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gouverner les églises situées dans les villes moins considérables: ces églises regardèrent comme leurs mères les églises des grandes villes, que l'on appelait déjà métropoles dans le gouvernement politique.

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Lorsqu'une religion naît et se forme dans un état elle suit ordinairement le plan du gouvernement où elle s'établit; car les hommes qui la reçoivent et ceux qui la font recevoir n'ont guère d'autres idées de police que celles de l'Etat dans lequel ils vivent.

» En conséquence, à l'imitation de ce qui se passait dans le gouvernement politique, les évêques des grandes villes, tels que ceux d'Alexandrie, Antioche et autres, obtinrent de grandes distinctions; et il faut convenir que ces distinctions furent utiles à la discipline. On reconnut des églises métropolitaines; les pasteurs qui étaient à la tête de ces églises furent appelés archevêques : dans la suite on donna à quelques-uns d'entre eux les noms de patriarche, exarque ou primat; quelquefois un grand pouvoir était attaché à ces titres ; quelquefois ces titres étaient donnés sans nouvelle attribution de pouvoir.

Les noms de patriarche, exarque et autres semblables, furent surtout en usage chez les Grecs. En Occident le titre d'archevéque fut uniformément donné à tous les métropolitains; et si les diverses révolutions arrivées dans les Etats qui se formèrent des débris de l'empire romain donnèrent lieu à l'établissement de plusieurs primats, ce titre ne fut qu'honorfique pour tous ceux qui le porterent, à l'exception du primat archevêque de Lyon, dont la supériorité était reconnue par l'archevêque de Tours, par l'archevêque de Sens, et par celui de Paris, autrefois suffragant de Sens (1).

» L'ancienneté des métropoles et leur évidente utilité pour le maintien de la discipline doivent en garantir la conservation; mais le judicieux abbé Fleury a remarqué qu'elles avaient été trop multipliées, et qu'on ne les avait souvent érigées que pour honorer certaines villes : il observe qu'elles étaient plus rares dans les premiers siècles, et que leur trop grand nombre est un abus préjudiciable au bien de l'Eglise (2).

» Dans les premiers temps il y avait un évêque dans chaque ville; dans la suite plusieurs villes ont été sous la direction du même évêque.

» L'étendue plus ou moins grande des diocèses a suivi les changemens et les circonstances qui influaient plus ou moins.

(1) Fleury, XVI, ch. 14.

(2) Fleury, Disc. IV, n. 4.

sur leur circonscription: on trouve des diocèses immenses en Allemagne et en Pologne; ils sont plus réduits en Italie; en France on les réunissait ou on les démembrait, selon que des motifs d'utilité publique paraissaient l'exiger. Aujourd'hui les changemens survenus dans les circonscriptions politiques et civiles rendent indispensable une nouvelle circonscription des métropoles et des diocèses dans l'ordre ecclésiastique, car la police extérieure de l'Église a toujours plus ou moins de rapport avec celle de l'Empire.

>> Pour conserver l'unité il ne faut qu'un évêque dans chaque diocèse.

» Les fonctions essentiellement attachées à l'épiscopat sont connucs les évêques ont exclusivement l'administration des sacremens de l'ordre et de la confirmation; ils ont la direction et la surveillance de l'instruction chrétienne, des prières, et de tout ce qui concerne l'administration des choses spirituelles ; ils doivent prévenir les abus et écarter toutes les superstitions (1),

>> Dans les articles organiques on rappelle aux évêques l'obligation qui leur a été imposée dans tous les temps de résider dans leur diocèse, et celle de visiter annuellement au moins une partie des églises confiées à leur soin: cette résidence continue est la vraie garantie de l'accomplissement de tous leurs devoirs.

» Les prêtres et les autres clercs doivent reconnaître les évêques pour supérieurs; car les évêques sont comptables à l'Eglise et à l'Etat de la conduite de tous ceux qui administrent les choses ecclésiastiques sous leur surveillance.

» La division de chaque diocèse en différentes paroisses a été ménagée pour la commodité des chrétiens, et pour assurer partout la distribution des bienfaits de la religion dans un ordre capable d'écarter tout arbitraire et de ne rien laisser d'incertain dans la police de l'Eglise.

