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comité devoit s'impofer la tâche de nous indiquer les uns & les autres. Pourquoi donc ne l'a-t-il pas fait ?

Mais comment la convention doit-elle le juger?

« On a propofé au comité un mode qui tend à porter dans la convention nationale les diverses formes indi » quées par la loi pour le jugement des accufés. D'après ce » mode, il faudroit d'abord nommer, par la voie du »fort, ceux des députés qui devroient remplir les fonce » tions de directeurs du juré d'accufation, celles d'accu » fateurs publics, celles de juges. Enfuite les autres mem »bres de la convention feroient placés, par la voie du

fort, ou dans le juré d'accufation, ou dans le juré de »jugement. Ce mode n'a d'autre mérite que celui d'éviter » à l'accufé de retrouver les mêmes individus exerçant, » dans le cours de fon procès, deux fonctions diffé

>> rentes.

» Mais eft-il vrai que la convention nationale, fi elle fe détermine à juger elle-même Louis XVI, doive s'affujettir aux formes prefcrites pour les procès cri >>> minels?» :

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Penfez-vous donc que ce foit là un fi petit mérite? Quand il s'agit de la vie des hommes, on ne fauroit trop multiplier les formes effentielles. La loi criminelle a divifé. l'inftruction des procès en trois parties, & pour ainfi dire en trois tribunaux. Le premier déclare s'il y a lieu à accufa tion; comme celui-ci pourroit s'être trompé, le fecond prononce fi les faits qui fervent de bafe à l'accufation font réels & folides; & enfin de peur que ces deux jurys ne fe foient créés des fantômes, n'aient appelé crimes des actions fimples & indifférentes, le juge ouvre le livre de la loi, & voit fi l'action dont un homme eft prévenu, bien conftatée, eft rangée dans la claffe des crimes. En paffant par ces trois échelons, par ces trois degrés, la vie de l'accufé eft en sûreté autant qu'il eft poffible. Que dirions-nous fi actuellement on alloit porter pour loi qu'un feul jury prononcera qu'il y a lieu à accufation, que les faits font prouvés, que l'accufé eft coupable, & cela tout à la fois & d'un feul mot? Nous crierions à l'iniquité. Voilà cependant ce qu'on veut établir aujourd'hui; on ne dif tingue point deux jurys, on ne parle point de juges pour appliquer la lon; tout fe fera en une fois & leftement. La convention portera jon jugement par appel nominal! Quoi ! eft-ce parce que Louis eft roi que vous voulez être in

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juftes? Voulez-vous embellir fa caufe, nous apitoyer fur fon fort? Vous vous plaignez du défaut de formalités qu'on eut à reprocher à la commiffion qui jugea Charles I, & vous voulez les violer!

De quel front des repréfentans de tout un peuple, quiz doivent avoir médité les principes, ofent ils nous pro pofer des loix, des formes particulières pour un feub homme, ou plutôt une abnégation entière de formes? Le comité de légiflation n'a-t-il jamais lu dans le contrat focial, qu'entre le tout & une fimple partie il ne peut y avoir de relation, de loi particulière; que dès que l'af faire se borne à un feul, le fouverain n'eft plus compétent pour la régler, ou ce qui eft la même chofe, qu'on net peut pas faire de loi pour un feul. La conduite du co mité eft une preuve frappante de la vérité des principes du grand apôtre de la liberté. « La volonté générale, dit » Rouffeau, perd fa rectitude naturelle lorfqu'elle tend àa2 » quelque objet individuel & déterminé, parce qu'alors »jugeant de ce qui nous eft étranger, nous n'avons au» cun principe d'équité qui nous guide. En effet, fi-tôt » qu'il s'agit d'un fait ou d'un droit particulier, für ün »point qui n'a pas été réglé par une convention géné» rale & antérieure, l'affaire devient contentieufe. Il ferdit » ridicule de vouloir alors s'en rapporter à uue expresse dé»'cifion de la volonté générale, qui ne peut être que la conelufion de l'une des parties, & qui par conféquent, » n'est pour l'autre qu'une volonté étrangère, particulière, >portée en cette occafion à l'injuftice & fi fujette à l'erreur»? àl Ce paffage a foudroyé d'avance tout l'échafaudage fo phiftique du rapporteur, qui prétend que « le grand appa

