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leur nuire, qu'aux entrepreneurs qui sont intéressés à ce que, si leur demande est accueillie, un voisin ne soit pas fondé à se faire un titre contre eux de ce qu'il n'aurait pas été appelé en tems utile à soutenir ses droits. L'enquête est terminée par l'avis du Maire qui doit avoir égard, non au nombre des oppositions, mais à leur valeur réelle; il doit avoir soin surtout de constater la distance où les opposans se trouvent être de l'établissement, la nature et l'importance, de leurs propriétés et enfin tous les renseignemens propres à éclairer l'autorité supérieure. Le Maire peut enfin, s'il y a lieu, former lui-même une opposition, dans l'intérêt général de sa commune, indépendamment de celle qu'il pourrait élever comme propriétaire. Dans ce dernier cas, l'enquête ne devrait pas être faite par lui, mais par un de ses adjoints.

Il ne faut pas toutefois perdre de vue que nous n'indiquons ici que le mode qu'il nous paraît le plus convenable de suivre pour la rédaction des enquêtes qui est laissée à la discrétion des Maires; qu'ainsi une enquête mal faite, n'entraînerait pas la nullité de l'ordonnance royale, tandis que la non apposition d'affiches dans les lieux où elles doivent être placardées, serait un vice de forme qui pourrait faire annuler l'autorisation. Nous devons ajouter que le délai fixé pour les enquêtes et appositions d'affiches n'est point fatal; que le Maire peut le prolonger s'il juge cette mesure utile à l'instruction de l'affaire, et que d'un autre côté les parties intéressées ont toujours le droit, tant qu'il n'a pas été statué sur la demande, d'adresser des oppositions directement au Préfet, ou au Ministre, qu'elles aient ou non été consignées dans les enquêtes.

Lorsque l'enquête est terminée, que les procèsverbaux constatant l'apposition des affiches pendant un mois, ont été adressés au Préfet, ainsi que le rapport de l'Architecte, ce Magistrat, à Paris, charge le Conseil de Salubrité (1), d'examiner l'établissement et de faire connaître les conditions qu'il y aurait lieu d'imposer dans l'intérêt de la salubrité art. 5, ordonnance de Police précitée).

S'il n'y a pas d'oppositions, le Préfet, après s'être assuré que toutes les formalités ont été remplies, fait au Ministre du Commerce un rapport général sur l'instruction de la demande et lui donne son avis. L'affaire est, en définitive, soumise au Conseil d'Etat et il intervient une ordonnance royale qui accorde ou refuse l'autorisation demandée.

SECTION IV.

De l'intervention du Conseil de Préfecture..

Lorsqu'il existe des oppositions, le Préfet, avant d'adresser son rapport au Ministre, renvoie l'affaire au Conseil de Préfecture, qui donne son avis sur les oppositions et fait connaître s'il pense qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas lieu à accorder l'autorisation. Il faut observer, que le Conseil de Préfecture ne donne dans ce cas qu'un avis, qu'il ne prononce pas comme Juge, mais simplement comme Conseil, et qu'ainsi, on ne peut appeler de cet avis au Conseil d'Etat.

(1) Cette marche est suivie dans tous les départemens où il existe un Conseil de Salubrité. Dans ceux où cette institution si utile n'a point encore été mise en vigueur, l'affaire est renvoyée à l'avis des Ingénieurs des mines. — Voir pour les fonctions du Conseil de Salubrité, le chapitre 6, section 1re.

Nous citerons à l'appui de cette opinion une Ordonnance royale du 19 mars 1823 portant que les délibérations du Conseil de Préfecture prises en forme d'avis ne sont pas susceptibles d'être attaquées devant le Conseil d'Etat. Aussi la délibération du Conseil de Préfecture, sur les établissemens de première classe, ne se notifie dans aucun cas, aux opposans, c'est à eux à faire les diligences nécessaires pour en connaître le résultat. Cependant, il nous paraîtrait juste de la leur notifier par voie officieuse, pour les mettre à même de combattre dans leurs mémoires, les motifs sur lesquels est fondé l'avis du Conseil. Mais, lorsque le Conseil de Préfecture donne un avis défavorable à la demande, le Préfet de Police en prévient le demandeur en l'invitant à faire connaître s'il persiste, dans son projet. Cette mesure est fort sage; elle a pour objet de prévenir à tems le fabricant, de l'empêcher d'exécuter des travaux qu'il pourrait faire dans l'espérance de voir accueillir sa demande, et d'arrêter enfin, dans le cas de renonciation de sa part, le cours d'une instruction dont l'issue serait au moins douteuse. Il arrive quelquefois aussi, que le Préfet de Police, ne partageant pas l'avis du Conseil de Préfecture, fait au Ministre une proposition contraire à cet avis. Cette circonstance s'est présentée récemment, et l'avis du Préfet a même prévalu, ce qui confirme notre assertion que le Conseil de Préfecture ne donne dans l'affaire, qu'un simple avis qui ne lie pas l'Administration. (Voir l'ordonnance royale du 16 mai 1832 qui refuse au sieur Fanot, l'autorisation d'établir un clos d'écarrissage à Nanterre ).

