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que la Cour Imperiale n'a jamais formé le deffein qu'on lui impute, de vouloir entamer avec la France une Négociation fecrete, au préjudice des intérêts de la Grande-Bretagne; mais pour ôter à cet égard tout fujet ombrage tant de la part de l'Empereur, que de la part des Etats Généraux des Provinces Unies, on pourra prendre avec ces deux Puiffances de nouveaux engagements: Et on peut s'affurer, qu'Elles ne feront aucune difficulté de promettre à la Reine, de la maniere la plus forte & la plus folemnelle, de n'entrer jamais avec l'Ennemi commun dans aucune Négociation, & de ne recevoir jamais aucune ouverture ni propofition de fa part, fans la participation de Sa Majefté, & fans prendre de concert avec Elle des mesures communes. On allegue que la Cour Imperiale renoncera fans peine à Efpagne & aux Indes. pourvû qu'on lui donne les Etats d'Italie & les PaïsBas: Mais c'eft furquoi il éft jutte d'entendre le nouvel Empereur, qu'on fait avoir à cœur les affaires d'Espagne.

11 eft aifé de connoître les fuites pernicieufes qu'on auroit fujet d'appréhen der, û on laiffoit l'Espagne & les Indes

au Duc d'Anjou. Sa Majefté Elle-même s'en eft expliquée ouvertement dans fa Harangue a l'entrée de la derniere feffion de fon Parlement, recommandant la Guerre d'Efpagne comme celle qui intereffoit le plus la Nation Britannique, qui ne fera aucunement dédommagée par le Commerce dans la Mer de Sud, dont on la flate, laquel, fi on lui en donnoit même la réalité, dont on peut juftement douter encore, ne feroit au plus que précaire, & ne dureroit qu'autant que la France & l'Espagne voudroint bien le permettre. Ces deux Couronnes ne pourront être confiderées au fufdit cas, que comme une même Puiffance. Tout le monde fait que c'eft la France qui gouverne les Efpagnols dans leur Confeils, dans leurs Finances, & dans leurs Affaires militaires, & qui même fait leur Commerce aux Indes par fes Vaiffeaux. Ille s'est déja renduë tellement la maîtreffe de tout cela, que quand les Efpagnols voudroient s'en affrainchir foit après la Paix, foit après la mort du Roi de France, cela n'eft plus dans leur pouvoir, & aucun Traité ne fera affez fort pour obtenir de la France de quitter effectivement de fi grande

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avantages. Il y a outre cela à confiderer que fi la Lignée du Duc d'Anjou, ou la Lignée mâle du Dauphin fon Frere, venoit tôt ou tard à manquer, ces deux Couronnes feroient entiérement combinées fous une même Tête, & que nul Traité, nulle Rénonciation ne feroit affez forte pour empêcher cette combinai fon en pareil cas; dont la Rénonciation faite à la Paix des Pyrenées, & le Traité de Partage fourniffent entr'autres des exemples d'une affez grande évidence. Il eft très-certain auffi, que le Roi de Fran ce, qui nonobftant la Paix de Ryswick, & les engagement avec le Roi Guillaume III. de glorieufe Memoire, a reconnu de fon vivant un autre pour Roi d'Angleterre, auffi-tôt qu'il s'eft crû Maître de J'Espagne par fon Petit-Fils, ne verra pas fi-tôt celui-ci affermi fur le Trône, qu'il travaillera à mettre fa Créature fur celui de la Grande-Bretagne, & qu'il en viendra à bout, ayant augmenté fa Puifiance par celle de l'Espagne, & fes richelles par celles des Indes. Il eft aifé de prévoir le danger où feroit en ce cas la Perfonne de la Reine, & ce que deviendroit alors la Liber

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Liberté de la Grande-Bretagne fous un Roi élevé dans les principes de la France, & dans la haine contre les meilleurs Anglois qui l'ont abjuré felon la Loi; & que ce feroit fait enfuite de la Liberté de toute l'Europe & de la Religion Proteftante, par la liaifon d'obligation, de neceffité, & de reconnoiffance de trois Rois de la Religion oppofée, & d'une telle Puiffance par Mer & par Terre, fous la dire&tion du Roi de France. Ce font des conféquences où fon Alteffe Electorale ett trop intereffée pour les confiderer avec indifference.

Quant à la Barriere aux Païs-Bas Espagnols, on ne peut pas dire qu'elle ne regarde que la fûreté des Provinces-Unies; elle regarde au contraire tout autant celle de la Grande-Bretagne, laquelle ne fe trouveroit pas moins en danger que ladite Ré publique, fi la France devenoit Maîtreffe des Païs-Bas Efpagno's. C'eft une véri té qui a été reconnue de tout temps par les Anglois, & même fous le Regne de Charles Second, lequel malgré fes liaisons avec cette Couronne ne voulut pas permettre qu'elle en fit la conquête. De forte que la Barriere qui ferme à ce dange

reux Ennemi l'entrée aux Païs-Bas, eft un interét commun aux deux Puiffances Maritimes, de même qu'à l'Empire d'Allemagne; outre que la Grande-Bretagne trouve à cette heure dans la garantie de cette Barriere, celle de la Succeffion Proreftance reciproquement.

Quelque chole qui arrive, & foit qu'on ouvre dès à préfent l'Affemblée de la Paix, foit qu'on la renvoye à un autre temps, c'eft à dire, jufqu'à ce que la France ait fait des Déclarations plus fatisfaifantes; Son Alteffe Electorale croit qu'il est d'une abfoluë néceffité de ne fe point relâcher par rapport aux préparatifs pour la Campagne prochaine, n'y ayant aucune efperance d'obtenir de bonnes Conditions de Paix, qu'en fe mettant en état de pourfuivre vigoureufement la Guerre, & de commencer la Campagne de bonne heure avec des Forces confiderables, & cela d'autant plus qu'on voit les grands préparatifs que la France fait de fon côté. C'e auffi par cette confideration que S. Altef fe Electorale ne veut point fe prévaloir de la permiffion que Sa Majesté a eu la bonté de lui accorder avec tant d'amitié, de faire revenir cet hiver quelques-uns de

Les

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