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No. 25.

14 Août 1790.

(257)

JOURNAL DES DÉPARTEMENTS,

DISTRICTS ET MUNICIPALITÉS

DE LA CI-DEV. PROVINCE DE BRETAGNE. Par une Société de Patriotes.

BULLETIN

DE LA CORRESPONDANCE DE RENNES.

Séance du ·

9 août 1790.

M. Reubell a lu. le procès-verbal de la séance de la veille.

Un membre a annoncé qu'un courier extraordinaire venoit d'arriver, dépêché par les officiers municipaux. de Stenay; les bruits qui se sont répandus de l'entrée prochaine des Autrichiens sur les terres de France, ont rassemblé 12 mille gardes nationales autour de cette ville. Cette troupe a arrêté un officier de chasseurs de Flandres, & un soldat, porteurs de 23 imprimés incendiaires, & elle vouloit en faire justice sans la municipalité de Stenay, qui n'a pu les tirer de ses mains qu'en se chargeant de leur garde, sous peine d'en répondre. Cette municipalité demande les ordres

de l'assemblée.

9

L'imprimé dont étoit porteur cet officier, a dit M. Reubell, invite tous les régimens de l'armée à déposer leurs officiers. Je demande que le comité des rapport en rende compte de matin.

Cette motion a été décrétée.

A l'ordre du jour étoit la question de savoir par qui les accusations publiques devoient être exercées. Après B. tom. VI. J. tom. I. Abonnement d'août. "12.

quelques réflexions assez longues de MM. Goupil & Mougins, le premier pour continuer aux procureurs du roi l'exercice de ce droit, l'autre pour l'accorder aux élus du peuple, M. Brevet a développé son opinion: J'ai cru que la question qui vous est soumise & qui est véritablement la cause de l'honneur, de la vie & de tous les droits des citoyens, devoit être discutée devant vous, d'après les règles immuables de la nature & de la raison ; & qu'enfin ce n'étoit pas, surtout dans cette circonstance solemnelle, qu'il convenoit de faire revivre au milieu de l'assemblée nationale ces jurisconsultes des tems passés, qui ne voyant & ne connoissant dans le monde d'autres loix que la loi romaine, la loi canonique, ou la loi coutumière, traitoient des principes de loix, comme un esclave dans les fers pourroit raisonner de la liberté.

En conséquence, je vais rechercher quel est l'origine du droit d'accusation publique, quel en est l'objet, quels doivent en être les caractères & à qui l'exercice en a été primitivement conféré.

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L'origine du droit d'accusation se trouve dans le contrat social dont il forme une des bases les plus essentielles en vertu de ce contrat, des hommes ont mis en commun leur force & leur volonté pour garan tir à chacun la plus grande aisance, les plus grandes suretés, le plus grand bonheur possible.

à ce

Mais comme toute infraction à la loi jurée blesse à la fois, chaque individu, & met en péril la société entière, chacun de ses membres a un intérêt égal à ce que l'ordre public soit constamment maintenu, que la loi soit religieusement observée, & à ce qu'une terreur salutaire, & sans cesse menaçante, rende les délits presque impossibles. Ainsi tous les citoyens sont nécessaiment les surveillans respectifs, les uns à l'égard des autres; & la liberté des accusations est, dans son origine, un droit véritable de cité qui appar tient également à chacun des individus qu'elle renferme.

S'il est vrai que vous veuillez fonder votre constitution sur la base immortelle des droits du citoyen, & si d'un autre côté je suis convaincu que la liberté des accusations est un de ces droits pri

mitifs indestructibles, j'ai donc à examiner maintes nant s'il ne seroit pas de votre devoir de consacrer cette liberté dans un principe constitutionel. Or, trois questions se présentent ici. La liberté des accusations est-elle compatible avec la forme d'un gouvernement monarchique? Première question. Si cette liberté est compatible avec la forme d'un gouvernement monarchique, peut-elle s'allier avec nos mœurs actuelles ? Deuxième question. Si nos mœurs actuelles repugnent à cette alliance à qui de l'homme du roi ou de l'homme du peuple, l'exercice de ce droit doitil être confié? Troisième question.

Tout citoyen, par la force de l'acte qui l'a investi de ce titre, jouit du droit d'accuser. Donc, quand il ne veut pas exercer par lui-même cette fonction, il importe à son repos de connoître celui qui l'exerce pour lui; donc, lui seul peut & doit nommer son représentant pour cette partie; donc, il faut apporter une modification à l'article même de votre comité.

En effet, qu'il me soit permis de le dire en passant; je ne vois pas pourquoi le comité place des intermé diaires électeurs entre le citoyen & le juge qui doit faire pour le citoyen la charge d'accusateur public. Tous les juges, il est vrai, seront également le choix du peuple; mais il n'est pas moins évident que par ce mode d'élection, celle de l'accusateur public ne sera plus le fruit immédiat de la confiance du peuple, & qu'il est possible que les juges ne connoissent pas toujours entr'eux celui que ses suffrages auroient préféré. Je crois donc utile & conforme à vos maximes de déeréter que dans les tribunaux où il n'y aura qu'un président, & dans les tribunaux où il y auroit deux chambres, le second & le troisiéme juges élus par le peuple, seront, par cela seul, désignés pour vaquer aux fonctions criminelles.

