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celui de Girard. Le vaisseau hollandais fut arrêté par les Anglais et conduit à Gibraltar, où les marchandises furent confisquées.

Girard soutint que pour tout ce qui concernait sa pacotille, il s'était reposé sur Reynier; que l'assurance faite sur un objet commun devait être commune aux deux cointéressés, et qu'un commissionnaire est toujours présumé agir pour l'avantage de son commettant comme pour le sien propre. L. 31, ff mandati. L. 1, ff quod quisque juris.

Sentence rendue par notre tribunal consulaire en octobre 1758, qui dé. clara l'assurance être commune entre Reynier et Girard.

Reynier déclara appel. Il disait qu'il s'était borné à faire assurer l'intérêt qui lui était propre; qu'il n'avait contracté aucune société collective avec Girard, et que si le navire fût arrivé à bon port, Girard aurait refusé de contribuer au paiement de la prime.

La sentence fut confirmée par arrêt du 29 avril 1760, rendu, les chambres assemblées, après trois partages, au rapport de M. de Saint-Marc. L'avis de M. Pazery, de Thorame, compartiteur, fut suivi. Il y eut dix-huit voix

contre seize.

Mais, 1°. ce procès était étranger aux assureurs. Ils avaient payé à Reynier l'entière perte, attendu que l'assurance était relative au connaissement ce qui suffisait à leur égard; 2°. la question dépendait plutôt du fait que du droit. Il s'agissait uniquement de connaître et d'interpréter les accords des deux parties; car la règle générale est que chacun des cointéressés est présumé n'avoir fait assurer que pour soi.

Cette présomption, qui est bonne entre les cointéressés, cesse vis-à-vis des assureurs, lesquels seraient non recevables à opposer la question de propriété à celui qui agit en vertu du contrat. Suprà, ch. 5, sect. 2. C'est-à-dire que si Reynier eût fait faire des assurances pour la valeur de la double pacotille, les assureurs n'auraient pu s'exempter de payer l'entière somme assurée, attendu que le pour compte de la police d'assurance se serait trouvé relatif à

celui du connaissement.

CONFÉRENCE.

XCI. Le Code de commerce, après avoir fait connaître, par l'art. 334, quelles choses pouvaient être l'objet du contrat d'assurance, dit, dans son art. 335, que l'assurance peut être faite sur le tout ou sur une partie desdits objets, conjointement ou séparément; c'està-dire qu'elle peut être faite conjointement sur le corps et quille du vaisseau, les agrès et apparaux, les armemens, les victuailles, les marchandises du chargement, etc., ou séparément sur l'un ou l'autre de ces objets, et qu'elle peut même être faite sur le total des effets chargés, ou sur chaque chargement particulier, ou partie de chaque chargement,

On fait assurer sur le corps de tel navire, sur les facultés de tel navire, sur cargaison de tel navire, sur corps et facultés de tel navire, etc.

Mais, ainsi que l'observe Valin sur l'art. 7, titre des assurances, de l'Ordonnance, il faut bien faire attention aux termes de la police d'assurance; car autre chose est d'assurer le corps et quille du navire, ses agrès et apparaux et victuailles, et autre chose est d'assurer les marchandises qui y sont chargées, puisque l'assurance du vaisseau n'influe nullement sur les marchandises, et vicissim.

En effet, comme l'objet de toute obligation doit être certain, soit par lui-même, soit par ses rapports et ses caractères distinctifs, il est nécessaire que ces différentes espèces d'assurances soient désignées d'une manière claire et précise dans la police, afin qu'il ne soit pas au pouvoir de l'une des parties de rendre le contrat inutile et nul, ou d'en étendre les dispositions suivant son intérêt personnel.

Les anciennes lois de la mer défendaient de faire assurer le total des effets chargés dans un navire, ou de chaque chargement particulier, sans déduction du dixième; de sorte que l'assuré courait toujours risque du dixième de ses marchandises, afin de le forcer par là à veiller à la conservation du total. (Art. 11 du chap. 2 du Guidon de la mer ).

L'Ordonnance de la marine n'était pas si prohibitive. Les assurés ne couraient risque du dixième que lorsqu'ils étaient propriétaires du navire ou embarqués sur le navire, ou lorsque, n'étant pas sur le navire, ils n'avaient pas stipulé expressément qu'ils entendaient faire assurer le total de leurs marchandises. (Art. 18 et 19, titre des assurances, de l'Ordon

nance).

La commission avait inséré ces deux articles dans son premier projet du Code de commerce; mais elle les retrancha sur les observations de la Cour de Rennes et des tribunaux de commerce de Nantes et du Havre; de manière que l'assuré ne court point aujourd'hui le risque du dixième des effets qu'il aurait chargés, s'il n'y a stipulation expresse à cet égard dans la police. Les assureurs sont chargés des risques du total. (Voyez les articles 270 et 271 du projet du Code de commerce, les observations de la Cour de Rennes, tom. 1, pag. 351, etc.)