SECTION V.

De la distance où les Etablissemens de première classe, doivent être des habitations.

Les dispositions de l'article rer. du décret du 15 octobre 1810, portant que les établissemens de première classe, doivent être éloignés des habitations particulières, font penser généralement qu'ils ne peuvent être formés dans l'enceinte des villes. C'est une erreur; lorsque l'isolement paraît suffisant, l'autorisation peut être accordée, sauf à imposer de plus sévères conditions. Il ne nous serait pas difficile de citer plusieurs exemples d'autorisations de ce genre, obtenues dans la capitale. Mais, quelle doit être la distance, pour que l'isolement soit suffisant? Cette question a été fréquemment soulevée, et l'Administration a été constamment dans l'impossibilité de la résoudre :

<< Des motifs de plusieurs sortes ont rendu inutile sa bonne volonté à cet égard. Un établissement peut, quoique très-rapproché des maisons, être placé de manière à n'incommoder personne, tandis qu'un autre, qui en est éloigné, les couvrira de vapeurs qui en rendront le séjour fort désagréable. Sa situation sur une hauteur peut amener ce résultat. Il n'est donc pas possible de fixer les distances. On a dû laisser ce soin à la sagesse des autorités locales >> ( circulaire précitée ).

Nous devons ajouter toutefois, que les fabriques de première classe ne doivent être autorisées qu'avec une extrême réserve dans l'enceinte des villes, et qu'il en est même un grand nombre qu'il serait impossible d'y tolérer.

SECTION VI.

De l'exécution des Ordonnances royales rendues sur les établissemens insalubres. Attributions du Conseil d'Etat.

Les Ordonnances rendues sur les établissemens de première classe sont adressées par le Ministre du Commerce aux Préfets qui demeurent chargés de leur exécution (1).

Mais, l'entrepreneur auquel on a refusé l'auto

(1) Indépendamment des formalités dont nous venons de parler, l'affaire est souvent soumise à une nouvelle instruction par le Conseil d'État. Mais il n'entre pas dans notre plan, de suivre la procédure usitée devant ce conseil. Nous renverrons aux savans écrits de MM. Cormenin et Macarel qui ont traité à fond la matière. Nous rapporterons seulement un extrait des règles qui résultent de la jurisprudence de ce conseil, telles qu'elles sont établies par M. de Cormenin dans ses Questions de droit administratif, et que nous avons extraites du Traité de M. Taillandier: « Du principe que le Conseil d'Etat procède à la fois, dans cette matière, par voie de haute juridiction et de haute police, il suit:

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Que le Conseil d'Etat statue en matière contentieuse sur les arrêtés des Préfets, sur les arrêtés des Conseils de Préfecture, rendus sur les oppositions, soit des particuliers, soit des Maires, soit des Fabricans ». Qu'il peut par la même voie, et de même que les Conseils de Préfecture, ordonner sur l'opposition des tiers ou dans l'intérêt public, la suppression ou l'éloignement des fabriques insalubres ou incommodes »;

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« Ou accorder au fabricant, même en suspendant la mise en activité de la manufacture, la faculté par lui sollicitée, de construire de nouveaux appareils jugés propres à écarter tout danger ou incommodité » ; << Ou ordonner > pour éclairer ou pour complèter l'instruction, qu'avant faire droit, il sera procédé, selon les classes, par les soins de l'administration, à une enquête de commodo et incommodo si fait n'a été, ou à des vérifications et expertises, pour, sur le vu desdites procédures, être statué ce qu'il appartiendra (*) ;

(*) Il arrive quelquefois aussi qu'après l'examen de l'affaire au Conseil d'État, il y a lien d'ordonner que des faits ou des écritures soient vérifiés ou qu'une partie soit interrogée; le Garde des Sceaux désigne alors un Maître des Requêtes, ou commet sur les lieux, et régle la forme dans laquelle il sera procédé à l'instruction (art. 14 du Réglement du 22 juillet 1806). Cette disposition a été appliquée dans l'affaire du sieur Pauwels, propriétaire de l'usine à gaz du faubourg Poissonnière.

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