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Alors, MM. vous aurez fait pour chaque citoyen. ce qu'il a le droit d'exiger de vous. Vous aurez respecté ensemble & un droit naturel & le libre exercice de sa confiance vous lui aurez présenté un délégué qui sentira bien qu'on peut usurper pour quelque temps la con fiance du peuple, mais qu'il n'est qu'une seule voie

pour se la conserver longtemps; savoir, d'exercer ses fonctions avec zèle, courage & impartialité. Enfin, & c'est un des plus singuliers avantages de la loi qu'on

ous propose, par-là vous fermerez la seule porte peutêtre par où la corruption s'introduiroit dans votre ministère public; par-là vous enleverez aux séductions ministérielles, & aux intrigues des puissans, les prises les plus efficaces qu'elles auroient sur les fonctions des commissaires du roi , pour les rendre attentatoires la liberté individuelle & nationale ; & n'appréhendez pas que cette distribution anéantisse cette belle magistrature pour quiconque aura l'amour & la conscience de son état elle offrira toujours une vaste carrière de devoirs à remplir, & d'éloges à mériter.

:

Mon avis est que l'accusatenr public soit nommé par le peuple.

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M. Drevon le motif qui a déterminé votre comité à changer de façon de penser, est que le roi, comme chef suprême de la justice doit point pa roître devant les tribunaux dans l'état d'une partie qui plaide. Votre comité conviendra que si cette réflexion est heureuse si elle est constitutionnelle elle n'en a été pas moins tardive, puisque d'abord il vous a proposé de créer des procureurs du roi. Considérez que vous avez élevé un mur d'airain entre les fonctions du procureur du roi & toutes les branches d'administration; que dès-lors il est inaccessible à la crainte & à l'espérance : & qu'au contraire, l'incompatibilité pour les juges élus par le peuple ne sera que temporaire, & que si dans les matières civiles ils peuvent conserver l'attachement qu'ils doivent à leurs devoirs il est à craindre qu'en matière criminelle ils n'aient pas cette fermeté de caractère qu'il est si rare de trouver parmi les hommes.

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que

M. de Beaumets : Je trouve comme lui le droit d'accuser, loin d'être infracteur de la paix publique en est au contraire le ferme appui. On craint la calomnie; mais il y a des moyens d'y mettre un frein. Nous pouvons en ce point imiter les Romains dans les beaux jours de la liberté. On sait qu'il y avoit des punitions très-graves pour qui

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à

conque osoit abuser de ce droit sacré d'accuser chez un peuple libre. Un frein bien puissant est le reproche de passer pour mauvais citoyen. Il est vrai qu'on peut vous mettre sous les yeux des exemples funestes de l'accusation; mais sous quel régime l'accusation a-t-elle été funeste ? Sous les tyrans : Rome sous les Caligula, les Néron, les Commode; mais c'étoit dans ces temps malheureux où le ressort de la liberté étoit courbé sans être rompu, où de vils agens du despotisme faisoient métier d'être délateurs. Mais sous les princes où la liberté n'étoit pas un mot vide de sens sous les Titus

les Trajan, les Antonin, l'accusation publique reprit son ressort ; & le citoyen vertueux poursuivit l'ennemi de la patrie avec le même courage qu'il le le combattoit sur le champ de bataille. Il y a douze siècles que les Germains nos aïeux jouissoient de ce droit ; tant il est vrai de dire qu'il a pour base la nature même.

Il est des crimes qui peuvent échapper à l'eil du public, ou dont l'auteur peut s'envelopper tellement des ténèbres, qu'il ne se trouve personne qui puisse entreprendre de l'accuser. Il faut dans ces occasions, qui ne laissent pas d'être assez fréquentes, il faut un magistrat chargé de la mission expresse d'être accusateur. De qui doit-il recevoir cette mission? Mon opinion particulière seroit que le roi devroit en investir le magistrat, sans m'opposer formellement à ce qu'elle émanât du peuple pour peu que ce magistrat fut perpétuel car s'il peut être révoqué, s'il dépend des circonstances, vous manquerez essentiellement le but, & la liberté courra le plus grand danger.

M. de Beaumets a conclu à attribuer à tout citoyen actif le droit d'accuser, & à créer un procureur du roi chargé & tenu de déférer à la justice les délits, & de charger le comité de jurisprudence criminelle de présenter un mode d'accusation.

M. le Pelletier, jadis de Saint-Fargeau, après avoir prononcé un discours fort éloquent, où il a rallié les principes de MM. Brevet & de Beaumets,

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