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Au moment où des intérêts d'une si haute portée occupâient l'assemblée nationale et toute la France, la municipalité de Paris, pour faire diversion et porter l'attention publique sur quelque autre objet, eut l'idée d'organiser la pompe funèbre pour la translation au Panthéon des cendres de Voltaire, déposées provisoirement à Romilly, en Normandie, corformément au décret de l'assemblée du 31 mai précédent, et elle eut lieu le 12 juillet. Le char qui portait le sarcophage était traîné par douze chevaux, attelés sur quatre de front, et conduits par des hommes vêtus à l'antique. De nombreux détachements de tous les bataillons de la garde nationale ouvraient et terminaient la marche. Le cortége immense qui accompagnait les dépouilles mortelles du philosophe qui avait appris aux hommes à penser était composé de députations de l'assemblée nationale, de toutes les autorités de Paris, des acteurs des différents théâtres de la capitale; le club des Jacobins y afflua tout entier. On y voyait aussi figurer les vainqueurs de la Bastille et les individus qui avaient arrêté la famille royale à Varennes, tous couronnés de branches de chêne (emblèmes du civisme), tous s'avançaient en vrais triomphateurs au son des fanfares.

Sur une multitude de bannières on lisait des vers de Voltaire, dont on retournait le sens pour leur prêter une inten

tion révolutionnaire. Au milieu du cortége, des hommes, vêtus aussi à l'antique, portaient sur un brancard la statue de Voltaire; elle était entourée de pyramides chargées de médaillons, couverts des titres de ses ouvrages les plus chéris du public. Des choeurs nombreux de chanteurs exécutaient des hymmes à la louange du poëte philosophe. Cette parade révolutionnaire était décorée du titre de főte nationale; David en avait été le principal ordonnateur.

Le cortége fit plusieurs stations: devant l'Opéra, devant la maison du ci-devant marquis de Villette, où Voltaire était mort, devant la Comédie française, enfin à l'église de Sainte-Geneviève érigée en Panthéon destiné à recevoir les cendres des hommes qui avaient bien mérité de la patrie, et celles de Voltaire y furent déposées. Nonseulement les hommes religieux étaient indignés de ce triomphe, qui, à vrai dire, était le triomphe de l'impiété, mais encore tous les esprits sages se sentaient blessés de voir mêler les formes du paganisme aux plus augustes cérémonies de la religion (1).

Cette pompe funèbre ne laissa dans l'esprit du peuple que l'impression que la multitude ressent à la représentation d'une pièce de théâtre à grand spectacle; tandis que la pensée de tous les hommes de bien se portait exclusivement sur l'assemblée, et souhaitait qu'elle mît enfin un terme à la situation équivoque du roi; on craignait aussi une agitation qui, d'un moment à l'autre, pouvait se changer en une violente explosion.

Enfin, après vingt jours d'attente, Muguet Nantoue

(1) Moniteur, Bertrand de Moleville, t. V, p. 150. Labaume, t. V, p. 137. Tableaux historiques de la révolution française, t. 1, p. 38.

Au moment où des intérêts d'une si haute portée occtipaient l'assemblée nationale et toute la France, la municipalité de Paris, pour faire diversion et porter l'attention publique sur quelque autre objet, eut l'idée d'organiser la pompe funèbre la translation au Panthéon des cendres pour de Voltaire, déposées provisoirement à Romilly, en Normandie, corformément au décret de l'assemblée du 31 mai précédent, et elle eut lieu le 12 juillet. Le char qui portait le sarcophage était traîné par douze chevaux, attelés sur quatre de front, et conduits par des hommes vêtus à l'antique. De nombreux détachements de tous les bataillons de la garde nationale ouvraient et terminaient la marche. Le cortége immense qui accompagnait les dépouilles mortelles du philosophe qui avait appris aux hommes à penser était composé de députations de l'assemblée nationale, de toutes les autorités de Paris, des acteurs des différents théâtres de la capitale; le club des Jacobins y afflua tout entier. On y voyait aussi figurer les vainqueurs de la Bastille et les individus qui avaient arrêté la famille royale à Varennes, tous couronnés de branches de chêne (emblèmes du civisme), tous s'avançaient en vrais triomphateurs au son des fanfares.

