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Intervention consulaire.

Le tribunal de l'ouverture de la succession est seul compétent pour en ordonner la liquidation, ainsi que la licitation des immeubles, même situés à l'étranger.

Dans la République Argentine la juridiction sur la succession est attribuée aux juges du lieu du dernier domicile du défunt. Si le défunt a laissé un seul héritier, les actions doivent être instituées devant le juge du domicile de cet héritier, après l'acceptation de la succession par celui-ci.

§ 1038. Il résulte de différentes décisions de cours de justice. que les consuls ont le droit d'intervenir dans les successions d'étrangers, dans l'intérêt de leurs nationaux qui pourraient y avoir des droits, surtout lorsqu'ils sont absents ou inconnus.

En France, lorsqu'un étranger domicilié vient à mourir, le juge de paix du canton doit sans retard en informer la légation ou le consulat de sa nation, qui a nécessairement des représentants à Paris, et donner au consul toute facilité pour croiser ses scellés avec les siens et pour les autres mesures conservatoires qui peuvent être nécessaires.

Cette intervention des représentants étrangers peut être aussi réglée par des stipulations diplomatiques spéciales. Ainsi la France a conclu des traités pour la liquidation des successions avec les puissances suivantes : Autriche, Brésil, Chili, Costarica, République dominicaine, Équateur, Espagne, Guatemala, Honduras, Italie, Mascate, Nicaragua, Pérou, Perse, Portugal, Russie, îles Sandwich, Siam, Turquie, Vénézuéla, Salvador. Des États importants de l'Europe ne figurent pas dans cette énumération, notamment l'Allemagne, l'Angleterre et la Belgique.

D'après l'article 20 de la convention consulaire conclue entre la France et l'Espagne le 7 janvier 1862, lequel détermine les attributions des consuls d'Espagne au cas de l'ouverture de la succession d'un Espagnol en France, les consuls ne sont autorisés à intervenir dans les opérations de la succession que : 1° si le sujet espagnol est décédé sans avoir fait de testament ni nommé d'exécuteur testamentaire; 2° si les héritiers sont mineurs, incapables ou absents; 3° si les exécuteurs testamentaires nommés ne se trouvent pas dans l'endroit où s'ouvre la succession. Lorsqu'aucune de ces circonstances ne se présente, le juge français est seul compétent pour procéder aux opérations de succession.

Aux termes du traité conclu entre la France et l'Autriche le 11 décembre 1866, les consuls autrichiens en France ont le droit

d'apposer concurremment avec les autorités locales les scellés sur les meubles et les effets de leurs nationaux décédés en France, et d'administrer les biens composant la succession.

Dans le traité en vigueur depuis le 7 juillet 1874, « déterminant les droits des nationaux respectifs et les attributions des autorités judiciaires et consulaires de France et de Russie en ce qui concerne les successions laissées dans l'un des deux pays par les nationaux de l'autre », l'article 10 consacre en ce qui concerne les immeubles la règle tot hæreditates quot patrimonia *.

SECTION IV. EXERCICE DU POUVOIR JUDICIAIRE.

$1039. Toute demande ou tout différend qui est du ressort des tribunaux doit être jugé dans chaque pays selon la loi territoriale. Ce principe n'admet point d'exception, parce qu'il est une conséquence immédiate et irrécusable de la souveraineté des nations. Ainsi l'on peut dire que la lex domicilii et la lex loci contractus déterminent la validité intrinsèque d'une obligation, mais que toutes les fois qu'il s'agit de réclamer en justice l'exécution d'un contrat, c'est la lex fori qui devient seule applicable.

L'ensemble des règles consacrées dans chaque pays pour l'instruction et le jugement des questions juridiques est désigné par les auteurs sous le nom de « dispositions ordinatoriæ litis ».

C'est d'après le principe de la lex fori précisé dans les lois judiciaires de chaque État que l'on apprécie et juge si les questions soulevées doivent être portées devant un tribunal ordinaire ou devant un tribunal d'exception; si la citation des parties doit se

Story, Conflict, § 408-411; Kent, Comment., vol. II, § 302, 400,408; Westlake, ch. 9; Phillimore, Com., vol. IV, ch. 39, 43; Dana, Élém. by Wheaton, note 93; Merlin, Rep., art. 10, §§ 1-3; Halleck, ch. 7, § 23; Kairn, On equity, b. 3, ch. 8, §6; Henry, pp. 127, 135; Woolsey, Int. law, §§ 71, 72; W. B. Lawrence, Com. sur Wheaton, t. III, pp. 116, 121, 122, 123; Revue de droit international, 1873, p. 203; 1874, p. 296; 1875, pp. 206, 216; 1877, pp. 240, 331; Clunet, Journ. droit intern. prive, 1874, pp. 31, 79, 123, 234, 241, 259, 620; 1875, pp 134, 357, 402, 441; 1876, pp. 15, 162, 273; 1877, pp. 149, 460; 1878, p. 507; Code civil de la République Argentine, liv. 4, tit. 1, t. XII; Fiore, Droit int. privé, p. 583 et seq., 617; Fœlix, liv. 2, tit. 1, ch. 2, sect. 6, t. I, pp. 260, 273; liv. 1, tit. 2, no 66.