» La loi de la résidence est obligatoire pour les prêtres qui ont une destination déterminée, comme pour les évêques.

» Un des plus grands abus dans la discipline de nos temps modernes prenait sa source dans les ordinations vagues et sans titre, qui multipliaient les prêtres sans fonction, dont l'existence était une surcharge pour l'Etat, et souvent un sujet de scandale pour l'Eglise. Les évêques sont invités à faire cesser cet abus ils seront tenus de faire connaître au gouvernement tous ceux qui se destineront à la cléricature; et ils ne pourront promouvoir aux ordres que des hommes qui puissent offrir par

(1) Fleury, Instit. au droit ecclés. Part. 1, ch. 12.

une propriété personnelle un gage de la bonne éducation qu'ils ont reçue, et des liens qui les attachent à la patrie.

» On laisse aux évêques la liberté d'établir des chapitres cathédraux, et de choisir des coopérateurs connus sous le nom de vicaires généraux ; mais ils n'oublieront pas que ces coopérateurs naturels sont les prêtres attachés à la principale église du diocèse pour l'administration de la parole et des sacremens, et que la plus sage antiquité a toujours regardés comme le véritable sénat de l'évêque. Ils peuvent choisir encore, parmi les curés qui desservent les paroisses, un premier prétre chargé de correspondre avec eux sur tout ce qui est relatif aux besoins et à la discipline des églises. Ce premier prêtre, quelquefois désigné sous le nom d'archipretre, quelquefois sous celui de doyen rural, ou sous toute autre dénomination, a été connu dans le gouvernement de l'Eglise dès les temps les plus reculés.

>> Pour avoir de bons prêtres et de bons évêques il est nécessaire que ceux qui se destinent aux fonctions ecclésiastiques reçoivent l'instruction et contractent les habitudes convenables à leur état de là l'établissement des séminaires, autorisé et souvent ordonné par les lois (1). Les séminaires sont comme des maisons de probation où l'on examine la vocation des clercs, et où on les prépare à recevoir les ordres, et à faire les fonctions qui y sont attachées; l'enseignement des séminaires, comme celui de tous les autres établissemens d'instruction publique, est sous l'inspection du magistrat politique. Les articles organiques rappellent les dispositions des ordonnances qui enjoignent à tous professeurs de séminaire d'enseigner les maxinies qui ont été l'objet de la déclaration du clergé de France de 1682, et qui ne peuvent être méconnues par aucun bon citoyen.

» C'est aux archevêques ou métropolitains à veiller sur la discipline des diocèses, à écouter les réclamations et les plaintes qui peuvent leur être portées contre les évêques; à pourvoir, pendant la vacance des siéges, au gouvernement des diocèses dans les lieux où il n'y a point de chapitres cathédraux autorisés par le dernier état de la discipline; à pourvoir par des vicaires généraux au gouvernement des siéges vacans.

>> Toute distinction entre le clergé séculier et régulier est effacée. Les conciles généraux avaient depuis longtemps défendu d'établir de nouveaux ordres religieux, crainte que leur trop grande diversité n'apportât de la confusion dans l'Eglise; et ils avaient ordonné à toutes les personnes engagées dans les ordres ou congrégations déjà existantes de rentrer dans leurs

(1) Ordonnance de Blois.

cloîtres et de s'abstenir de l'administration des cures, attendu que leur devoir était de s'occuper, dans le silence et dans la solitude, de leur propre perfection, et qu'i's n'avaient point reçu la mission de communiquer la perfection aux autres. Toutes ces prohibitions avaient été inutiles; il a été remarqué que la plupart des ordres religieux n'ont été établis que depuis les défenses qui ont été faites d'en former : il est à remarquer encore que, nonobstant les prohibitions des conciles, le clergé régulier continuait à gouverner des cures importantes. Ce qui est certain c'est que la ferveur dans chaque ordre religieux n'a guère duré plus d'un siècle, et qu'il fallait sans cesse établir des maisons de réforme, qui bientôt elles-mêmes avaient besoin de réformation.

