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ciers ministériels qui se seraient strictement renfermés dans l'exécution littérale des lois et règlements.

Délibéré à Toulouse, le 28 décembre 1843.

CHAUVEAU-ADOLPHE et RODIÈRE,

Professeurs à la Faculté de droit.

OFFICES, DISCIPLINE, TAXE ET DÉPENS.

TRIBUNAL CIVIL DE LA SEINE.

Offices. Société nulle.-Liquidation.

Est nulle toute association formée pour l'exploitation d'un office (1).

Cette nullité est telle que l'association ne peut produire aucun effet quelconque, même pour le règlement des droits respectifs nécessités par l'annulation prononcée judiciairement (2).

(Legrip C. Moreau.)

Deux arrêts de la Cour royale de Paris et de la Cour de cassation ont déclaré nulle l'association convenue entre l'ancien garde du commerce Legrip et M. Moreau, son successeur. (V. J. Av., t. 58, p. 332, et t. 60, p. 474.)

Par suite, il y avait compte à faire.

M. Legrip se prétendait créancier de 13,092 fr. M. Moreau, pour établir sa libération, opposait que son prédécesseur avait touché une somme supérieure, indûment considérée comme une part de produits pour celui-ci.

JUGEMENT.

<«< Attendu que les documents de la cause constatent que Legrip a touché, perçu et conservé les 26,858 francs de produits de la charge de garde de commerce, mais qu'il soutient que la moitié de ces 26,858 francs lui appartient comme représentant sa part dans les bénéfices

(1) V. J. Av., t. 50, p. 90; t. 51, p. 461, t. 54, p. 176; t. 56, p. 356; t. 58, p. 65 et 536; t. 61, p. 572.-V. aussi J. Av., t. 63, p. 647.

(2) Cependant la Cour de cassation a jugé que la société, quoique nulle, produisait une communauté d'intérêts, qui devait être réglée conformément aux principes sur la liquidation des sociétés de fait. (Rej., 24 août 1841; J.A v., t. 62, p. 287.)

produits pendant dix mois par l'association formée entre lui et Moreau pour l'exploitation de ladite charge de garde de commerce;

« Attendu que dans l'état constant des faits, la seule question à examiner consiste donc à savoir si l'association invoquée par Legrip lui permet de retenir et conserver à son profit la moitié des bénéfices du titre par lui cédé;

« Attendu que d'après les jugement et arrêt intervenus entre Moreau et Legrip, le traité de cession de la charge de garde de commerce, soumis à l'approbation du gouvernement, a été seul reconnu légitime et maintenu pour être exécuté;

«. Que toutes les autres conventions secrètes et cachées ont été frappées de nullité comme contraires à l'ordre public; que Legrip ne saurait, en présence des décisions judiciaires rendues avec lui, invoquer une association qui aurait pour but et résultat d'obtenir indirectement et par une voie déguisée un prix supérieur au prix fixé et approuvé par l'autorité comme représentant la valeur véritable du titre cédé;

« Qu'admettre une association secrète de la nature de celle invoquée par Legrip serait enlever au gouvernement et détruire dans ses mains le pouvoir de surveillance qu'il importe de lui conserver intact sur la transmission des offices dans un but de moralité et d'intérêt général ;

Attendu, au surplus, qu'en principe il n'existe de société légitime et valable qu'autant que la chose qui en est l'objet se trouve dans le commerce et susceptible d'être mise en société;

« Attendu que par sa nature, son caractère, la charge de garde du commerce est essentiellement attachée au titulaire, qui seul peut l'exercer, parce que seul il peut accomplir les devoirs qu'elle lui impose;

« Qu'il serait contraire à l'ordre public que l'officier ministeriel pût former une société pour l'exercice d'un titre que le gouvernement confie spécialement et uniquement à sa moralité, à sa capacité et aux garanties que donne sa personne;

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Que de là il suit qu'à tort Legrip entend retenir la moitié des 26,858 francs sus-énoncés, et qu'ainsi Moreau s'est trouvé, dès 1829, libéré des 13,092 francs qui lui sont réclamés, et parsuite, des intérêts;

Que, de son côté, Legrip se trouve également libéré, de sorte que les parties sont mutuellement quittes l'une envers l'autre ;

« Attendu que l'instance a eu lieu dans leur intérêt commun...

« Le tribunal déclare Moreau quitte et libéré définitivement envers Legrip;

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1o et 2o Discipline.-Cour royale. Assemblée générale.-Composition.

3° Discipline.-Condamnation.--Motifs.