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Les art. 334 et 335 permettent, sans exception ni limitation, l'assurance de la totalité des objets qui en sont susceptibles, ou de chaque objet en particulier. La clause du dixième est laissée à la volonté et au choix des parties.

Ainsi, on peut faire assurer le navire avec tous ses accessoires et toutes les marchandises qui y sont chargées, ce qu'on exprime en disant que le navire est assuré corps et facultés. On peut ne faire assurer que le navire avec tous ses accessoires: alors on dit qu'il est assuré corps et quille. On peut ne faire assurer que les marchandises chargées dans le navire: alors l'assurance est faite sur facultés. Enfin, on peut faire assurer une partie seulement du navire, ses agrès et apparaux, son armement, la moitié, le tiers, le quart qu'on a dans la propriété; ou bien une partie du chargement, la moitié, le tiers, le quart des marchandises désignées.

L'assurance est faite conjointement, si elle embrasse tous les objets ensemble, de manière qu'il n'y ait qu'une seule assurance. Par exemple, je fais assurer mon navire corps et facultés. L'assurance est faite séparément, lorsque chaque chose différente est l'objet d'une assurance particulière. Par exemple, je fais assurer seulement le navire corps et quille; dans

une seconde assurance, quinze ballots de coton, moyennant une autre prime; enfin douze tonneaux de vin dans une troisième assurance. Dans le premier cas il n'y a qu'une seule et unique assurance; dans le deuxième il y en a trois indépendantes l'une de l'autre. On sait d'ailleurs que, d'après l'art. 333 du Code de commerce, ces diverses assurances peuvent être comprises dans la même police.

L'assurance pendant le voyage remonte au jour du départ, quand bien même l'assurance fût postérieurement faite. (Argument de l'art. 365 du Code de commerce).

Au reste, la doctrine que professe ici Emérigon sur tous les objets de cette section n'est point contredite par la loi nouvelle. Elle est fondée sur les véritables principes, et consacrée par la jurisprudence.

$1.

Chose sujette à coulage.

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corruption,

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SECTION 11.

Cas où la Désignation doit être spécifique.

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« IL sera fait, dit l'art. 31, titre des assurances, de l'Ordonnance, désignation dans la police des marchandises sujettes à coulage, sinon, les assureurs ne répondront point des dommages qui leur pourront arriver par tempête. La raison en est que les marchandises sujettes à coulage sont exposées à plus de dangers que les marchandises sèches. Voilà pourquoi il est nécessaire que les assureurs en soient instruits. Pothier, n°. 104.

Ils ne répondent cependant jamais que du dommage qui arrive par tempête, et nullement du coulage ordinaire. Valin, ibid.

Comme ceux qui font assurer le retour ignorent le plus souvent quelles marchandises on leur enverra, l'Ordonnance les dispense de la nécessité de désigner les marchandises sujettes à coulage, lorsque l'assurance est faite sur retour des pays étrangers. D. art. 31.

Le Réglement d'Amsterdam, art. 17, soumettait à la nécessité d'une paChose sujette à reille désignation ceux qui faisaient assurer des grains, fruits, sel, harengs, sucre, suif, beurre, fromage, houblon, melasses, miel, rabette, graine de lin, et semblables marchandises sujettes à dépérition et dégât.

$3.

Notre Ordonnance ne prescrit rien de pareil. Elle décide seulement, en l'art. 29, que les déchets, les diminutions et pertes qui arrivent par le vice » propre de la chose, ne tomberont point sur les assureurs. »

J'ai parlé ci-dessus, ch. 4, sect. 8, ch. 5, sect. 3, et ch. 8, sect. 5, des bande ou hostiles. effets de contrebande et des choses hostiles. Dans les cas où il est permis de

Choses de contre

charger des marchandises de contrebande ou hostiles, il est juste que les assureurs en soient instruits, attendu l'augmentation du risque. Guidon de la mer, ch. 2, art. 3. Réglement d'Amsterdam, art. 17.

Les auteurs qui exigent que la spécification de l'argent monnoyé ou des bijoux soit faite dans la police, parlent des espèces et des bijoux dont l'exportation est prohibée. C'est à ce cas qu'on doit appliquer ce qui est dit dans le Guidon de la mer et dans le Réglement d'Amsterdam, aux endroits cités.

Mais à l'égard de l'argent monnoyé et des bijoux, dont le transport n'est pas prohibé, il suffit qu'on en ait dressé un connaissement en due forme, pour qu'ils soient compris dans l'assurance généralement faite sur facultés ou marchandises. Casaregis, disc. 1, n°. 66 et 168; disc. 70, no. 15; disc. 129, n°. 12. Santerna, part. 4, n°. 61 et suivans. Roccus, not. 17 et 67. Marquardus, lib. 2, cap. 13, no. 19.

