M. le Contrôleur général même en est instruit, et que tous les contrôleurs peuvent le certifier, que dans tout le Dauphiné, principalement dans les montagnes, la plus grande partie des créances est formée pour des sommes infiniment au-dessous de 500 francs ; qu'on pourrait même assurer qu'il y en a un sixième qui ne va pas à cent écus. Laisser subsister le droit tel qu'il est par l'édit, c'est visiblement exposer les trois quarts au moins des créanciers à perdre leur créance, parce qu'ils ne feront pas, pour la conserver, le sacrifice du revenu et au-dessus. Voilà une raison de justice faite pour toucher la bonté du Roi, qui a à cœur la conservation des propriétés. On ajoute que son fisc est intéressé à cette modification, parce qu'il sortira un grand nombre d'oppositions qui ne seraient jamais formées si les droits qu'il faut payer étaient trop considérables. 17° Que dans le cas auquel les créanciers opposants voudraient se servir du ministère d'un huissier, pour notifier leur opposition au conservateur des hypothèques, ledit huissier ne pourra prétendre, pour ladite notification et copie d'icelle, autre et plus grande vacation que celle de 10 sols, compris le papier et le timbre d'icelui. Cette modification n'a rapport qu'aux huissiers, dont le Parlement, dans toutes les occasions, réprime la cupidité. 18° Que dans tous les cas, et notamment dans ceux d'échange où les copermutants feraient une déclaration de l'état et consistance des immeubles échangés et valeur d'iceux, le conservateur des hypothèques, ses commis ou préposés, ne pourront sous prétexte de fausse déclaration former dans aucun cas auxdits copartageants, après deux années expirées depuis le jour de ladite déclaration, aucune demande en supplément de droits. On sent l'objet de cet article, il n'a pas besoin d'interprétation. Il est juste. 190 Enfin que ledit Seigneur Roi sera très humblement supplié de ne pas permettre que les droits portés au présent édit et au tarif y annexé puissent, dans aucun cas et dans aucun temps, ètre augmentés sous quelque prétexte que ce puisse être. S VI. Nouvel échec du Parlement. militaire de l'édit. Enregistrement Les modifications proposées par la Cour de Dauphiné, quelle que soit la forme habile sous laquelle elles avaient été présentées, ne devaient pas rencontrer meilleur accueil que les remontrances, et bien vite l'administration des finances fit pressentir son sentiment à leur sujet, car, dès le 19 avril, Vidaud, répondant au Contrôleur général, lui disait : « Je vois avec chagrin que plusieurs modifications à << l'édit des hypothèques vous ont semblé en détruire << l'effet.... » Aucune réponse positive n'avait cependant été envoyée, lorsqu'au mois de mai des lettres de jussion, datées du 22, parvinrent au Parquet général. Vidaud apprit de M. de Moydieu que celui-ci allait les présenter, et cela provoqua de sa part une protestation tant auprès du Contrôleur général, qu'auprès de Maupeou et de M. Foulon. « J'espérais, écrivit-il le 9 juin 1773 à ce dernier, je vous l'assure, que vous auriez bien voulu me faire prévenir sur ce qu'il avait été déterminé relativement à notre projet de modifications, pour régler ma conduite en conséquence. Mon embarras est grand, je vous l'avoue; je ferai ce qu'il dépendra de moi pour disposer à la soumission, mais je vois d'avance l'impossibilité d'y réussir.... >> Le Président de Vaulx de Roche se trouvait à ce moment à Paris, en ambassade pour négocier le remboursement des offices; le Parlement tenta de le faire intervenir pour fléchir le Roi. Mais Vidaud sentait bien que toute résistance était désormais inutile et ne pourrait produire aucun résultat, et, écrivant le 22 juin à de Vaulx, il lui manifestait ce sentiment: « Vous n'obtiendrez probablement rien sur les hypothèques; je viens de recevoir réponse du Contrôleur général et de M. Foulon; ils se gardent bien l'un et l'autre de discuter la matière, ils disent seulement qu'il n'est pas possible de faire avant l'enregistrement aucun changement, mais qu'on pourra par la suite donner déclarations interprétatives. Quelles pauvres raisons, et depuis quand faut-il enregistrer quelque chose de mauvais, reconnu pour tel, que l'on a projet de corriger? Ce