Lex fori.

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faire de telle ou telle manière; si les délais de comparution doivent être plus ou moins rapprochés; si les preuves à fournir seront reçues dans une forme ou dans une autre, etc.

Tout ce qu'on peut demander sous ce rapport, c'est que les nations n'établissent pas de priviléges et qu'elles ouvrent librement aux étrangers, comme à leurs propres citoyens, l'accès des tribunaux, en garantissant à tous une égalité absolue et la même impartialité dans l'administration de la justice *.

$ 1040. Le pouvoir judiciaire dans les États a sous un certain point de vue une aussi grande importance que le pouvoir législatif. Attribut de la souveraineté des peuples, condition essentielle de son exercice, le pouvoir judiciaire ne peut dépendre d'un autre, puisque l'acceptation de cet autre pouvoir impliquerait une véritable sujétion.

Il est cependant certains cas spéciaux dans lesquels l'action du pouvoir judiciaire se trouve limitée ou suspendue par l'application des principes du droit des gens. Ainsi les ministres publics en sont affranchis, sans qu'on puisse dire pour cela que l'État cesse d'être libre ou indépendant. De même, lorsqu'une escadre étrangère traverse les eaux d'un pays ou qu'une armée passe sur son territoire avec son consentement exprès ou tacite, le pouvoir judiciaire ne souffrira ni injure ni atteinte d'aucune sorte dans ses conditions essentielles, bien qu'il ne lui appartienne pas de connaître des questions qui pourraient surgir dans les rangs de ces forces armées.

On peut établir comme principe général du droit des gens que le pouvoir juridictionnel d'un État embrasse d'une manière absolue toute l'étendue de son territoire et exclut complètement celui de toute autre nation. Ce principe a une valeur telle que, combiné avec les statuts particuliers des nations, il s'y substitue en quelque sorte dans certains cas hors des frontières nationales: c'est ce qui arrive, par exemple, pour la police des bâtiments de guerre et des navires marchands en pleine mer et dans les ports étrangers, et aussi pour l'exécution de certaines lois fiscales sur le commerce maritime.

Wheaton, Élém., pte. 2, ch. 2, § 8; Fœlix, §§ 125, 126; Story, Conflict, §§ 556, 557; Kent, Comm., vol. II, §§ 450 et seq.; Massé, Droit com., t. II, §§ 712 et seq.; Westlake, ch. 24, p. 300; Boullenois, Traité, t. II, p. 462; Phillimore, Com., vol IV, ch. 45; Halleck, ch. 7, § 6; Henry, ch. 8, sect. 2; Twiss, Peace, §§ 155-157; Riquelme, lib. 2, tit. 1, cap. 1-5; Lawrence, Élém., Wheaton, note 65.

Il est un autre cas d'incompétence du pouvoir judiciaire même dans l'intérieur des limites territoriales: c'est celui qui se rapporte à un souverain étranger pendant son séjour au dehors.

Du reste ces diverses exceptions peuvent à peine être considérées comme limitant l'exercice du pouvoir juridictionnel des nations; elles marquent plutôt une sorte de déférence personnelle de peuple à peuple, et montrent qu'il est des cas dans lesquels le droit public interne s'incline devant les principes supérieurs du droit des gens *.

Pouvoir ju

affaires civi

$ 1041. La division des droits en réels, en mixtes et en person- diciaire des nels, établie par les jurisconsultes romains et adoptée par presque États dans les tous les publicistes modernes, peut aider à préciser l'étendue du les. pouvoir juridictionnel des États en matière civile et à déterminer le caractère des lois applicables à chaque espèce. Ainsi dans les questions relatives aux droits réels on doit suivre le statut réel (forum rei sita); dans celles qui ont trait aux droits mixtes, il faut s'en tenir tantôt au statut personnel, tantôt au statut réel, tantôt au forum rei site, ou bien à la loi du domicile; dans les questions qui se rapportent aux droits personnels, la loi du domicile sera celle du contrat.

