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municipal se déclara prêt à tout faire pour la réorganisation, et prit, le 17 mai 1841, la résolution suivante (1):

La réorganisation exige que la ville s'engage à donner à l'Ecole un budget de 13.000 fr.

Or, l'Hospice offre d'abandonner le produit des inscriptions qu'il a touché jusqu'ici et de contribuer aux frais, pour une somme de....

Le produit des inscriptions dont la ville profitera seule est de.

4.800 fr. 2.000

2.800

Le Préfet promet du conseil général......

Cette somme est insuffisante; mais, si les médecins renoncent à leurs apointements, l'Hospice, au lieu de 4.800 fr., donnera....

5.700 fr.

9.600 fr.

On arrivera alors à une somme de 10.500 fr.
La ville n'aura plus à donner que..

En conséquence:

2.500 fr.

Le conseil émet le vœu que l'Ecole soit réorganisée conformément à l'ordonnance du 13 octobre 1840, à partir de l'année scolaire 1841 4?.

Il décide de porter au budget une somme supplémentaire de 2.500 fr., àcondition que le département donne 2.000 et l'Hospice 5 700 fr.

C'était s'en tirer à bon marché! Sans flatterie pour nos édiles contemporains, leurs devanciers étaient loin d'avoir, comme eux, le sentiment de la grandeur et de l'utilité de l'enseignement supérieur.

Il ne restait plus au ministère qu'à prononcer la réorganisation et à nous donner le titre d'Ecole préparatoire au lieu de celui d'Ecole secondaire.

Le 3 octobre 1841, paraissait l'ordonnance portant création d'une Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie dans la ville de Grenoble (2):

ART. 1er

Une Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie est établie dans la ville de Grenoble. ART. 2. - Le cours de pathologie externe qui, aux termes de notre ordonnance du 13 octobre 1840, doit être annexé au cours de clinique externe, demeure provisoirement confié, dans ladite Ecole, au Professeur titulaire. ART. 3. Pour la première organisation de l'Ecole, la nomination des professeurs titulaires et adjoints sera faite directement par notre ministre s-crétaire d'Etat de l'instruc ion publique.

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Contre-signé: VILLEMAIN.

(1) Archives de l'Hôpital, E E, 2.

(2) Le 14 février de la même année, des ordonnances semblables avaient été rendues pour les Ecoles d'Amiens, Caen, Poitiers, Rennes; le 31 mars pour Angers, Besançon, Clermont, Marseille, Nantes, Toulouse, Limoges; le 13 juin pour Arras et Lyon; le 22 juin pour Tours.

Le 22 novembre, une ordonnance semblable était rendue pour Dijon.

VI

L'Ecole préparatoire de Grenoble comptait un certain nombre d'hommes de valeur, dont j'ai cité les noms à mesure que les événements les appelaient, mais que je n'ai pas encore suffisamment fait connaître. Nous les retrouverons presque tous dans le chapitre suivant, sauf un seul, dont nous n'aurons plus occasion de reparler, c'est le second Directeur de l'Ecole de Grenoble, Billerey, que nous avons déjà vu à ses débuts brillants à Grenoble.

C'était certainement une figure originale, un esprit enthousiaste, primesautier, qui, malheureusement, n'avait pas assez de philosophie pour supporter les échecs et dont la vie fut assombrie par une foule de questions secondaires, alors que son intelligence élevée eut dù le mettre au-dessus de ces incidents. «Billerey, dit A. Rey (1), était de taille un peu au-dessus de la moyenne; d'un embonpoint assez fort, sans cependant en être incommodé; il avait le teint coloré, l'œil d'un beau bleu, les cheveux blanchis avant le temps, mais assez fournis; le nez petit et court, mais gracieux et correct de forme; la bouche bien faite, un peu dédaigneuse, se relevait finement sur l'une de ses commissures. quand il souriait et laissait voir, en s'entrouvrant par un sourire empreint de bonhomie, des dents belles et bien conservées; sa physionomie jouissait d'une grande mobilité et semblait accoutumée à exprimer des sentiments gais; il avait la parole facile, parlant toujours le verbe haut et avec vivacité, sa répartie était prompte; il affectionnait particulièrement la plaisanterie. On cite de lui une infinité de mots heureux qui contribuaient à donner à sa conversation une tournure à la fois attrayante et originale. Comme médecin, il possédait un tact médical presque infaillible, une sûreté de pronostic surprenante. >>

Né en 1776, aux environs de Pontcharra, il s'était fixé à Grenoble en 1805 et devint successivement professeur à l'Ecole de médecine, médecin en chef de l'Hôpital, membre du jury médical, inspecteur des eaux minérales du département de l'Isère, inspecteur des eaux d'Uriage et Directeur de l'Ecole de médecine (1832-1839).