reil des procédures criminelles feroit évidemment inu » tile fi la fociéré prononçoit elle-même fur les crimes » de fes membres; qu'une fociété qui fait elle-même »fes loix, ne peut être foupçonnée ni d'ignorer les » principes de juftice par lefquels elle a voulu être régie,

ni de vouloir fe laiffer entraîner par des paffions défor » données envers les membres qui la compofent ». Oui, la fociété entière eft impaffible lorsqu'elle prononce longtemps avant les faits, lorfque la loi eft portée antérieu rément au délit particulier; mais dès que fa décision est poftérieure aufcrime, la fociété, qui n'eft composée que d'individus, peut-être quelquefois le jouet des paffions & d'une fureur aveugle. Il suivroit de ce qu'avance Mailhe

què jamais une nation entière n'auroit commis d'injuftice; conféquence démentie à chaque page de l'hiftoire ancienne.

Accordons néanmoins qu'une nation entière ne puiffe jamais errer; une affemblée représentative eft-elle une nation? La convention nous paroît avoir beaucoup de penchant à fe croire telle, Penfez-vous donc, M. le rapporteur, que la convention ne puiffe pas, ainfi qu'un tribunal particulier, être mue, & conduite par des intérêts locaux par des motifs finguliers, par des vengeances perfonnelles? Relifez-donc fon procès-verbal. Elle n'eft affemblée que depuis fix femaines, & il ne vous fera pas difficile de la voir fouvent le jouet de petites paffions, de la voir tiraillée par les partis, & oubliant, pour des intérêts mefquins & perfonnels, les grands intérêts du peuple.

Après avoir décidé, de fa pleine autorité & de fa certaine fcience, que la convention jugeroit le roi, le comité de légiflation répond à la dernière question avec la même logique:

«Le jugement que vous porterez fur le ci-devant roi doit»il être foumis à la ratification de tous les citoyens réunis »en affemblées de communes ou en affemblées primaires? » Cette question a été encore agitée devant votre comité > il croit qu'elle doit être rejetée ».

Vous ne devineriez pas pourquoi ; c'eft parce que « le peuple romain ou le peuple fpartiate n'étoit que le » peuple d'une ville régnant fur toutes les provinces de la » république. Or, quelque nombreux que fût ce peuple » renfermé dans des murs communs, il lui étoit poffible de » fe réunir, de difcuter, de délibérer, de juger; & c'est » ce qui n'eft point praticable pour le peuple français. » Mais s'il ne peut pas fe réunir, comment voulez-vous lui» foumettre un jugement? Comment pourroit - il pro» noncer lui-même un jugement? Le peuple français » n'aura pas befoin de fe réunir en maffe pour accepter » ou refuser la conftitution que vous lui présenterez. Cha» que citoyen, en interrogeant fon cœur, y trouvera ce » qu'il devra répondre. Mais pour prononcer fur la vie » d'un homme, il faut avoir fous les yeux les pièces de » conviction, il faut entendre l'accufé, s'il réclame le droit » naturel de parler lui-même à ses juges ». Il n'y a rien là qui puiffe empêcher le peuple français de ratifier le jugement. C'est une chofe palpable, il est vrai, que vingt-cinq millions ne peuvent pas se réunir pour former un feu

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tribunal, & qu'ainfi ils ne peuvent pas juger. Mais juger & ratifier un jugement n'est pas. la même chofe; pour ratifier un jugement ou pour l'approuver, il fuffit d'avoir des copies authentiques de toutes les pièces du procès: or, , il n'eft pas plus difficile à toutes les affemblées primaires de recevoir & de lire ces pièces probantes, que de recevoir & de lire loix par loix votre projet de conftitution. Il n'est pas plus difficile d'avoir l'interrogatoire de › Louis & fes réponses pour fe décider en conféquence, que d'avoir les opinions contradictoires des députés pour fe décider d'après elles. Il fuffira alors d'interroger fon cœur & fa confcience.