qui ne vaut rien aujourd'hui ne doit pas être autorisé par une loi, dùt-on la révoquer demain. Je leur répondrai et je persiflerai bien ce fichu système; je ne mettra point encore cet édit en délibération. Voici ce que le Contrôleur général me marque de sa main au bas de la lettre des bureaux: j'espère qu'il en sera pour le Dauphiné comme pour Toulouse et Bordeaux; cet édit est un présent utile. Notez qu'à Bordeaux il s'est enregistré militairement, et que dans le corps de la lettre le Contrôleur général remarque qu'il est véritablement fàché que le Parlement veuille forcer le Roi à déployer son autorité pour l'enregistrement de cette loi. Vous voyez qu'il ne reste plus d'espérance. » Les lettres de jussion furent présentées aux Chambres le 16 juillet; le Parlement rendit séance tenante l'arrêt suivant (1): (1) Arch. de l'Isère, B, Reg. 2314, f• 258, v°. «La Cour, les Chambres assemblées, délibérant sur les lettres de jussion du 22 mai dernier concernant l'enregistrement de l'édit des hypothèques, a arrêté qu'il sera fait de nouveau de très humbles et très respectueuses remontrances à Sa Majesté, pour la supplier de retirer ledit édit, ou d'approuver les modifications dont le projet a déjà été envoyé à ses ministres dans le mois d'avril dernier. » Vidaud le transmit à l'abbé Terray, à Maupeou et à M. Foulon, leur renouvelant la décision irrévocable du Parlement de ne pas vouloir soumettre la province à une loi aussi contraire à son intérêt. Ce fut sans doute cette attitude du Parlement qui précipita les événements. Engagée dans cette voie, en effet, la résistance tournait à une politique d'atermoiements: les remontrances ne seraient pas rédigées avant les vacances, et il était à prévoir que l'année 1774 se passerait encore en discussions stériles. Le 28 juillet, de Compiègne, le Roi adressa ses ordres à M. de Pusignieu, lieutenant-général des armées du Roi, Commandant de la province de Dauphiné. Le 4 août, ce dernier demanda au Premier Président de convoquer l'assemblée des Chambres pour le lendemain. Le 5, elles se réunirent et tinrent à 8 heures du matin une délibération où fut pris l'arrêté suivant (1) : « Ce jour, les Chambres assemblées sur les 8 heures du matin, la Cour ayant été informée que le sieur de Pusignieu (1) Arch. de l'Isère, B, 2314, f° 258, vo. avait annoncé avoir des ordres du Roi relatifs à l'enregistrement de l'édit du mois de juin 1771, les gens du Roi mandés, eux retirés, la Cour sensiblement affectée, non seulement de ce que les mémoires et remontrances ont été sans effet, mais encore du refus d'attendre et d'écouter les justes représentations dont elle s'occupait, conformément à sa délibération du 16 juillet dernier, prise en suite des seules lettres de jussion qui lui aient été adressées sous la date du 22 mai précédent, persuadée que si le Seigneur Roi eût eu connaissance des nouveaux motifs que son Parlement allait mettre sous ses yeux, sa justice et sa bonté l'auraient porté ou à retirer ledit édit, ou à en modifier diverses dispositions, qui sont inconciliables avec les lois statutaires de la province de Dauphiné: «A arrêté de persister auxdites remontrances et délibérations, en conséquence de continuer à s'occuper des remontrances arrêtées le 16 juillet dernier, et cependant de n'entendre donner aucun consentement ni adhésion à ce qui pourrait être fait par ledit de Pusignieu, au préjudice des lois et ordonnances du royaume, au sujet de la vérification, publication et enregistrement des édits, ordonnances, déclarations ou lettres patentes adressées à la Cour, protestant de l'irrégularité de ce qui pourrait être fait par ledit de Pusignieu, même de la contrainte qui pourrait être adressée à tous les magistrats de ladite Cour ou à aucuns d'eux, pour assister tous, à peine de désobéissance aux ordres exprès dudit Seigneur Roi, à quelque transcription d'édit, déclarations ou lettres patentes, sur lesquels les officiers de ladite Cour n'auraient eu ni pu avoir la liberté de délibérer. » Quelques instants plus tard, vers 9 heures du matin, M. de Pusignieu arrivait. Il se présenta seul dans la Chambre du Conseil, et déclara qu'il était porteur des ordres du Roi. Après le cérémonial ordinaire, au cours |