Les eaux minérales sont son principal titre à la reconnaissance de ses concitoyens; mais là fut également la source des mille soucis qui l'assiègent et du mécontentement, quelque peu misanthropique, qui termina sa carrière. Il est le véritable créateur des thermes d'Uriage, qu'il fonda de ses deniers, et pour lesquels il dépensa son argent, son temps et son intelligence, en in

(1) A Rey: Eloge de Billerey.

ventions d'appareils divers (1). Mais des difficutés survenues avec la marquise de Langon, propriétaire du château, puis avec son héritier, M. de Saint-Ferréol, amenèrent sa destitution d'inspecteur, sa lutte avec Gerdy, nommé inspecteur adjoint, et finalement son découragement. Dans plusieurs factums, il exhale son ressentiment en termes qui donnent la mesure de son caractère impressionnable: « Victime innocente d'un système de persécution peut-être inouï dans les annales de l'administration, abreuvé d'ingratitude, affligé dans mes sentiments moraux, froissé dans mes intérêts matériels » (2).

Néanmoins, appuyé pendant longtemps par le baron d'Haussey, préfet de l'Isère, il avait publié une série d'utiles travaux sur les eaux qu'il avait, en réalité, fondées (3). « Ces eaux, dit-il, de nature saline et sulfureuse, étaient naguères mélangées avec environ moitié ou un tiers d'eau commune, et dans cet état, elles jouissaient d'une propriété purgative remarquable, qui attirait à leur source une foule d'individus, dans le seul but de se purger (4), ce qui durait deux ou trois jours, après lesquels ils se retiraient ». Il les conseille en boisson, en bains, en lotions en lavements et en douches. « On trouve, ajoute-t-il, chez le sieur Brun à la ferme de M. Perrier, dans le voisinage d'Uriage, le logement, la nourriture, et toutes les commodités que les circonstances locales permettent dans un établissement

(1) Mémoire sur un nouvel hydrocalé facteur à la vapeur d'eau, par l'intermédiaire du récipient condensateur placé au milieu d'un réservoir rempli de ce liquide, par BILLEREY, docteur en médecine de la Faculté de Paris, premier médecin de l'Hôpital civil de Grenoble, professeur de clinique interne, de matière médicale et de thérapeutique à l'Ecole secondaire de médecine de Grenoble, membre du jury médical et inspecteur des eaux minérales du département de l'Isère. Sans date, avec cette épigraphe: Hos ego versiculos feci; tulit alter honores (Virgile). Bibliothèque, V. 748.

(2) Mémoire du Dr BILLEREY, de la Faculté de médecine de Paris, professeur et directeur de l'Ecole de médecine de Grenoble, inspecteur titulaire de l'établissement thermal d'Uriage, médecin et chef de l'Hôpital civil et militaire de Grenoble, contre M. le comte de Saint-Ferréol, propriétaire de cet établissement, à M. le Ministre de l'agriculture et des travaux publics. Le mémoire porte cette devise sic vos non vobis mellificatis apes (Virgile). Grenoble, 1839. Bibliothèque de la ville. T, 176

(3) Instructions relatives à l'usage des eaux minérales d'Uriage, publiée par ordre de M. le baron d'Haussey, maitre des requêtes au Conseil d'Etat, préfet du département de l'Isère, par M. BILLEREY, docteur en médecine de la Faculté de Paris, premier médecin et professeur de médecine clinique, de matière médicale et de thérapeutique à l'Hôpital civil de Grenoble, membre du jury médical et inspecteur des eaux minérales du département de l'Isère, inspecteur particulier des eaux d'Uriage. Grenoble, Allier, 1821. T, 797.

Billerey a publié en outre: « Notices sur l'établissement thermal d'Uriage, près Grenoble, dans le département de l'Isère, pour la saison de 1834, par BILLEREY. Bibliothèque, T, 3720.

(4) L'usage voulait qu'on but 15, 20, 30 et même 40 verres!

naissant ». Il donne près de 6.000 bains la première année et dépense plus de 9.000 fr., sans compter 6.000 fr. du Conseil général.

Billerey ne s'occupait pas seulement d'Uriage; il s'occupait aussi des eaux de Lamothe, qu'il rêvait de faire venir à Vif.

Chemin faisant, il bataillait avec les homœopathes, (1), notamment avec un nommé Crepu qui prétendait avoir fait neuf ans d'études à l'Ecole de Grenoble. « Comme il n'est pas possible, lui dit-il, que vous ayez pu justifier de neuf ans d'études dans une Ecole dont je suis professeur et Directeur, sans avoir eu recours à des certificats émanés de moi ou de mes collègues, qui constatent le fait, et que j'ai la certitude de n'avoir pas eu la faiblesse de commettre un faux pour vous complaire, ni à qui que ce soit, il résulte, bien évidemment, de l'arrêt du ministre, que vous y avez suppléé par d'autres moyens, contre lesquels je proteste, en ma double qualité de professeur et de Directeur ».

