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tel de langueur en apprenant l'horrible fin de la princesse de Lamballe sa belle-fille. Sentant approcher sa dernière heure, et étant instruit que depuis la mort de Louis XVI, son infâme gendre avoit perdu tout crédit même parmi les scélérats, il exhorta sa fille à se séparer de biens avec son indigne époux. Elle en fit en effet la demande, et fut exaucée. D'Orléans n'y apporta aucun obstacle. Le duc de Penthiévre mourut deux jours après. Jamais prince ne mérita plus d'être regretté. Religieux, bon, compatissant, père de tous les malheureux, protecteur des écrivains sages, ami sûr et fidèle, excellent parent, il donna à son siècle pendant tout le cours de sa vie, et sans se démentir un seul instant, l'exemple des vertus les plus aimables comme les plus solides.

Dès que d'Orléans fut instruit de la mort du duc de Penthiévre, il courut à Vernon, pour arracher tout ce qu'il pourroit de la riche succession de son beau-père, mais ce n'étoit plus pour lui qu'il recueilloit. Le duc de Penthiévre étoit mort le 4 Mars 1793, et dès le 9 au soir, Danton, Robespierre, Marat et quelques autres misérables de ce parti, vinrent trouver d'Orléans, pour le dé pouiller des bijoux et de l'or qu'il avoit apportés de Vernon. Ils lui contèrent qu'ils devoient dans la nuit même, exciter un mouvement à la faveur duquel il seroit le lendemain matin, proclamé dans l'hôtel-de-ville, lieutenant général de la république. D'Or

léans

pour l'exécution de ce dessein, donna ce qui lui restoit de richesses.

Le lendemain matin, il y eut bien en effet dans Paris quelque mouvement, comme il ne cessoit d'y en avoir depuis la mort de Louis XVI, et le but de ces agitations étoit toujours de faire égorger dans une insurrection générale, tous ceux qu'on appelloit fédéralistes. Mais d'Orléans ne parut point à l'hôtel-de-ville. Les Maratistes répandirent qu'au moment de s'y rendre, il avoit manqué de résolution, et s'étoit évanoui.

Depuis cette époque, le prince devint absolument indifférent aux Maratistes. Sans renoncer ouvertement à toute relation avec lui, ils se mirent en état de l'abandonner au premier événement qui leur en présenteroit le prétexte. Il ne pouvoit plus en effet leur être d'aucune utilité, dès qu'il n'avoit plus rien à leur donner.

L'étoile de d'Orléans avoit pâli. Dumou riez qui n'avoit rien pu faire à Paris, acheva de ruiner les affaires du Prince, lorsqu'il eut rejoint son armée. Mettant dans cette cir- · constance, toute. l'impétuosité de son caractère naturellement ardent, il ne laissa point mûrir les germes d'insurrection qu'il avoit semés parmi ses soldats. Il voulut brusquer l'affaire, et se comporta en vrai héros de roman. Il ne se proposoit pas moins que de marcher sur Paris avec son armée, de prendre cette capitale de vive force, de dissoudre la convention nationale, et de placer

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d'Orléans sur le trône.

Il se tenoit si sûr du succès, qu'il arrêta un ministre et des députés que l'assemblée lui envoyoit pour prévenir la guerre qu'il alloit lui faire. Au mo ment de l'exécution, ses troupes l'abandonnèrent. Il ne lui resta que quelques officiers et un régiment de hussards. N'ayant pas un moment à perdre, il se fit jour avec cette foible escorte à travers quatre bataillons et une grêle de coups de fusil; il parvint en droiture à la tente du général autrichien auquel il livra les membres de l'assemblée et le ministre qu'il avoit fait prisonnier. Le fils aîné de d'Orléans, la femme Sillery, Valence et les autres principaux chefs de la faction Orléaniste suivirent Dumouriez sur le territoire étranger.

Sa désertion laissa d'Orléans sans ressource et sans espoir. Dès ce moment, ce ne fut plus pour ce prince que l'on conspira. J'ai fini l'histoire de ses crimes, je vais tracer celle de son supplice. Il lui fut donné de soulever la France, de remuer l'Europe entière, de tromper les peuples, comme le dit l'immortel Bossuet de Cromwell, de prévaloir contre les rois. Quand Dieu, dit le même orateur, a choisi quelqu'un pour étre l'instrument de ses desseins, rien n'en arrête le il enchaîne, ou il aveugle, ou il dompte tout ce qui est capable de résistance. Ainsi la providence se voile quelquefois sous les succès des ministres de ses vengeances; mais tôt ou tard,

ои cours:

elle se découvre et se justifie aux yeux des hommes. Jamais peut-être sa justice et sa puissance ne se manifestèrent avec plus d'éclat que dans les châtimens qu'elle exerça sur d'Orléans. Ce qui me reste à raconter de la vie publique de ce prince, va présenter une preuve à jamais mémorable de cette vérité, et c'est aux novateurs, aux artisans des révolutions que je la présente.

Fin du dix-septième Livre.

DE LA

CONJURATION

DE

LOUIS-PHILIPPE-JOSEPH D'ORLÉANS,

SURNOMMÉ ÉGALITÉ.

LIVRE DIX-HUITIEME.

D'Orléans renonce au nom de ses ayeux. Il se compare à Brutus. Il est abandonné par Robespierre. Il est dénoncé dans la société des Jacobins, comme empoisonneur, et dans la convention, comme aspirant à la royauté. Il est arrêté sur une motion de Carrier, conduit à l'Abbaye, et de-là transféré dans les prisons de Marseille. Vie qu'il mène dans cette dernière prison. Il revient à Paris, dans les prisons de la conciergerie. Son jugement. Sa mort. Détails sur sa famille.

PEU

EU après les massacres de 2 et 3 septembre, d'Orléans s'étoit traîné de lui-même au dernier terme de la dégradation. Il étoit

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