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glante & fatale, nous nous repofions presque entierement de la reprise de nos conquêtes fur nos amis, pendant que nous nous livrions aux premieres douceurs de la paix.

Pour ce qui eft du trait empoisonné qu'on a lancé contre l'Amiral Norris, il eft part d'une main trop tremblante pour pouvoir porter coup. Mr. F*** auroit dû mieux foutenir fon propre honneur mis en compris par le Memoire du Miniftre d'Angleterre, & ne point fe battre en retraite, s'il avoit voulu attaquer avec fuccès celui de l'Amiral Norris, fi cet Amiral s'eft laiffé corrompre, il faut neceffairement accorder que fes ordres étoient bons & dans les formes, mais qu'il n'y a pas obéi. La confequence qui s'enfuit ne fera pas peut-être non plus du goût de F***,*& de fes adherens; car fi les ordres de l'Amiral Anglois étoient tels qu'il les faut absolument fupofer, en foutenant qu'il a été corrompu, on n'a rien à reprocher à la Cour d'Angleterre, à moins que les Ruffes ne s'avifent d'avancer de nouveau que la Cour d'Angleterre avoit fous main demandé au Czar de corrompre l'Amiral Norris; de forte que par la connexion même des circonstances, il paroit que fous une accufation auffi bien que fous l'autre, il y a plus de malice & de mechanceté cachée, que de verité, dans le deffein de noircir l'Angleterre, de faire naître & entretenir une forte méfiance contre elle. Il est certain, que dans l'année 1719. lorsque nous conclumes le Traité avec l'Angleterre, nous faifions plus de reflexion fur cette Couronne, comme le parti le plus fort dans l'Europe moiennant la celebre Quadruple Alliance, par Tome III.

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laquelle elle étoit fi étroitement liée avec la France, la Hollande & l'Empereur des Romains, & nous aurions immanquablement recouvré le moien de notre Alliance avec par l'Angleterre, la plus grande partie de ce qui nous a apartenu du côté de la Russie, fi la Cour de Vienne avoit voulu alors en faire caufe commune avec l'Angleterre & la France comme on s'y attendoit de tous côtés, & fi l'Empereur des Romains y avoit voulu entrer, non-feulement en reconnoiffance du Royaume de Sicile, que lesdites Couronnes venoient alors de lui remettre entre les mains mais auffi à cause de l'interêt que lui & d'autres Puiffances de l'Europe doivent avoir à affifter la Suede, & à renfermer la Ruffie dans fes anciennes bornes, pour la conservation de l'équilibre dans le Nord. Si la Cour Imperiale s'étoit jointe, tout auroit peut-être été fini dans une feule Campagne; mais quelques inftances & remontrances preffantes que l'Angleterre & la France, de même que les Miniftres de Suede firent à Vienne, tout a été en vain, jufques-là même que lors que l'Angleterre demanda les Troupes auxiliaires stipulées entre elle & l'Empereur par un Traité particu lier*, on les lui refufa fous pretexte qu'on n'étoit pas fûr du côté des Turcs. Par cette conduite la Cour Imperiale fit voir qu'elle n'as voit pas fort à coeur ni le retabliffement de la Suede, ni la confervation de l'équilibre dans. le Nord; & l'on trouva que cette même conduite fut le commencement de cette jalousie d'Etat, qui regne prefentement entre ces deux Puif

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Conclu à Londres en 1719. par le Comte de Volkra:

Puiffances de l'Europe. Par ces raifons là France ne trouvant pas raisonnable de s'engager dans des troubles & des difficultez dans le tems d'une minorité, pendant que l'Empereur fe tenoit tranquille, quoiqu'il eut les mains libres, l'Angleterre par confequent fe trouva feule, & ne pouvoit abfolument prendre fur elle tout le fardeau de la Guerre, ni rien entreprendre avec quelques apparences de fuccès. A juger donc fainement, fi l'on veut parcourir fans prevention les affaires de ce tems felon leurs veritables circonftances, on trouvera que ce n'a pas été par la faute de l'Angleterre que nous avons fi peu profité de fon Alliance en 1719., & fi l'on ne veut at tribuer nos malheurs à la fituation fatale des conjonctures, il faut au moins partager le bla me avec une autre Cour, comme on vient de le faire voir.

