Page images
PDF
EPUB

bunaux de Besançon, dénoncent à l'accufateur public le patriote Simard, pour avoir imprimé le n°. 65 de la Vedette, ou journal du département du Doubs, dans lequel Louis XVI eft peint comme il le fera vraisemblablement par la postérité. On y lit ces mots : « Louis, nous regardestu encore comme affez fots pour croire à tes fermens?.... » L'ami de la liberté conferve dans fon cœur encore un » espoir, c'est de te voir combler lá mesure de tes crimes ».

Affurément ces quatre lignes, qu'on qualifie d'incendiaires dans la dénonciation, n'auroient aucune fuite fi Louis Seize étoit un Marc-Aurèe. On prendroit l'auteur pour un fou, & le lecteur n'attendroit pas que les tribunaux en fiffent justice. Mais fi Louis XVI a le malheur de ne pas reffembler à Marc-Aurèe, quel tort peut faire cette apoftrophe? Le lecteur n'a pas attendu le journaliste pour penfer comme lui. Si pourtant le premier n'eft pas au cours des événemens, où eft l'inconvénient de l'y mettre?

Mais, dira-t-on, ce paffage eft véritablement incendiaire, puifqu'il tend à avil:r le premier des pouvoirs conftitués, Cela n'eft pas vrai; il ne peut avilir que la perfonne de Louis XVI, & non la place qu'il occupe.

A la bonneheure, pourfuivra-t-on; mais comment juftifierez-vous les journaux & les affemblées ariftocratiques?

Affurément, ce n'eft pas là notre attention; mais nous voulons qu'en confacrant un principe, on y tienne. Le moyen de lui donner la fanction de l'affentiment univerfel, n'eft pas de l'appliquer aux uns & point aux autres. Sous le règne de la liberté, il ne doit point y avoir de privilé giés; & pourquoi veut-on que la liberté de la preile, illimitée pour les uns, foit circonfcrite pour les autres? En général, le régime prohibitif eft odieux & impraticable; c'est lui qui a produit la contrebande & le braconage; c'eft un contre-fens de la déclaration des droits de l'homme; c'est une petite mefure qui décèle la foiblefie & la crainte, de n'accorder la parole qu'aux orateurs patriotes. Les déclamations des Cazalès, des Maury, n'ont fait aucun tort à l'éloquence des véritables défenfeurs du peuple à l'assemblée conftituante; cette lutte a produit au contraire de bons décrets. Si les repréfentans chargés des intérêts de la nation n'avoient pas la liberté de tout dire, de fe calomnier même, fi une timide circonfpection enchaînoit leur langue à la tribune; fi de l'autre côté les affemblées populaires &

les écrivains périodiques & autres n'avoient point la liberté d'émettre leur vœu, leurs fentimens pour ou contre les opérations du corps législatif, fi une furveillance continuelle,& févère, une cenfure même amère ou chicanière n'étoit plus permife dans tous les fens, fi en éclairant la marche ténébreufe des généraux d'armées, des miniftres du roi & de nos adminiftrateurs, on perfuadoit aux citoyens que c'est leur faire perdre toute confiance, ce n'eft que de ce moment que la patrie feroit véritablement en danger.

Mais dans la main des furies le flambeau de la critique deviendroit un brandon incendiaire; il faut fe hâter de le leur arracher des mains, & de l'éteindre.

Non, il ne faut point éteindre le flambeau de la critique par ce que'n de certaines mains, il brûle au lieu d'éclairer; il ne faut pas étouffer le fanal de la vérité, fous prétexte qu'il fait plus de dégât qu'il ne donne de lu

mières.

