cette réu nion qui me fait éprouver des fentimens délicieux; le » roi & la nation ne font qu'un; nous nous réunitions » tous pour défendre la liberté & la conftitution. La » conftitution et notre point de ralliment, nous devons » tous l'aimer; j'en donnerai tou ours l'exemple. » Le préfident a répondu dans le même fens; l'un & l'autre difcours ont été couverts d'applaudiffemens. Louis XVI s'est retiré au milieu des cris répétés de vive la nation vive le roi. (Nos obfervations au numéro fuivant).

Il y a un an, lors de la fuite célébre de Louis XVI à Montmédy, le peuple, pour avoir fait la motion de mettre bas les flatnes à pied & à cheval de nos rois, fut traité de facieux, d'incendiaire; l'efprit public auroit-il fait des progrès depuis une année?

Il y a dans l'une des cours de la maifon commune une très-belle ftatue de bronze, l'un des chef-d'œuvres de Cozevox, & repréfentant Louis XIV en triomphateur romain: le procureur de la commune, qui n'aime Fas les rois, & qui a railon, vient de lancer un réquifitoire contre ce Louis XIV, ce fultan qui figna tant de lettres de cachet. P. Manuel propofe de faire fondre le grand monarque de bronze, & de le métamorphofer en canons; il propofe en outre de fubftituer à cette figure d'un tyran celle de la liberté.

Le comité des favans établi par l'affemblée conftituante, pour veiller à la confervation des plus beaux monumens, femble regretter celui-ci, & demande grace pour Louis XIV. Point de grace; en détruilanz Pun des chefd'œuvres de Coizevox, on donnera aux peintres & aux Iculpteurs une leçon dont ils ont befoin. On leur apprendra à ne choifir déformais, pour exercer leurs talens que des fujets véritablement dignes des regards de la pol

térité.

M. Mathée, curé de Saint Nicolas de Montereau, en dépit de fa robe, eft un bon citoyen; il vient de faire fon don civique pour les frais de la guerre; il a élevé au milieu de fa paroiffe un arbre à la liberté; enfin, il a placé au haut du clocher de fon églife une flamme aux trois couleurs.

La municipalité de l'endroit n'a pas les mêmes yeux

que ce digne pafteur: elle a vu dans ce drapeau un figne de calamité publique ; & tous prétexte de raffurer les efprits qui font fort tranquilles, elle a enlevé cette flamme, après avoir requis pour cette expédition l'afliftance de la garde nationale, de la gendarmerie & des troupes de ligne.

MM. les officiers municipaux de la ville de Montereau font priés de manifefter clairement leurs véritables intentions à cet égard, & de déclarer fi c'eft de leur propre mouvement ou par les ordres de quelques autorités conftituées au-deffus d'eux qu'ils fe font permis de mettre bas les trophées de la liberté, comme fi déjà nous étions en contre-révolution ouverte.

Le lendemain de la célèbre journée du 20 juin, les calomniateurs du peuple de Paris annonçoient avec intention que celui de Verfailles étoit en marche avec armes & bagage, pour faire à fon tour le fiége du château des Tuileries. La place de Louis XV fut couverte de gendarmerie, de troupes de ligne & de gardes nationales, pour oppofer une vigoureufe réfiftance aux redoutables pétitionnaires. Ils arrivèrent en effet au nombre de 400 hommes, précédés de 50 citoyennes, ayant pour enfeigne le bonnet de la liberté au haut d'une pique, & marchant en mesure au bruit d'une mufique militaire. Ces braves patriotes, dont l'attachement à la révolution égale les facrifices qu'ils lui ont faits, venoient tout naturellement offrir au corps légiflatif leur tribut civique, le féliciter fur la meture d'un corps de vingt mille hommes. donner des regrets à la retraite des miniftres, & manifefter leur vive indignation & leur profond mépris pour la conduite & la perfonne de Lafayette; ils ajoutèrent que toujours fidèles aux devoirs de citoyens, ils fe fouviennent auffi du droit qu'ils ont de réfifter à l'oppref fion d'une cour indigne du rang qu'a bien voulu lui conferver un peuple libre.

Généreux habitans de Verfailles, vous faites plus qu'on n'étoit en droit d'attendre de vous. Continuez d'être les modèles de vos compatriotes, & infpirez un peu du civifine qui vous anime à vos voifins de la municipalité de Sèvre, qui avoient promis de fe joindre à votre honorable députation.

Lettre

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Latre circulaire du procureur de la commune aux acteurs attrices des théâtres de Paris.