L'usage, plutôt que la loi, permet de faire assurer les sommes qu'on prête à la grosse; ce n'est qu'accidentellement qu'elles s'identifient à la chose pour laquelle elles ont été données. Il arrive même quelquefois que l'emploi utile n'en est pas fait. Je crois que l'assurance sur un pareil objet doit du moins être spécifiée, et qu'on n'écouterait pas un assuré qui, pour éluder le ristourne, voudrait remplir le vide de son assurance par un billet de grosse dont il serait porteur, mais dont sa police ne parlerait point.

Je crois encore que celui qui veut inglober dans l'assurance la prime, et sur-tout les primes des primes, doit le spécifier dans l'acte. Suprà, ch. 8,

sect. 12 et 13.

L'Ordonnance, en l'art. 20, titre des assurances, exige une stipulation spéciale au sujet du dixième qu'on veut faire assurer. Suprà, ch. 8, sect. 7.

Il en est de même du fret acquis, que la déclaration de 1779 permet de faire assurer. Suprà, ch. 8, sect. 8.

Il en est encore de même de la somme qu'on fait réassurer. Suprà, ch. 8, sect. 14.

Si un passager veut faire assurer ses coffres, il les désignera dans la police, en leur donnant une valeur, laquelle, en cas de sinistre, sera vérifiée sur l'état qu'il exhibera de bonne foi.

Tout ce que j'ai dit dans le ch. 6, touchant le nom et la désignation du navire considéré comme personne civile, s'applique au navire considéré comme chose assurée.

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Assurance sur le

Les docteurs se disputent beaucoup pour savoir si, en faisant assurer le corps comprend-elle

la chaloupe?

corps du navire, on est censé faire assurer la chaloupe; mais l'affirmative ne paraît pas douteuse. Straccha, gl. 8, n°. 7.

Vide suprà, ch. 6, sect. 7. Infrà, ch. 12, sect. 41, § 5.

La police de Londres porte qu'on assure sur le corps, agrès ou apparaux, munitions, artillerie, chaloupe et autres agrès du navire; mais ce détail est superflu. Il suffit de dire qu'on assure sur le corps. Suprà, ch. 6, sect. 7, § 2.

CONFÉRENCE.

CXII. Les risques augmentent nécessairement quand les effets assurés sont, de leur nature, plus sujets que d'autres à être détériorés ou détruits par des accidens de mer. L'extrême équité, la justice, imposèrent au législateur la rigoureuse obligation de prendre des précautions pour qu'il n'y eût pas lieu à surprise envers les assureurs. C'est dans ces vues que l'art. 17 des Assurances d'Amsterdam exigeait la désignation spécifique des effets de cette nature dans la police, sous peine de la nullité de l'assurance.

L'Ordonnance de la marine a, sans annuler l'assurance, déchargé les assureurs des pertes et dommages arrivés à des marchandises sujettes à coulage, par tempête ou autre fortune de mer, si la désignation n'en a pas été faite, si ce n'est que l'assurance soit faite sur le retour des pays étrangers. (Art. 31, titre des assurances ).

Tout en consacrant le même principe, le nouveau Code de commerce a restreint cette exception, pour le retour des pays étrangers, au cas où l'assuré ignore, au moment de la signature de la police, la nature du chargement. (Art. 355 du Code de commerce ). Dans le systême de l'Ordonnance, l'assuré n'avait qu'un fait matériel à prouver, c'est-àdire le départ du navire des pays étrangers. Au contraire, dans le systême de la loi nouvelle, il faut que l'assuré fasse preuve de son ignorance sur la nature du chargement, lors de la signature de la police. -(Voyez d'ailleurs l'art. 1315 du Code civil). Il ne faut pas perdre de vue que le Code de commerce ne déclare pas l'assurance nulle. En déchargeant l'assureur des risques, il ne décharge pas l'assuré du paiement de la prime, qui est ici adjugée comme indemnité résultant de la fraude de l'assuré. — ( Argument tiré de l'art. 357 du Code de commerce ).

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Mais quoique les assureurs soient chargés du coulage par une clause expresse de la police, ils ne supportent néanmoins que le coulage extraordinaire qui arrive par fortune de mer, et non pas le coulage qui procède du vice propre de la chose. (Voyez Valin sur l'art. 31, titre des assurances, de l'Ordonnance ).

Quid de la clause franc de coulage, insérée dans une police d'assurance ? Affranchit-elle les assureurs non seulement du coulage ordinaire provenant du vice propre de la chose, mais encore de celui qui provient d'un événement de mer et de force majeure? Cette question a été jugée affirmativement par arrêt de la Cour royale d'Aix, et par deux jugemens du tribunal de commerce de Marseille, rapportés dans notre Cours de droit commercial maritime, tom. 4, sect. 18, in fine, pag. 87 et suivantes.

La nécessité d'une désignation spécifique peut encore regarder d'autres objets que les marchandises sujettes à détérioration ou à coulage; comme par exemple, si l'on veut assurer

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