Il est bien plus naturel & bien plus convenable d'avertir les citoyens de fe détourner de la rencontre des furies, de de ne point leur donner prife fur eux, ou de fe réunir pour arrêter leurs bras homicides, tout en confervant le flambeau. Par exemple, il eft tel journal qui depuis la révolution, toujours ferme, toujours courageux, ne faifant acception de perfonnes, ne laiffe pas que d'incommoder beaucoup certains perfonnages dans leur route oblique & ténébreufe. Ce feroit un phénomène fi dans le cours de quatre années, ce journal n'avoit pas quelquefois publié des faits peu exacts, ou hafardé des opinions précoces. Faut-il à caufe de tel ou tel numéro, rédigé avec moins de fageffe que les autres, profcrire tout à fait cet ouvrage périodique, Voilà bien le but où l'on tend, & c'est pour y parvenir que l'on s'en prend d'abord aux écrits aristocratiques, ou à ceux qui ont été habituellement hors de mefure, & bien par-de-là le vrai.

Citoyens, qui rédigez ou qui lifez des livres patriotiques, ne vous réjouiffez pas de la profcription prononcée contre l'Ami du Roi, le journal de la Cour, le Mercure de France, &c. c'eft pour en venir à vous qu'on s'y prend ainfi. On fait le grand tour pour mieux vous atteindre; ce font des piéges qu'on dreffe à nos légiflateurs pour en obtenir une loi repreffive des opinions & de la preffe. La déclara

tion des droits de l'homme en eft elle-même entachée à l'art. X.

Mais vous, légiflateurs, gardez-vous de mettre une digue au torrent de la penfée, n'en affoibliffez pas le cours quelquefois impétueux, laiffer rouler les preffes; les fleuves qui charrient l'or font fougueux comme les autres. Pour que la liberté foit entière & complète, il faut qu'elle puiffe dégénérer en licence. La nature des chofes n'eft pas autrement organisée; le mal à côté du bien, l'abus à côté de l'ufage. Mais le beau est toujours beau, le vrai est toujours vrai rien ne peut l'altérer. Le peuple a befoin d'inftruction, laiffez-lui tout lire, tout entendre, & repofez-vous fur la jufteile de fon inftinct moral. Suivez-le dans les groupes qu'il forme dans les jardins & les places publiques; ofez-vous remarquer avec quelle fagacité il fait déjà difcerner une opinion faufle ou douteuse, & diftinguer les endoctrineurs que la lifte civile lâche au milieu de lui pour corrompre fon jugement, & lui infinuer des démarches inconftitutionnelles. Ne lui cachez donc rien, plus de myftère, plus de réserve avec lui. Depuis deux ans eft-i! dupe d'une feule des proclamations dont le roi falit nos murailles? Placé entre le menfonge & la vérité, ne foyez pas inquiets du parti. qu'il prendra. Dans les campagnes, il n'a pas encore le tact auffi formé, auffi sûr que dans les villes; ch bien ! à côté: d'un placard fanatique, produifez la raifon dans toute fa fimplicité. Les prêtres le circonfcrivent; fuivez-les à la piste, & établiffez le peuple juge entre le patriotitme & l'aristo-; cratie, entre une morale digne de l'homme devenu libre & une doctrine qui ne convient qu'aux enfans des efclaves; en un mot, à chaque menlonge oppofez une vérité; ne laiffez pas une erreur fans la redreffer, une talomnie fans la détruire. Laiffez tout dire, mais répondez à tout. En agir autrement avec les folliculaires enneinis, leur accorder les honneurs de la perfécution, c'est leur rendre fervice en les rendant intéreslans, & en les faifant connoître davantage; c'eft leur fournir l'occafion de dire: Prohiber un écrit n'eft pas le réfuter, l'un eft plus facite que l'autre.

Exemples à fuivre.