«Je fuis informé, meffieurs, qu'aucun des citoyens qui fuivent la carrière du theatre ne s'eit encore pré fenté au bureau des patentes. J'aime à croire que cette regligence à remplir le plus facré des devoirs ne provient que de l'incertitude où pouvoit peut- être Yous laffer la loi du 17 mars 1791. Mais s'il vous relloit des doutes, l'infruction approuvée le 29 avril dernier, par le miniitre des contributions, les lève tous. Voici les quel tions & les décitions.

Les comédiens font ils affujettis au droit de patente? I faut diftinguer s'ils ne font que comédiens, ou s'ils font directeurs & comédiens en même temps.

» Quelles patentes doivent-ils ?.... Dans le premier cas, ils doivent la patente fimple, d'après la valeur locative de de leur habitation.... Sur quel pied doit-elle être fixée ?... Dans le fecond, &c.

» Vous rappeler, meffieurs, les difpofitions de la loi c'est s'affurer qu'elle fera promptement exécutée.

»Sous une conftitution qui a fubftitué des principes à des abus, les comédiens doivent partager tous les drons des citoyens, & c'en est un que de payer les contributions chez ua peuple libre.

Cette vérité a été plus d'une fois fentie & développée par vous, meffieurs, depuis que la révolution a fait du théâtre un des plus grands moyens de l'inftruction publique.

Vous vous occupez fans doute à dégager peu à peu la fcène de toutes les obicénités du vice, & de toutes les maximes de la tyrannie. Vous pouvez beaucoup fur la régénération des mœurs, & le magiftrat du peuple doitvous le recommander. Signé, P. MANUEL ».

Dans les commencemens de la révolution, le droit de citoyen actif accordé aux gens de théâtre parut les flatter beaucoup. Mais fi ce droit fuppofe des devoirs à remplir, fi les foins brillans du luxe & du gafpillage font paffés & ne peuvent revenir qu'avec le règne du defpotime, fi pour le préfent & à l'avenir il faut le contenter d'un gain médiocre & furieufement dilproportionné avec les caprices ruineux d'une demoiselle Contat & de No. 156. Tome 12

E

fes pareilles, P. Manuel fe fera encore des ennemis aux foyers de nos fpectacles, en y parlant de moeurs & de patentes. Les comédiens lui répondront tout d'une voix : nous ne fommes pas conftitués les pédagogues du peuple. Chargez-vous, fi vous voulez, de l'inftruction des fansculottes; pour nous, nous devons nous borner à l'amufement des gens comme il faut. Vive l'ariftocratie!' du moins elle faifoit vivre honorablement fon monde; nous en étions quittes pour faire anti-chambre chez le premier gentilhomme, pêle-mêle avec fes valets. Les gens à talent étoient un peu avilis, il faut en convenir; mais le talent étoit bien payé. Nous avions peu de mal, quelques petites mortifications, & beaucoup de profit. Aujourd'hui notre travail eft doublé, nos parts font réduites au tiers, & on exige de nous une patente en raifon de notre loyer; c'eft auffi par trop démocrate. M. le procureur de la commune, vous voudriez bien nous piquer d'honneur; mais nous ne nous y laifferons pas prendre. Puifqu'il le faut, nous paierons jufqu'à nouvel ordre; mais quoi que vous en difiez ne faut-il pas auffi que tout le monde vive & s'amufe? & tant qu'il y aura en France un roi & des femmes entretenues, il faudra des fpectacles tout exprès pour ce monde là. Couvrez d'un voile, fi vous voulez, la ftatue des mœurs & de la liberté; mais pour être en état de payer patente, encore faut-il que nous faffions de bonnes recettes : eft-ce notre faute fi nous avons toujours chambrée pleine quand nous jouons Figaro, ou les Amours de Bayard, ou Richard cœur de lion? Vous vous acquittez de votre rôle à merveille; laiffez-nous jouer le nôtre comme nous pourrons. Tant que le roi de la constitution aura 40 milTions à dépenfer pour fes menus plaifirs, & tant que le peuple fera fans culotte, fouffrez que nous foyions roya liftes pour faire face aux charges attachées au droit de citoyen actif.

On ne peut répondre à ces confidérations puiffantes, qu'avec la lettre de J. J. Rouffeau à d'Alembert fur les fpectacles.

Jeudi 21 juin, la fection de Notre-Dame crut devoir rendre auffi les honneurs de l'apothéofe à M. Gouvion. Mulot, jadis moine, aujourd'hui législateur, fe chargea

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