donner à son chagrin. Il lui fallut pendant toute l'année 1805 lutter avec le peu de forces dont il disposait contre des ennemis chaque jour plus hardis. C'était le prélude d'un redoutable orage qui allait fondre sur la colonie. L'Angleterre, dont le commerce était fort éprouvé par la guerre qu'elle soutenait depuis 1803 contre la France et l'Espagne, cherchait partout des nouveaux débouchés pour ses produits. Depuis longtemps le cabinet de Saint-James avait les yeux fixés sur l'Amérique méridionale et songeait à mettre la main sur l'une ou l'autre des colonies dont l'Espagne tirait un si mauvais parti. Pourtant, aucune expédition n'avait encore été projetée, lorsqu'en 1806 le commodore sir Home Popham, qui s'était emparé l'année précédente de la colonie hollandaise du cap de BonneEspérance, eut l'idée d'employer les forces dont il disposait à la conquête du Rio de la Plata. Popham savait que la colonie n'était défendue que par un petit nombre de soldats espagnols, et il croyait, sur la foi de renseignements apportés par un capitaine américain, que les habitants détestaient le joug de la mère patrie, ce qui était vrai, et accepteraient volontiers la domination anglaise, ce qui était faux. Sans consulter son gouvernement, il mit à la voile en avril 1806 avec une escadre de 6 frégates, de 3 corvettes et de 5 transports qui portaient un petit corps expéditionnaire de 800 highlanders du 71° et de 600 soldats de marine, sous les ordres du général Beresford. C'étaient de vaillants soldats et un chef éprouvé. Le 71 régiment de highlanders avait de glorieux états de service. Il s'était surtout signalé en 1799 sous les ordres de sir Sidney Smith dans cette célèbre défense de SaintJean d'Acre qui, au dire de Napoléon, lui avait fait manquer sa fortune. Quant à William Carr Beresford, il comptait déjà parmi les plus brillants officiers de l'armée anglaise. Depuis le commencement des guerres de la Révolution, il n'avait pour ainsi dire pas remis son épée au fourreau. Il avait pris part au siège de Toulon, à la conquête de la Corse, à la guerre de Saint-Domingue, à la dernière lutte contre Tippou-Saïb et à la campagne d'Égypte, dans laquelle, sous les ordres de sir David Baird, il avait exécuté avec son régiment cette merveilleuse marche de neuf jours à travers le désert, de la mer Rouge au Nil, qui avait rendu légendaires les noms de tous les chefs qui l'avaient dirigée. Tout récemment, enfin, il avait contribué à la conquête des possessions hollandaises du cap de BonneEspérance. Favorisée par de bons vents, l'escadre anglaise ne s'attarda pas trop dans sa traversée de l'Atlantique. Le 10 juin, elle fit son apparition dans les eaux du Rio de la Plata. La colonie avait à sa tête le marquis de Sobremonte, vice-roi depuis 1804. Ce n'était pas un mauvais administrateur; il avait gouverné avec assez d'équité; mais il était absolument au-dessous de la tâche difficile qui venait de lui incomber. Dès l'année précédente, la cour de Madrid, effrayée du départ de la flotte du commodore Popham pour les mers du Sud, lui avait donné l'ordre de se tenir en garde contre contre une descente des Anglais. Il avait fait, à cette époque, quelques préparatifs très insuffisants; puis, sur la nouvelle que le commodore Popham s'était emparé du Cap, il avait cru le danger conjuré et avait interrompu ses armements. L'arrivée inopinée de l'escadre anglaise le prit donc complètement au dépourvu et lui fit perdre la tête. Il ne sut prendre aucune mesure utile et se borna à appeler sous les armes les milices qu'il avait eu le tort de ne pas exercer en prévision du danger qui lui avait été signalé. La plus grande partie des troupes régulières avaient été concentrées à Montevideo. Le commodore Popham avait d'abord songé à attaquer cette place. Il changea d'avis en apprenant par un pilote anglais que BuenosAyres, qui n'avait pas d'enceinte fortifiée, n'était défendue que par un petit nombre de soldats espagnols. Il remonta donc le fleuve, et, après une fausse démonstration contre la baie de Barragan, dont la défense avait précisément été confiée à Liniers, il débarqua le 25 juin sa petite armée au port de Quilmès, à cinq lieues de Buenos-Ayres. Quelques marins pris dans les équipages de l'escadre avaient porté à 1,600 ou 1,800 hommes l'effectif du corps de débarquement, dont l'artillerie se composait de quatre pièces de campagne. Ce fut avec cette poignée d'hommes que l'intrépide Beresford osa s'attaquer à une ville dont la population ne devait pas être inférieure à 50,000 âmes. Le général anglais, après avoir employé l'après-midi du 25 juin à assurer sa base d'opérations en établissant fortement une |