Tout en s'occupant de l'Ecole, il fonde à l'Hôpital des consultations cliniques, entre les médecins de cet établissement, pour remplacer les séances de la Société de Santé, qui n'avaient plus lieu (1823), montrant par là quelle importance il attachait à la libre discussion des choses de la science.

Enfin il publie, en 1832, un ouvrage considérable à tous égards sur le choléra (2). A. Rey, parlant de ce livre, fait remarquer avec raison « qu'il fallait être d'un grand courage pour présenter sur une maladie aussi terrible que le choléra, et juste au moment où elle faisait le plus de victimes, une théorie aussi alarmante que celle de la contagion ». Ce courage ne fut pas d'ailleurs apprécié, comme le méritait la valeur de l'auteur et la justesse de ses appréciations: il était dit que Billerey n'aurait jamais de chance dans ses rapports avec l'administration. « Les mesures administratives que vous proposez, lui répond le ministre aussi dédaigneusement que mal à propos, sont liées à vos théories sur le choléra; or, l'administration n'est point juge des questions de doctrine, elle ne peut s'en rapporter, à

(1) Lettre de François Billerey, docteur en médecine de la Faculté de Paris, médecin en chef des Hôpitaux civil et militaire, professeur de clinique interne et directeur de l'Ecole secondaire de médecine de Grenoble, inspecteur des eaux minérales du département de l'Isère, au sieur Alb. Crepu, praticien homeopathe à Grenoble, 1834. Bibliothèque, 0. 3715.

(2) La contagion du choléra-morbus de l'Inde, dénoncée et démontrée par les faits et le raisonnement, ou opinion d'un médecin de province sur la nature de cette maladie et sur les mesures à prendre pour en réprimer promptement le cours, avec l'indication des moyens curatifs les plus rationnels et les plus expérimentés, par BILLEREY, etc...... Chez Prudhomme, 1832.

Bibliothèque, X, 4631.

cet égard, qu'à l'opinion des corps savants; l'Académie royale est son conseil naturel en fait de médecine et, puisque cette compagnie a exprimé sur la contagion du choléra des idées entièrement différentes des vôtres, je ne saurais, sur la seule autorité de vos lumières, prescrire des dispositions que l'Académie a proclamées dangereuses et inutiles >>.

En dépit de l'Académie et du ministre d'alors, les idées de Billerey sont heureusement acceptées maintenant dans le monde entier.

Mais ce qui m'a le plus frappé dans ce livre, où l'affirmation de la contagion est déjà, par elle-même, un fait assez remarquable, c'est l'originalité et le caractère encore aujourd'hui absolument nouveau des vues émises sur la nature des maladies infectieuses. Il cite d'abord, en lui donnant tout son assentiment, une méthode qui a été reprise depuis, qui consiste à recourir à l'injection de médicaments dans les veines pour les faire parvenir dans le torrent de la circulation, ainsi que cela a été pratiqué en Angleterre, où l'on n'a pas craint d'injecter de l'eau chaude ». Il précise et parle des expériences de Moreau de Jonnés, qui injectait déjà à cette époque 2 gros de carbonate de soude dans 60 onces d'eau; avec l'enthousiasme qui lui est propre et qui, cette fois, a quelque chose de divinatoire, il ajoute: « si cette méthode prend faveur, comme je l'espère, on pourra l'appeler transfusion ou infusion, et elle changera assurément la face de la médecine, dont elle augmentera, sans doute, colossalement la puissance. L'un de nos grands moyens thérapeutiques est incontestablement la saignée, parce que, le plus souvent, dans les maladies aiguës toxicogénées ou excrétogénées, c'est dans le torrent de la circulation qu'existe l'agent morbide, les points fluxionnaires n'étant qu'un accident secondaire; or, tirer du sang et ne rien mettre à la place, ou introduire l'agent médicamenteux par la voie détournée des organes de la digestion, c'est évidemment ne faire que la moitié de l'opération. Tirer du sang et introduire, aussitôt, à sa place, un médicament convenable, comme, par exemple, l'eau dans laquelle serait étendu l'agent thérapeutique, comme des acides végétaux, dans les maladies inflammatoires, un antidote contre une maladie vénéneuse, serait certainement le comble de la perfection médicale.... ... Un pareil succès élèverait plus haut le génie de l'homme que toutes les découvertes transcendentes! » N'y a-t-il pas là la vision prématurée des injections hypodermiques, des injections intra-veineuses et de la sérothérapie!

Si le Directeur de l'Ecole de médecine était un homme d'une incontestable valeur, plusieurs de ses collègues étaient également des hommes

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