Pour que le pouvoir judiciaire puisse connaître des affaires civiles qui relèvent de la loi du domicile et ont un caractère essentiellement transitoire, mobile et personnel, il faut donc que les ayant droit se trouvent dans les limites où son action peut s'exercer; sinon, il y aurait empiètement de juridiction et conflit ce qui serait contraire à tous les principes ".

Nous ajouterons toutefois cette réserve qu'il peut y avoir des exceptions où cette juridiction ait été formellement reconnue par des arrangements internationaux.

Cependant l'exclusion que nous avons admise ne doit pas s'entendre comme portant sur l'ensemble de la législation civile, à laquelle le sujet d'un État continue d'être soumis pendant son séjour

Wheaton, Élém., pte. 2, ch. 2, §§ 9, 12; Kent, Com., vol. I, §§ 295, 299; Massé, t. I, §§ 526 et seq.; Heffter, § 59; Bello, pte. 1, cap. 4, § 7; Riquelme, lib. 2, tit. 1, cap. 1; Bowyer, chs. 16, 21; Phillimore, Com., vol. I, pte. 2, ch. 18, 19; Halleck, ch. 7, § 15; Webster, Dip. and off., pp. 140 et seq.; Wildman, p. 70.

Huberus, Præl., lib. 5, tit. 1; Story, Conflict, §§ 537, 538; Blackstone, Com., vol. III, pp. 117, 118; Stephen, Com., vol. III, b. 5, ch. 1; Fœlix, t. I, liv. 1, tit. 3; Pardessus, Droit com., t. V, § 1353; Westlake, chs. 5, 6; Henry, chs. 7, 9; Boullenois, Traité, t. I, pp. 581 et seq.; Voet, Ad Pand., lib. 5, tit. 1, §§ 64-149; Bowyer, ch. 16; Halleck, ch. 7, § 16; Riquelme, lib. 2, tit. 1, cap. 3; Twiss, Peace, § 155.

Droits politiques des

tranger.

à l'étranger; car c'est seulement en observant ces lois qu'il conserve ses droits civils et politiques dans sa patrie.

$ 1042. Cela est si vrai que le fait de séjourner en pays étranpersonnes réger n'aliène ni les droits civils ni les droits politiques dont un sujet jouit dans sa patrie; aussi rien ne s'oppose, absolument parlant, à ce qu'il les exerce quand l'occasion s'en présente; il peut donc demeurer électeur ou éligible à un mandat politique, si le domicile n'est pas posé comme une condition de l'exercice de l'éligibilité et du droit de vote : l'éloignement est un obstacle de fait, non de droit; il suffit au citoyen résidant à l'étranger de rentrer dans son pays pour y exercer son droit.

Droit de rappel.

Au contraire des lois civiles, les lois fiscales du pays d'origine de l'étranger ne sont pas applicables aux immeubles qu'ils possèdent dans un autre pays: les immeubles ne peuvent être imposés qu'au lieu où ils sont situés, et les professions qu'au lieu où on les exerce. Il s'ensuit que l'étranger doit l'impôt à l'État dans lequel il est domicilié et non à celui dont il est originaire. Ce dernier peut, par exception, prélever certains impôts sur ses nationaux à l'étranger; mais dans ce cas le gouvernement du pays où résident les étrangers n'est pas obligé de se charger de la perception de ces impôts.

S 1045. Chaque État a un droit incontestable aux services de tous ses citoyens. Il a, rigoureusement parlant, le droit de leur défendre de sortir de son territoire. Ce droit, il est vrai, est tombé jusqu'à un certain point en désuétude; mais il n'en subsiste pas moins, et aucun gouvernement étranger ne saurait en contrôler ou en entraver l'exercice. Chaque État a, par conséquent, le droit pour des motifs d'ordre public, dont lui seul est juge, notamment à l'occasion du service militaire, de rappeler ceux de ses ressortissants qui se trouvent à l'étranger (jus avocandi). Néanmoins pour obtenir leur retour il ne peut réclamer l'assistance des autorités étrangères, qui n'ont point à seconder l'exécution de ses ordres, puisqu'il s'agit de rapports entre un citoyen et son gouvernement et que l'État étranger n'a aucun intérêt à porter atteinte à la liberté personnelle des voyageurs ou des autres étrangers qui séjournent sur son territoire. L'État qui use du droit de rappel peut adresser des instructions spéciales à ses agents diplomatiques et consulaires. C'est la voie à laquelle a eu recours le gouvernement français pour faire comprendre dorénavant dans les opérations du recensement annuel, par application

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