Déclaration politique de la fection du Théâtre Français. Les citoyens dits actifs de la fection du Théâtre Français

confidérant que tous les hommes qui font nés, ou qui ont leur domicile en France, font Français;

Que l'affemblée nationale conftituante a remis le dépôt & la garde de la liberté, & de la conftitution au coufage de tous les Français;

Que le courage des Français ne peut s'exercer effica cement que fous les armes & dans les grands débats politiques;

Que conféquemment tous les Français font admis, par la conftitution elle-même, & à porter les armes pour leur patrie, & à délibérer fur tous les objets qui l'intéreffent;

Confidérant que jamais le courage & les lumières des citoyens ne font auffi néceffaires que dans les dangers publics;

Confidérant que les dangers publics font tels que le corps des représentans du peuple a cru devoir en faire la déclaration folennelle;

Confidérant qu'après que la patrie a été déclarée en danger par les repréfentans du peuple, le peuple fe trouve tout naturellement reffaifi de l'exercice de la fouveraine furveillance;

Que le décret qui déclare les fections permanentes n'est qu'une conféquence néceffaire de ce principe éternel;

Confidérant qu'une claffe particulière de citoyens n'a pas même la faculté de s'arroger le droit exclufif de fauver la patrie;

Déclare que, la patrie étant en danger, tous les hommes français font de fait appelés à la défendre; que les citoyens, vulgairement & ariftocratiquement connus fous le nom de citoyens paffifs, font des hommes français; partant qu'ils doivent être & qu'ils font appelés, tant dans le fervice de la garde nationale pour y porter les armes, que dans les fections & dans les affemblées primaires, pour y délibérer en conféquence les citoyens. qui ci-devant compofoient exclufivement la fection du Théâtre Français, déclarant hautement leur répugnance pour leur ancien privilége, appelent à eux tous les hommes français qui ont un domicile quelconque dans l'étendue de la fection, leur promettent de partager avec.eux l'exercice de la portion de fouveraineté qui appartient à la fection, de les regarder comme frères, concitoyens,

co-intéreffés à la même caufe, & co-défenfeurs néceffaires de la conflitution, de la déclaration des droits, de la liberté, de l'égalité, & de tous les droits imprefcriptibles du peuple, & de chaque individu en particulier. Signés, DANTON, préfident; Anaxagoras CHAUMET, fecrétaire; MOMORO, fecrétaire.

Arrêté du confeil-général du département du Calvados, contre les prêtres réfradaires, pe urbateurs du repos public. 1°. Les eccléfiaftiques infermentés qui auront agité le peuple, troublé la tranquillité publique, ou dont la préfence eft dangereufe dans le canton qu'ils habicent, feront arrêtés & conduits au chef-lieu du département, où ils feront détenus dans le lieu qui fera déligné,

1

2o. Ne pourront lefaits eccléfi ftiques être faifis ou arrêtés que lorfque le confeil ou le directoire du département aura prononcé la détention.

3°. La détention pourra être ordonnée par le département, fur la demande d'un confeil ou d'un directoire de district, après avoir pris l'avis de la municipalité dans laquelle l'eccléfiaftique fera domicilié; mais fur la même demande formée par une municipalité ou un confeil-général de la commune, la peine de détention ne pourra être prononcée par l'administration qu'après avoir préa lablement pris l'avis du district.

4. Lorfque huit citoyens actifs d'un canton formeront la demande de détention contre un eccléfiaftique nonfermenté, le confeil ou le directoire du département pourra prononcer la même peine, après avoir pris l'avis du confeil-général de la commune & du district.

5o. L'administration de département ayant renvoyé la demande au district, il fera tenu de la faire paffer, dans les vingt-quatre heures, à la municipalité ou au confeilgénéral de la commune.

69. Le confeil donnera fon avis dans trois jours, non compris celui de la réception & de l'envoi.

7. Dès que le district aura reçu l'avis de la municipalité, il fera tenu, après avoir donné le fien, d'expédier le tout au département, au plus tard dans les trois jours qui fuivront la réception.

8°. La garde nationale, ou la gendarmerie nationale, fera chargée d'arrêter les eccléfiaftiques dont la détention aura été ordonnée; ils feront dès l'inftant fous fa

« PreviousContinue »