Lorsqu'une Cour royale est appelée à statuer en assemblée générale sur une action disciplinaire, il suffit, à la différence du

cas où elle juge en audience solennelle (1), qu'elle soit composée d'un nombre total de membres égal à la somme des différents nombres nécessaires à la composition de chaque chambre. (L. 20 avril 1810; Ordonn. 20 nov. 1822, 27.) 2)

L'obligation de mentionner la cause d'absence des conseillers appelés à juger, ne s'applique pas aux Cours royales prononçant en assemblée générale.

Est suffisamment motivé l'arrêt qui confirme une décison disciplinaire, en exprimant que les explications données par l'inculpé n'ont pas détruit les faits incriminés, et que la preuve de ces faits résulte des pièces produites par lui-même.

(Minist. publ. C Boëtard.)

M. Boëtard était inscrit au tableau de l'ordre des avocats près la Cour royale de Rouen. Sa radiation fut prononcée par arrêté du conseil de discipline. Appel devant la Cour. Les deux chambres civiles, la chambre des mises en accusation et la chambre des appels correctionnels, se réunissent en assem blée générale dans la chambre du conseil, pour statuer sur l'appel, conformément à l'ordonnance de 1822, art. 27. L'assemblée générale se trouve composée de dix-sept membres des deux chambres civiles (trois de plus que le nombre ordinairement nécessaire), quatre membres de la chambre d'accusation, un au-dessous du nombre légal; (décr. 6 juillet 1810, art. 2.), six membres de la chambre correctionnelle, un au-dessous du nombre voulu. (Ordonn. du 24 septembre 1828, art. 1.)

Ainsi composée, la Cour rend, le 11 nov. 1840, un arrêt confirmatif, ainsi motivé : « Attendu que M. Boëtard, dans les explications qu'il a données à l'audience, au soutien de son appel, n'a point détruit les faits compromettants qui servent de base à la décision du conseil de discipline dont est appel; Que la preuve desdits faits se trouve même fortifiée par les actes par lui produits et dont il a argumenté à l'audience.

Pourvoi en cassation.

ARRÊT.

La Cour: Sur le 1er moyen : — Attendu, en droit, que, sur l'appel des décisions rendues par le conseil de discipline de l'ordre des avocats,les Cours royales statuent en assemblée générale, dans la chambre du conseil, ainsi qu'il est prescrit par l'art. 52 de la loi du 20 avr. 1810 (art. 27 de l'ordonn. du 20 nov. 1822); — Attendu qu'il faut distinguer cas où la Cour royale exerce sa juridiction en assemblée générale, toutes

(1) V. Rej., 13 juill. 1842 (J.Av., t. 63, p. 702)

(2) La Cour de cassation avait déjà jugé que ce nombre était nécessaire (Cass., 12 fév. 1838; J.Av., t. 55, p. 422). Elle l'a jugé de nouveau par les arrêts du 8 janv. 1844 (Infrà, p. 30 et 33).

les chambres réunies dans la chambre du conseil, après la convocation individuelle de tous ses membres, d'avec le cas où elle l'exerce en audience solennelle, soit par la seule chambre saisie de l'affaire à juger, soit par une ou deux autres chambres adjointes à la première pour ce jugement; qu'au premier cas, la Cour exerçant sa juridiction comme Cour tout entière, il suffit qu'elle soit composée d'un nombre de ses membres au moins égal à celui que la loi attache à chacune de ses chambres, pour qu'elles puissent exercer leur juridiction, sans qu'il soit besoin que toutes fournissent ce nombre par les seuls membres qui leur appartiennent; qu'en effet, dans l'assemblée générale, tous les membres de la Cour présents à la délibération ayant qualité et droit pour y concourir, le vide de quelques-unes des chambres est rempli par l'excédant des autres, par la seule présomption et par la seule coopération de la loi; tandis qu'au second cas, les chambres jugeant comme chambres, il faut que chacune d'elles fournisse le nombre nécessaire pour qu'elle puisse juger par ses propres membres, et, à leur défaut, par des membres pris, pour la compléter, dans d'autres chambres quí ne jugent pas, dans l'ordre et dans les formes déterminés par la loi; qu'en effet, mot chambre est un nom collectif qui exprime le nombre des juges requis pour qu'elle puisse juger, et, par conséquent si elle ne fournit pas ce nombre, ce n'est pas une chambre qui juge, mais une réunion de quelques juges, réunion arbitraire, que la loi ne peut permettre et qu'elle ne permet pas;