La meilleure raifon à oppofer à ce plan, était que s'il ne faut pas être plus févère à l'égard de Louis qu'envers les autres criminels; il ne faut pas non plus lui accorder plus de faveur qu'à d'autres: on n'appeloit point du jugement de la haute-cour nationale.

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Dans cette queftion, ainfi que dans la plupart des autres, le comité eft refté au-deffous de la difcuffion; il l'a prefque toujours prife à gauche. Pourquoi ne pas adopter le projet d'une haute-cour nationale, qui fermoit la bouche à tout le monde ? Ou fi abfolument on vouloit que la convention fe chargeât de cette épineufe affaire, n'auroit-il pas pu proposer aux assemblées primaires de la revêtir de ce droit qu'on peut lui contefter, la féparer enfuite en deux jurys, & renoncer à cet infignifiant projet que nous allons tranfcrire?

41°. Louis XVI peut être jugé; 2°. il fera jugé par » la convention nationale; 3°. trois commiffaires pris dans » J'affemblée, feront chargés de recueillir toutes les pièces >> renfeignemens & preuves relatifs aux délits imputés à » Louis XVI; 4°. les commiffaires termineront le rapport » énonciatif des délits dont Louis XVI fe trouvera pré» venu; 5°. fi cet acte eft adopté, il fera imprimé, com» muniqué à Louis XVI & à fes défenfeurs, s'il juge à » propos d'en choifir; 6°. les originaux des mêmes pièces, » fi Louis XVI en demande la communication, feront » portés au Temple, après qu'il en aura été fait, pour » refter aux archives, des copies collationnées, & enfuite » rapportées aux archives nationales par douze commiffaires » de l'affemblée, qui ne pourront s'en deffaifir ni les » perdre de vue; 70. la convention nationale fixera le jour ≫ auquel LouisXVI comparoîtra devant elle; 8°. Louis XVI, foit par lui, foit par fes confeils, préfentera fa défenfe

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" par écrit & fignée de lui, ou verbalément; 9°. la » convention nationale portera fon jugement par appel » nominal ».

P. S. La veille de ce rapport, Valazé avoit déjà rempli d'avance les fonctions d'un de ces trois commitiaires. I avoit,au nom de la commiffion des vingt-quatre, présenté les faits & les pièces qu'il avoit recueillis concernant le ci-devant roi; mais fon rapport, femblable à celui de Malhe, étoit très-incomplet. Le comité de furveillance de Paris, Pétion, Sergent & Barbaroux, ont indiqué une foule d'autres prèces plus fortes encore. On ne conçoit pas comment la commiflion des vingt-quatre a pu laiffer de côté ce qu'il y avoit de plus frappant pour nous préfenter des preuves fi légères, fi peu nombreuses, fi peu impor tantes. Lorfque toutes ces pièces feront réunies & publiées, nous en donnerons connoiffance à nos lecteurs.

Sur la réponse de Robespierre.

Enfin, ils font terminés, & fans doute ils ne fe renouvelleront plus ces débats fcandaleux dont nous avons parlé dans notre dernier numéro, avec l'amertume du patriotifme affligé. La convention a paffé à l'ordre du jour fur les dénonciations, & accorde l'amnistie aux dé noncés. Elle n'a plus qu'un tort, celui d'avoir pris cette rélolution un peu tard.

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Robespierre en a un auffi, c'eft d'avoir fait durer huit jours de plus un fcandale qu'il auroit pu détruire à fa naiffance. Et fa harangue juftifie ce reproche; elle n'eft pas auffi pleine de lui que fes ennemis l'efpéroient. On y trouve une chofe qui manquoit à la révolution du 10 août, & à fes fuites, c'eft-à-dire l'historique raifonné de cette révolution.

C'est dommage que l'orateur ait renfermé ce grand tableau dans un cadre auffi étroit; que cette pièce, qui figurera dans les annales de notre temps, fe trouve dans nne réponse à la plaidoierie verbeufe de Louvet. Au lieu de donner lui-même de l'importance à fon dénonciateur en demandant huit jours pour lui répliquer, Robespierre auroit dû s'élancer à la tribune, & dire: citoyens! on me calomnie, je ne dois pas répondre ici à des perfonnalités; mais on calomnie la révolution du 10 & fes fuites; on calomnie le peuple, & des pouvoirs

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