Au refte, à juger de l'avenir par le paffé, notre Hiftoire depuis Charles-Guftave nous oblige de compter l'Angleterre pour un de nos plus folides Alliez, & la veritable pierre-detouche de la bonne foi des Princes. L'interêt nous affure avec certitude de celle de cette Couronne independamment de ce que nous avons demontré ci-deffus fur ce point, & des aprehenfions que l'Angleterre pourroit avoir de perdre une des plus fortes branches de fon commerce, fi le feu Empereur de Ruffie avoit mis à execution fon projet de faire paffer le Negoce de Perfe & d'Afie par la Ruffie. La fituation delicate où fe trouve aujourd'hui PEurope, & les évenemens qui pourroient troubler fa tranquilité, rendent notre amitié d'autant plus neceffaire à la France & à l'AnR 2

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gleterre, que nous fommes fituez, en voulant même refter entierement tranquilles, de maniere à pouvoir tenir en échec les Puiffances qui pourroient concourir à une fin fi funefte; car fi la France & l'Angleterre, qui en veillant à la tranquilité publique, ne fauroient perdre de vûë, ni abandonner les affaires du Nord, avoient des affaires fur les bras de ce côté-là, il est évident que les Puiffances, dont on vient de parler, auroient beau jeu dans le Sud.

Mais ceux qui veulent femer fi artificieusement parmi nous la defiance contre la France & l'Angleterre, & nous obliger de nous abandonner à la bonne foi des Ruffes, quel exemple ont-ils à produire qui puiffe nous y engager ? Notre Hiftoire ancienne & moderne eft remplie de faits memorables de la foi Grecque, dont l'orthodoxie ne s'eft pas même dementie, ainsi qu'on le verra en tems & lieu dans ces dernieres années. Nos voifins, la Pologne & le Dannemarc, tremblent encore quand ils fe fouviennent du peril que leur trop grande confiance dans l'Alliance Ruffienne leur a fait courir.

Il ne nous refteroit donc qu'à examiner fi la Flotte Angloife eft fuffifante pour garantir nos Côtes contre les infultes des Galeres Ruffiennes, mais l'exemple de cette année ne nous laiffe aucun doute fur ce point, & cette demonstration Phifique vaut mieux que tous les raisonnemens qu'on étale pour prouver le contraire. Car quelque bon vent qu'il ait fouflé pour faire prendre le large à la Flotte que la Cour de Ruffie nous avoit fi souvent affuré devoir fortir, pour éprouver la contenance de

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l'Escadre Angloife, leurs Galeres & leurs Vaiffeaux ne l'ont jamais trouvé affez favorable pour se montrer, quoiqu'ils euffent plus d'une raifon qui les engageât à donner quelque chose au hazard.

Auffi s'eft-on jetté fur ce que l'Angleterre fe laffera de faire la dépenfe d'envoyer tous les ans une Escadre dans la Mer Baltique. Mais outre qu'une partie de ces Gardes-Côtes, dont l'entretien eft couché fur l'état ordinaire, fufit pour former cette Escadre, on ne peut pas douter que l'Angleterre ne veuille foutenir cette dépenfe, quoiqu'elle fut extraordinaire vû qu'elle perdroit le fruit de celle qui a déja été faite, au moins jufqu'au tems que la Suede fe trouvera en état de ne plus craindre la Marine Ruffienne.

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V. Objection. Si la Suede fe croit affez ap. puyée pour ne pas s'allarmer du danger qui la menace elle devroit au moins facrifier son acceffion au Traité de Hanovre, aux riches efperances qu'on nous fait entrevoir de la part de la Ruffie, & qu'aucune offre, que la France & l'Angleterre nous pourroient faire, ne fauroit balancer. Elles ne peuvent non plus être prifes pour de faux apas, puifque l'Imperatrice veut contribuer elle même aux moyens de pouvoir faire agir nos forces en nous fourniffant 300. mille Roubles, fubfide que l'Ambaffideur Ruffien doit avoir ordre d'augmenter juf qu'à un million de Roubles payables dans trois années, c'eft à-dire trois cens & quelques tren. te mille par an. Il n'eft pas non plus naturel que l'Imperatrice de Ruffie agiffe avec tant de confiance, fi elle n'avoit pas une intention fincere d'executer en tems & lieu les deffeins qu'el

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