Et, attendu en fait, 1° que c'est sur l'appel de deux décisions rendues par le conseil de discipline de l'ordre des avocats que la Cour royale de Rouen a statué par l'arrêt attaqué rendu par elle en assemblée générale, toutes ses chambres réunies dans la chambre du conseil, après la convocation individuelle de tous ses membres; 2° que cette Cour, composée de trente-et-un membres, est divisée en quatre chambres, auxquelles la loi attache le nombre de vingt-six, pour qu'elles puissent exercer leur juridiction, savoir: quatorze aux deux chambres civiles, sept à la chambre des appels de police correctionnelle, et cinq à la chambre des mises en accusation; 3° enfin, que l'arrêt attaqué a été rendu par le concours de vingt-sept juges, nombre supérieur à celui que la loi attache aux quatre chambres de la Cour pour l'exercice de leur juridiction, savoir: dix-sept des deux chambres civiles, six de la chambre des appels de police correctionnelle, et quatre de la chambre des mises en accusation; d'où la conséquence que, le vide de la chambre des appels de police correctionnelle et de la chambre des mises en accusation ayant été rempli par l'excédant des membres présents des deux chambres civiles, la Cour royale a été composée d'un nombre de ses membres plus que suffisant pour exercer sa juridiction, et l'arrêt attaqué a été ainsi rendu par elle au nombre voulu par la loi ; que, d'après cela, le moyen n'est pas fondé;

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Sur le 2e moyen présenté à la barre et tiré de ce que de trente-et-un membres composant la Cour royale de Rouen, vingt-sept seulement ont concouru à l'arrêt attaqué, sans qu'il y soit fait mention expresse de la cause de l'absence de quatre membres : Attendu, en droit, que lorsque (comme dans l'espèce)les Cours royales statuent en assemblée générale, dans la chambre du conseil. après que tous leurs membres, individuellement convoqués, ont été mis à même d'exercer leur droit de suffrage, la loi n'exige nulle part que leurs arrêts fassent mention expresse de la cause de l'absence de quelques membres, et qu'au con

traire, elle la présume valable et justifiée; pas fondé;

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Sur le 3o moyen: - Attendu que, pour confirmer les deux décisions ⚫rendues par le conseil de discipline de l'ordre, des avocats prononçant contre le demandeur en cassation la peine de radiation du tableau, l'arrêt attaqué considère, en termes formels, « que Boëtard, dans les explications qu'il a données à l'audience au soutien de son appel, n'a point détruit les faits compromettants qui servent de base aux deux décisions du conseil de discipline dont est appel; que la preuve desdits faits se trouve même fortifiée par les actes par lui produits et dont il a argumenté à l'audience; qu'ainsi, l'arrêt est motivé, et par là le vœu de la loi rempli : - REJETTE, etc.

Du 13 juillet 1843.—Ch. req.

COUR DE CASSATION.

1° Discipline.-Avocats.-Délibération.

2o Discipline.-Délibération.-Expédition requise.

3o Cour royale.-Assemblée générale.-Composition.

Les avocats n'ont-ils pas le droit de s'assembler pour délibérer sur tous objets relatifs à leur profession? (Décr. 14 déc. 1810, 33; ordonn. 20 nov. 1822.) (1)

Le conseil de l'ordre des avocats, auquel est demandé par le ministère public, expédition d'une de ses délibérations, ne peut refuser de la délivrer.

Lorsqu'une Cour royale est appelée à statuer en assemblée générale, g. v. sur une action disciplinaire, il faut qu'elle soit composée d'un nombre total de membres égal à la somme des différents nombres nécessaires à la composition de chaque chambre. (L. 20 avril 1810, art. 52; Ordonn. 20 nov. 1822, art. 57.) (2)

(Minist. publ. C. Avocats de Marseille.)

Le 16 avril 1835, une délibération fut prise par le conseil de l'ordre des avocats de Marseille, pour adhérer à l'avis du barreau de Paris sur la question d'illégalité de l'ordonnance du 30 mars 1835, concernant le barreau de la Chambre des pairs.

Cette délibération, dont le ministère public eut connaissance sans avoir pu en obtenir expédition, motiva des poursuites disciplinaires contre le conseil de l'ordre. Le bâtonnier, M. Dumas, fut cité à comparaître devant la Cour royale d'Aix, en assemblée générale. Il fut admis à se faire assister par le bâton

(1) La négative a été jugée par arrêt de la Cour de Nancy, du 4 mai 1835. (J.Av., t. 51, p. 618). L'affirmative a été admise par la Cour d'Aix, dans l'arrêt que nous recueillons avec celui de la Cour de cassation.

(2) Arr. conf., 12 fév. 1838 (J.Av., t. 55; p. 422); 13 juill. 1843 et 8 janv. 1844 (suprà, p. 27, et infrà, p. 33.)

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