» Toutes les institutions monastiques ont disparu; elles avaient été minées par le temps. Il n'est pas nécessaire à la religion qu'il existe des institutions pareilles, et, quand elles existent, il est nécessaire qu'elles remplissent le but pieux de leur établissement. La politique, d'accord avec la piété, a donc sagement fait de ne s'occuper que de la régénération des clercs. séculiers, c'est à dire de ceux qui sont vraiment préposés, par leur origine et par leur caractère, à l'exercice du culte.

>>

» La discipline ecclésiastique ne sera plus défigurée par des exemptions et des priviléges funestes et injustes, ou par des établissemens arbitraires qui n'étaient point la religion.

» Tous les pasteurs exerceront leurs fonctions conformément aux lois de l'Etat et aux canons de l'Eglise ; ceux d'entre eux qui occupent le premier rang n'oublieront pas que toute domination leur est interdite sur les consciences, et qu'ils doivent respecter dans leurs inférieurs la liberté chrétienne, si fort recommandée par la loi évangélique, et qui ne comporte entre les différens ministres du culte qu'une autorité modérée et une

obéissance raisonnable.

» Sous un gouvernement qui protége tous les cultes il importe que tous les cultes se tolerent réciproquement : le devoir des ecclésiastiques est donc de s'abstenir, dans l'exercice de leur ministère, de toute déclamation indiscrète qui pourrait troubler le bon ordre. Le christianisme, ami de l'humanité, commande lui-même de ménager ceux qui ont une croyance différente, de souffrir tout ce que Dieu souffre, et de vivre en paix avec tous les hommes.

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Quand on connaît la nature de l'esprit humain et la force des opinions religieuses, on ne peut s'aveugler sur la grande influence que les ministres de la religion peuvent avoir dans la société; cependant qui pourrait croire que depuis dix ans l'autorité publique a demeuré étrangère au choix de ces minis

tres? Elle semblait avoir renoncé à tous les moyens de surveiller utilement leur conduite. Ignorait-on qu'un culte qui n'est pas exercé publiquement sous l'inspection de la police, un culte dont on ne connaît point les ministres, et dont les ministres ne connaissent pas eux-mêmes les conditions sous lesquelles ils existent; un culte qui embrasse une multitude invisible d'hommes, souvent façonnés, dans le secret et dans le mystère, à tous les genres de superstition, peut à chaque instant devenir un foyer d'intrigues, de machinations ténèbreuses, et dégénérer en conspiration sourde contre l'Etat? La sagesse des nations n'a pas cru devoir abandonner ainsi au fanatisme de quelques inspirés, ou à l'esprit dominateur de quelques intrigans, un des plus grands ressorts de la société humaine. En France le gouvernement a toujours présidé d'une manière plus ou moins directe à la conduite des affaires ecclésiastiques; aucun particulier ne pouvait autrefois être promu à la cléricature sans une permission expresse du souverain. C'est la raison d'état qui dans ce moment commandait plus que jamais les mesures qui ont été concertées pour placer non l'Etat dans l'Eglise, mais l'Eglise dans l'Etat; pour faire reconnaître dans le gouvernement le droit essentiel de nommer les ministres du culte, et de s'assurer ainsi de leur fidélité et de leur soumission aux lois de la patrie. Après avoir réglé tout ce qui peut intéresser l'ordre public on a pourvu, dans les articles organiques, à la subsistance de ceux qui se vouent au service de l'autel, à l'établissement et l'entretien des édifices destinés à l'exercice de la religion.

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» Il ne faut pas sans doute que la religion soit un impôt, mais il faut des temples où puissent se réunir ceux qui la professent. «Tous les peuples policés, dit un philosophe moderne, » habitent dans des maisons; de là est venue naturellement » l'idée de bâtir à Dieu une maison où ils puissent l'adorer, » et l'aller chercher dans leurs craintes ou leurs espérances. > En effet, rien n'est plus consolant pour les hommes qu'un >> lieu où ils trouvent la Divinité plus présente, et où tous >> ensemble ils font parler leurs faiblesses et leurs misères » (1).

» D'autre part, une religion ne pouvant subsister sans ministres, il est juste que ces ministres soient assurés des choses nécessaires à la vie si l'on veut qu'ils puissent exercer toutes leurs fonctions, et en remplir les devoirs sans être distraits par le soin inquiet de leur conservation et de leur existence (2).

» En France il y avait partout des temples consacrés au

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