Sur une multitude de bannières on lisait des vers de Voltaire, dont on retournait le sens pour leur prêter une inten

tion révolutionnaire. Au milieu du cortége, des hommes, vêtus aussi à l'antique, portaient sur un brancard la statue de Voltaire; elle était entourée de pyramides chargées de médaillons, couverts des titres de ses ouvrages les plus chéris du public. Des choeurs nombreux de chanteurs exécutaient des hymmes à la louange du poëte philosophe. Cette parade révolutionnaire était décorée du titre de fête nationale ; David en avait été le principal ordonnateur.

Le cortége fit plusieurs stations: devant l'Opéra, devant la maison du ci-devant marquis de Villette, où Voltaire était mort, devant la Comédie française, enfin à l'église de Sainte-Geneviève érigée en Panthéon destiné à recevoir les cendres des hommes qui avaient bien mérité de la patrie, et celles de Voltaire y furent déposées. Nonseulement les hommes religieux étaient indignés de ce triomphe, qui, à vrai dire, était le triomphe de l'impiété, mais encore tous les esprits sages se sentaient blessés de voir mêler les formes du paganisme aux plus augustes cérémonies de la religion (1).

Cette pompe funèbre ne laissa dans l'esprit du peuple que l'impression que la multitude ressent à la représentation d'une pièce de théâtre à grand spectacle; tandis que la pensée de tous les hommes de bien se portait exclusivement sur l'assemblée, et souhaitait qu'elle mît enfin un terme à la situation équivoque du roi; on craignait aussi une agitation qui, d'un moment à l'autre, pouvait se changer en une violente explosion.

Enfin, après vingt jours d'attente, Muguet Nantoue

(1) Moniteur, Bertrand de Moleville, t. V, Labaume, t. V, p. 150. p. 137. Tableaux historiques de la révolution française, t. Ì, p. 38.

présenta (13 juillet), au nom des sept comités réunis, un rapport à l'assemblée sur cette déplorable affaire.

La première question que le comité crut devoir examiner était de savoir si le roi pouvait être mis en cause pour le fait de son évasion? Le rapporteur, après avoir relaté les circonstances et tous les incidents qui avaient donné lieu au départ et à l'arrestation de Louis XVI à Varennes, poursuivit en ces termes : « Ce n'est point pour « le monarque, ce n'est pas par une idolâtrie politique « que l'assemblée nationale a décrété le gouvernement monarchique et l'hérédité du trône; que l'inviolabilité << est devenue, non pas le privilége de la personne, mais « l'attribut nécessaire du pouvoir. Les fonctions du roi << sont inséparables de sa personne; il n'est pas un ci« toyen, il est à lui seul le pouvoir. Si ce pouvoir n'était « pas indépendant, il serait bientôt détruit par celui dont il dépendrait. Cette inviolabilité de la personne « du roi est modérée dans ses effets par la responsabilité

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de ses agents. C'est d'après ces principes que, si vous « considériez le roi comme coupable, vous devriez déter« miner la conduite que vous auriez à suivre. Mais son « évasion est-elle un délit? Cette question se résout par « les décrets mêmes de l'assemblée. L'article IV du décret a du 28 mars porte : « Si le roi sortait du royaume, et « si après avoir été invité par une proclamation du corps législatif il ne rentrait pas en France, il serait censé avoir « abdiqué. » — « Au terme de ce décret, si le roi fût ar

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« rivé à Montmédy et qu'il y fût resté, vous auriez dû lui

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représenter qu'il était à plus de vingt lieues de l'assem

« blée nationale; s'il eût passé la frontière, vous auriez

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